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Le choc Sarkozy

7 mai 2007

par Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur

VOUS AUREZ donc soutenu Ségolène Royal ! -Toute autre attitude eût été indigne de notre histoire. - Vous n’avez aucun regret ? - Aucun. - Si c’était à refaire ? - Je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre. Non, je ne vois pas, quand je pense à l’état dans lequel le Parti socialiste se trouvait il y a à peu près un an. Souvenons-nous : il était encore tout rouge des traces qu’avaient laissées l’échec de Lionel Jospin en 2002 et les déchirements qui ont eu lieu lors du référendum pour le Traité constitutionnel européen de 2005. C’est alors que Ségolène est arrivée, déconcertant par sa détermination sereine et son charme lumineux. Personne ne soupçonnait qu’elle se préparait depuis longtemps à affronter une compétition avec les siens. Personne ne pouvait se douter qu’elle s’y préparait seule, sans équipe, sans appuis, décidée à déjouer les pièges, à éviter les tutelles et à s’affranchir des appareils.

Elle n’a d’ailleurs rien fait d’autre que de résister à tous. Elle a pris le risque d’augmenter le nombre de ses ennemis, la jalousie de ses rivaux, l’impatience de ses aînés. Elle a fait son chemin dans la fameuse solitude du coureur de fond. Elle a fini par occuper le terrain socialiste, puis l’espace de la gauche. Son parcours a eu des ratés, des accidents, des insuffisances. Elle a été parfois trop agressive lors du débat télévisé avec Nicolas Sarkozy. Elle a commis une faute indiscutable à la veille du scrutin en prophétisant des émeutes en cas de victoire de son adversaire. Sur l’exigence de répartir des richesses avant d’en créer, sur l’opportunité d’une VIe République comme sur le projet d’un nouveau référendum sur l’Europe, elle n’a pas été convaincante. Mais sur tous ces sujets son adversaire ne l’a pas été davantage et elle aura dignement représenté la gauche dans un combat qui a passionné un peuple soudain mobilisé, politisé et motivé.

Je ne crois pas, cependant, que les pressions archaïques du vieux Parti socialiste puissent expliquer à elles seules l’échec de Ségolène. Je crois qu’elle n’a pas eu le temps de fourbir ses armes, d’ajuster son tir et de tirer les leçons de son expérience socialiste. Je crois enfin et surtout qu’elle s’est trouvée en face d’une bête politique comme il y en a eu peu dans l’histoire de la République. Rarement un homme a manifesté pendant de si longues années autant de frénétique énergie et de pugnacité obsessionnelle pour conquérir le pouvoir et de diabolique habileté pour faire oublier qu’il l’avait bel et bien exercé.

 Lire l’article intégral : "Le choc Sarkozy", 6 mai 2007.

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Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur


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