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Au Festival des films du monde
"Teresa : el cuerpo de cristo" et "Travelling with pets"

28 août 2007

par Lucie Poirier

Lorsqu’il a présenté son film Teresa : el cuerpo de cristo, une biographie de sainte Thérèse d’Avila, le réalisateur Ray Loriga a remercié le directeur-photo José Luis Alcaine. Cette gratitude se justifie par la beauté des images à laquelle il est parvenu avec des superpositions, des ralentis, des gros plans de mains, d’objets, dans des éclairages dorés, à contre-jour.

La dévotion dans les mises en scènes, la magnificence des costumes, l’austérité des décors, s’amalgament pour exprimer les dichotomies ferveur/pouvoir, apparence/sincérité, spiritualité/finance ; des contrastes dans lesquels Teresa tentera de fortifier sa foi.

Loriga alterne les scènes d’autoflagellation et de galanterie que vivent les nonnes au couvent, la misère des servantes et la somptuosité des religieuses, les chuchotements au confesseur et les divulgations des confessions par celui-ci.

Comment discerner la fierté du renoncement, l’orgueil de la mortification, la jouissance du masochisme et l’épilepsie des transes ?

L’Église catholique s’y perd elle-même : Teresa de Ahumada, noble, riche, instruite et influente, entrée au couvent pour se consacrer à la religion et à la culture, est accusée de mysticisme, menacée du bûcher. Sans être ainsi identifiée à l’époque, Térésa fut une féministe du 16e siècle par son autonomie et sa persévérance, sa production littéraire et son œuvre religieuse.

Malgré de longs obstacles, elle fondera un couvent sans dotation avec des nones déchaussées et pauvres. Elle a renoncé à ses privilèges aristocratiques, a continué à lire et à écrire. Aujourd’hui encore, ses écrits sont considérés fondamentaux pour l’âge d’or de la littérature espagnole.

Loriga a donné une version à la fois lucide des tractations de pouvoir et d’argent exigées par la religion et respectueuse de la conviction d’une femme que sa croyance religieuse mena à un destin dont elle se chargea elle-même.

Teresa : el cuerpo de cristo, Espagne - France - Royaume-Uni, 2006 / 35 mm / Couleur / 101 min, réal. Ray Loriga.

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Travelling with Pets : Venir à la vie

C’est dans la joie du cinéma, patient, installé et observateur qu’on suit, dans le film Travelling with pets, l’histoire de Natalya (interprétée par l’attachante Kseniya Kutepova), orpheline, vendue comme esclave à 16 ans.

D’apparence misérable, avec ses espoirs cachés, sa capacité d’émerveillement, elle est une « track worker » qui traie la vache pour le lait vendu aux employés du train et qui circule avec un « hand car ».

Lorsque son maître meurt, qu’elle se retrouve seule dans sa maison près de la voie ferrée, qu’elle possède de l’argent, elle vient à la vie, au plaisir, dans une avancée vers l’amour réparateur.

La découverte de soi (l’achat d’un miroir), la rupture avec le passé (elle brûle les affaires du maître qu’elle avait dû épouser), la jouissance sexuelle (elle a un amant qu’elle renvoie quand il devient envahissant) la mènent à avoir de beaux vêtements, une chèvre, un chien, une chaloupe et à partir avec ses bêtes pour voyager en ramant.

Chaque scène, bien établie, réserve une petite surprise. La vie de Natalya, morne et répétitive devient inattendue et satisfaisante.

La réalisatrice Vera Storozheva prend le temps d’accompagner les gestes, l’attente, les réactions, l’effort, pour que l’on comprenne les besoins de Natalya, pour que l’on assiste à l’élaboration de la décision qui favorisera son visage rayonnant et le sourire heureux de son fils adoptif.

Grâce à l’actrice, à l’acteur jouant le fils et à la réalisatrice, on regarde des scènes éblouissantes de bonheur. Natalya avait raison d’espérer, de s’organiser et d’agir ; elle, si généreuse, recueille un enfant abandonné.

Dans la scène finale, l’embarcation s’éloigne, sur une mer étale, sous un ciel magnifique.

Travelling with pets, Russie, 2007 / 35 mm / Couleur / 97 min, réal. Vera Storozheva.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 29 août 2007

Lucie Poirier


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