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Réaction du Comité des femmes des communautés culturelles de la FFQ sur les accommodements raisonnables

21 février 2007

Nous sommes des féministes de diverses origines, immigrantes ou non, actives et membres du Comité des femmes des communautés culturelles de la Fédération des femmes du Québec, luttant pour l’égalité entre les femmes et les hommes et pour l’égalité entre les femmes de la majorité et les femmes des communautés ethnoculturelles et racisées. Comme l’ensemble des féministes québécoises, nous luttons contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, quelle qu’en soit la source.

Malheureusement, ces dernières semaines, nous avons pu constater que la société québécoise entretenait une grande méconnaissance à l’égard de nos réalités. Ceci s’est exprimé par le biais des médias, laissant entendre que nous apportions avec nous, comme « bagage », des valeurs culturelles rétrogrades, opposées aux valeurs occidentales « égalitaires » et que les droits que nous revendiquons étaient excessifs.

Nous voulons ici souligner que les discours sexistes entendus et les arrangements, contraires aux valeurs d’égalité entre les sexes, demandés par des intégristes de différentes religions et de diverses origines (musulmane, juive, chrétienne) ne nous représentent pas. Ils témoignent de la persistance d’un système patriarcal et d’un mode de pensée sexiste qui existent encore, même dans des pays dits « développés », y compris au Québec et au Canada.

Nous affirmons que les arrangements et les accommodements raisonnables, contraires au principe d’égalité entre les sexes, réalisés par certaines institutions québécoises avec des éléments intégristes ou non issus de minorités religieuses, ne sont pas non plus représentatifs de l’ensemble des communautés culturelles et religieuses concernées et des femmes qui en font partie. Les généralisations effectuées par ces institutions et par les médias témoignent d’un relativisme culturel et de préjugés importants à l’égard des communautés ethnoculturelles et racisées.

Cependant, pour nous, tous les types d’accommodements raisonnables, y compris de nature religieuse, n’imposant pas de contraintes excessives qui seraient contraires aux valeurs d’égalité entre les sexes, devraient être respectés conformément aux principes de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Nos luttes féministes pour l’égalité entre les hommes et les femmes, pour plusieurs d’entre nous, ont souvent commencé bien avant notre arrivée au Québec. Dans ce sens, les valeurs d’ouverture, de démocratie, de liberté et d’égalité entre les sexes qui représentent la société québécoise, sont celles que nous défendons aussi.

Cependant, nous considérons qu’il y a actuellement une saturation médiatique d’un traitement erroné de la notion d’« accommodement raisonnable » et que cette campagne est imprégnée de préjugés racistes, notamment ceux nous faisant passer pour des femmes soumises et aliénées. Pour nous, cette campagne tend à :

 Nier l’apport de l’immigration et des femmes immigrantes à la société québécoise en ne mettant l’accent que sur l’aspect culturel et religieux, accentuant ainsi la distance culturelle qui séparerait certaines communautés ethnoculturelles de celle de la société québécoise.
 Raviver et donner une légitimité aux préjugés de certaines couches de la population québécoise. Une attitude que, beaucoup de féministes de toutes origines, heureusement, combattent afin d’assurer aux femmes immigrantes et aux femmes des communautés ethnoculturelles et racisées, la jouissance de tous leurs droits et un réel accès à une pleine citoyenneté.
 Créer une diversion sur les vrais problèmes que vit la grande majorité des femmes immigrantes et des femmes des communautés ethnoculturelles et racisées, notamment, lorsqu’on se penche sur le taux de chômage chez les femmes des certaines communautés. À cet égard, nous pouvons citer les femmes arabes et les femmes noires. À cela s’ajoute la discrimination dans le logement, la violence systémique et institutionnelle auxquelles ces femmes font face, sans oublier leur manque de représentation dans les institutions québécoises : publiques, parapubliques et privées. Etc.

Nous déplorons le fait que la campagne médiatique sur « les accommodements raisonnables » a constitué un « ressac » contre les droits des minorités, incluant les femmes appartenant à ces minorités. Nous pensons que les médias devraient avoir pour rôle de mieux informer la population sur la définition, l’origine et la nature réelle des demandes pour des « accommodements raisonnables » afin de lever certains préjugés, d’éviter la stigmatisation des femmes de certaines communautés culturelles et religieuses, et de favoriser enfin un débat éclairé.

Il nous semble que cette campagne médiatique qui a été conjuguée à un mutisme de l’État, a encouragé une polarisation, une méfiance et des divisions, au lieu de favoriser des solidarités entre tous les membres de la société québécoise. Pour cela, nous saluons la mise sur pied de la récente Commission de consultation sur les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles. Cependant, nous déplorons également l’absence d’une femme à sa présidence.

Pour le Comité des femmes des Communautés culturelles de la Fédération des femmes du Québec :

Régine Allende Tshombokongo, directrice Centre d’encadrement pour jeunes filles immigrantes :
Maliheh Ansary, technologue médicale, Association des femmes iraniennes :
Amel Belhassen, PhD sociologie, chercheure, enseignante au département de sociologie,
UQÀM :
Yasmina Chouakri, chargée de projet, Fédération des femmes du Québec :
Monique Crouillère, réalisatrice :
Sujata Dey, travailleuse communautaire et journaliste :
Hossine Hachem, Maitrise en sociologie, DEA en antropologie et ethnologie sociale,
étudiante à la maîtrise en travail social, membre individuelle de la FFQ :
Angela Hernandez, sociologue, membre individuelle :
Fadila Kouider, conseillère en équité en emploi et langues officielles :
Badiaa Mellouk, Doctorat en pédagogie, Famille partenaires pour la réussite éducative et sociale :
Magdalena Molineros, maîtrise en technologie de l’information et des communications :
Pulchérie Nomo Zibi, PhD en Droit de la communication, consultante en résolution des conflits, en gouvernance en genre :
Farida Osmani, PhD en Sociologie, membre individuelle de la FFQ :
Alice Tofan, Association des femmes roumaines :
Marlène Valcin, membre individuelle FFQ

Appuyée par Michèle Asselin, Présidente de la Fédération des femmes du Québec

Mis en ligne sur Sisyphe, le 20 février 2007




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