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L’égalité des femmes au Québec est-elle plus qu’une façade ?

6 mars 2007

par Diane Guilbault, collaboratrice de Sisyphe

Il y a 40 ans, le gouvernement canadien lançait la Commission Bird qui a exposé clairement les discriminations que vivaient les femmes du pays. À la suite du dépôt du rapport, les gouvernements central et provinciaux ont apporté d’importants changements législatifs pour garantir le droit des femmes à l’égalité.

La garantie doit être échue car on se rend compte, semaine après semaine, que les droits des Québécoises sont bafoués au su et au vu de tous et de toutes. Je ne parle pas des vexations quotidiennes que nous infligent les publicités ou des propos machistes ou de mauvais goût, mais de discriminations claires : le cas des femmes policières du Service de police de la Ville de Montréal et celui des femmes examinatrices de la Société d’assurance automobile du Québec sont deux cas récents et patents.*

Le sexisme : un petit problème ?

Pour plusieurs, il est clair que le sexisme est un motif de discrimination mineur, associé surtout à de mauvaises publicités, mais en rien comparable au racisme ou à l’antisémitisme. Les comportements ouvertement sexistes des groupes religieux sont banalisés, sous couvert de respect des cultures ou de respect des chartes. On ne se gêne pas pour questionner les effets négatifs du nombre croissant de femmes dans certaines professions - des professions prestigieuses, car bien entendu, on ne s’inquiète pas de leur nombre encore plus important dans l’entretien ménager ou le secrétariat ... Les femmes en politique ont plus que leur lot de commentaires dégradants - on peut penser à Belinda Stronach ou à Monique Jérôme-Forget qui ont été insultées non pas comme politiciennes, mais comme femmes.

C’est aussi au pays où fleurissent dans les discours les Québécois/les Québécoises, les citoyennes/les citoyens, les électeurs/les électrices que des femmes sont invitées à cacher leur corps lorsqu’elles font de l’exercice physique, les infirmières à se couvrir lorsqu’elles vont dans des maisons de citoyens religieux ultra orthodoxes, sans compter les heures de baignade dans les piscines publiques qui sont ségréguées en fonction du sexe. Quand l’occasion s’est présentée de choisir une femme comme chef de parti pour devenir éventuellement Première ministre, les membres d’un parti qui se dit progressiste ont choisi... un homme. Quand les « accommodements » se sont avérés de plus en plus déraisonnables, c’est à deux hommes qu’on a demandé d’examiner la question. Certains veulent nous convaincre que l’égalité en dignité est équivalente à l’égalité de droits. D’autres qui revendiquent le droit de cuissage et la légalisation de la prostitution veulent nous convaincre que l’acheteur de corps humain traite en égale celle qui lui « offre » des services sexuels.

Si un tel sexisme est possible dans une société que le discours officiel aime à qualifier d’égalitaire, est-ce à dire que les Québécoises n’ont droit en fait qu’à une égalité de façade ?

Pourtant, les lois sont là. Sur papier, les Québécoises ont gagné. Mais la réalité tarde à rejoindre les intentions annoncées. La politique et le plan d’action lancés en décembre dernier par la ministre à la Condition féminine ne sont-ils pas intitulés « Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait » ?

De la façade à la fondation

Mais, diront plusieurs, que pèsent ces petites injustices face aux viols perpétrés sur les femmes dans des pays en guerre, devant les mariages forcés de petites filles de 10 ans à peine ou devant les nombreux interdits auxquels sont confrontées tant d’autres femmes ? Devant ces drames, ma conscience occidentale se sent parfois coupable de ne pas se satisfaire de cette égalité en papier.

Mais je persiste et signe : tout comme la pauvreté innommable de certaines régions du monde n’est pas un prétexte pour accepter la pauvreté ici, les injustices que vivent d’autres femmes ne doivent pas nous faire oublier que l’égalité de fait comme de droit est un objectif noble, essentiel. Et rappelons-nous que les femmes qui subissent ces injustices dans d’autres pays ne pâtiront pas davantage si les Québécoises jouissent un jour d’une véritable égalité. Par contre, elles pourraient très bien subir les contrecoups de reculs qui s’installeraient ici.

Si j’ai un vœu à formuler à l’occasion de cette 32e édition de la Journée internationale des femmes, c’est que l’égalité devienne un jour une des fondations de notre société et non plus seulement une de ses belles façades ! Pour cela, il nous faudra sans doute recommencer à nommer et expliquer le sexisme, pour mieux le refuser !

Note

* Des juifs hassidiques ont refusé d’avoir affaire à une femme policière et à une examinatrice de permis de conduire en invoquant leur religion qui leur interdit la proximité des femmes. Et la Police de Montréal comme la Société de l’assurance automobile du Québec leur ont donné satisfaction en remplaçant la policière par un policier et l’examinatrice par un examinateur.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 1er mars 2007

Diane Guilbault, collaboratrice de Sisyphe


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