source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2691 -



L’avortement n’est pas accessible à toutes au Canada

2 août 2007

par Isabelle N. Miron

La radio de Radio-Canada à Ottawa annonçait cette nouvelle récemment : il y a si peu de médecins formés pour pratiquer des avortements dans la capitale nationale que le seul hôpital qui le fait doit fermer ses portes pour un mois cet été (1).

Le Québec garantit l’accès à l’avortement « libre et gratuit », selon la formule consacrée, mais dans le reste du pays, c’est loin d’être évident.

Depuis la décision Morgentaler de 1988, toutes les femmes du Canada ont droit, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, à l’avortement en toute légalité, sans mettre leur santé en péril. Dans la réalité, cependant, le choix ne revient pas aux femmes, mais plutôt aux provinces, aux hôpitaux et aux professionnel-les qui y travaillent. L’Ile-du-Prince Édouard a choisi de ne pas offrir de services d’avortement sur son territoire, violant ainsi la Charte en toute impunité. Dans les autres provinces, on peut faire face à toutes sortes de situations, comme le démontre l’étude menée en 2006 (2), par Canadians for choice (Association canadienne pour la liberté de choix). La chercheure Jessica Shaw a téléphoné aux 791 hôpitaux du Canada, en se faisant passer pour une jeune femme de 20 ans, enceinte, qui désire avoir de l’information sur les options qui s’offrent à elle. Les réponses obtenues par Mme Shaw donnent froid dans le dos. Des réponses indignes d’un pays évolué.

Dans son topo, Radio-Canada donnait la parole à un médecin d’Ottawa qui affirme que les écoles de médecine enseignent de moins en moins les techniques d’avortement, par manque d’intérêt et par souci de ne pas ébranler les convictions religieuses de chacun. Les jeunes médecins ne semblent pas intéressé-es à apprendre, semble-t-il, parce qu’ils n’ont pas vu, comme leurs aîné-es, les dramatiques conséquences des avortements « maison » sur la santé. Il n’y a plus, de nos jours, de femmes qui viennent voir leur médecin après s’être fait avorter avec des aiguilles à tricoter... Heureusement ! Mais forcer une jeune fille, seule et sans le sou, à parcourir des kilomètres pour aller se faire avorter dans une autre région ou province, n’est pas beaucoup moins barbare, et c’est pourtant une pratique courante au Canada.

À ce plaidoyer pour un meilleur accès aux services d’avortement, certain-es répondront sans doute que l’accès universel au Québec s’accompagne de chiffres sur le nombre d’avortements pratiqués chaque année anormalement élevés. C’est une autre question qui doit en effet faire réfléchir, mais qui reflète des problèmes tels le manque d’information et d’éducation sexuelle, le manque de suivi aux interventions, ainsi que le fait qu’il était plus facile, jusqu’à tout récemment, de se faire avorter que de se faire prescrire la pilule du lendemain. Un débat qu’il faut avoir, certes, mais sans remettre le question le droit à l’avortement en soi.

Avoir le choix d’avoir un enfant ou non, dans ses propres conditions, est un droit protégé par la Charte canadienne. C’est un débat clos : ceux et celles qui s’y opposent se trompent d’époque. Avec un gouvernement fédéral de droite, cependant, toutes les craintes sont permises ; il est essentiel d’être aux aguets, qu’on soit féministe, professionnel-le de la santé ou tout simplement citoyen-ne.

Notes

1. Voir le site de Radio-Canada.
2. Retour à la réalité : un aperçu de l’accès aux services d’avortement dans les hôpitaux canadiens, par Jessica Shaw, Canadians for choice ou l’Association canadienne pour la liberté de choix, 2006. Site de Canadians Choice.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 1er août 2007

Isabelle N. Miron


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2691 -