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Bhawani Rana, une femme qui se bat pour d’autres

3 septembre 2007

par Sandra et Yuki

Bhawani Rana est une vraie militante pour le droit des femmes. Interrogée récemment dans un reportage vidéo réalisé par Amnesty International autour de 5 portraits phares de femmes du monde, elle confie ses premières motivations. Issue d’une famille assez investie en politique, elle voit à 9 ans une femme battue au sang par son mari et implorant de l’aide. A l’époque, son père, responsable de zone, lui promet que l’on va faire quelque chose pour elle. Mais au fond d’elle-même, Bhawani sait que cette femme et des milliers d’autres sont dans une situation sans issue et qu’elle se doit de faire personnellement quelque chose. Depuis toute petite donc, Bhawani entend la voix de cette femme en détresse, et se jure d’y répondre.

Après avoir étudié les sciences politiques, elle travaille pendant 5 ans à l’ambassade américaine dans le domaine de la condition des femmes. Au Népal, beaucoup de choses restent à faire en la matière puisque les violences, violations de droits et trafics en tous genres sont monnaie courante. Pouvez-vous imaginez, par exemple, que l’avortement soit toujours illégal au point d’envoyer des femmes en prison pour l’avoir pratiqué illégalement ? 60% des femmes incarcérées le sont pour cette raison. Depuis quelques mois seulement, l’avortement est toléré dans des cas de force majeure comme des risques vitaux ou un grossesse résultant d’un viol.

De nombreux trafics humains ont également lieu entre le Népal et l’Inde. La frontière terrestre est extrêmement facile à franchir grâce à des autorités qui ne vérifient même pas l’identité des passants si ceux-ci ont un physique d’Indien ou de Népalais (aucun visa ou formalité n’est nécessaire entre les deux pays). Des centaines de femmes sont ainsi vendues à des Indiens les expatriant pour les prostituer à Dehli ou ailleurs.

Autre exemple flagrant de l’inégalité de genre qui régit le pays : la citoyenneté n’a été accordée aux femmes qu’il y a cinq mois. Auparavant, elles étaient soumises au régime de leur père, de leur époux et ne possédaient pas leur propre passeport, par exemple. De même pour les questions d’héritage auquel elles n’avaient pas droit, un an auparavant. Les choses changent et de plus en plus de droits leur sont acquis, mais ce ne sont que des droits élémentaires, et beaucoup de chemin reste à faire.

C’est pour cette raison, et pour toutes celles évoquées plus haut, que Bhawani Rana se bat chaque jour. Originaire de Kathmandu, elle a quitté la ville pour s’installer avec son mari dans une région reculée de l’ouest où celui-ci possède un hôtel. Bhawani a immédiatement perçu la détresse extrême de cette partie du pays, dirigée par des Maoïstes semant la terreur. Ce groupe communiste, armé et opposant de la monarchie, extorque les entrepreneurs locaux et les oblige à "acheter leur sécurité". Afin de protéger sa famille, Bhawani doit elle aussi les payer et leur céder des terres. Malgré la peur qu’ils génèrent, elle travaille avec leurs femmes, elles aussi soumises à de nombreuses violences. Car lorsqu’il s’agit d’atteintes aux droits humains, Bhawani ne fait aucune différence entre les castes et les origines. Grâce à son association, la Federation of Women Entrepreneurs, elle dispense de la formation professionnelle, sensibilise aux réalités politiques et sociales, afin de permettre aux femmes maltraitées de prendre conscience de leurs droits. Elle propose aussi des micro-financements de projets afin d’encourager la création d’activités. Cette association, qu’elle a montée seule, regroupe à présent 48 employés et tend à s’étendre. L’année dernière, Bhawani a monté une exposition vendant de l’artisanat réalisé par les femmes proches de l’association. Son objectif est de très bientôt créer un village d’artisanat à l’image de celui qui existe à Dehli, en Inde, afin de rémunérer correctement le travail de femmes en difficulté. Elle recherche des distributeurs à l’étranger, n’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez soutenir son action. (Pour plus de détails, voir www.scwecnp.org).

L’autre grand projet de Bhawani en ce moment est l’ouverture d’une banque pour les femmes. Afin d’encourager leur esprit d’entreprise, elle souhaite faciliter leur accès à l’emprunt (taux d’intérêts bas, garanties non nécessaires...), tout en continuant à les former et les suivre dans la réalisation de leurs projets. Dans ce but, elle essaie en ce moment de mettre en place des partenariats avec de grandes banques ou institutions mondiales.

Pendant les manifestations qui ont secoué le Népal et détrôné le roi en place au profit d’un régime démocratique, Bhawani a joué un important rôle de médiatrice avec le gouvernement. Si actuellement seuls 33% des sièges politiques (et des sièges de second plan...) sont occupés par des femmes, Bhawani entend bien changer les choses par différents moyens. Pour l’instant, sa politique est celle du terrain, mais nous sommes persuadées que le gouvernement Népalais gagnerait beaucoup à avoir une personne comme Bhawani Rana à sa tête.

Si vous souhaitez la soutenir financièrement ou humainement (Bhawani recherche des bonnes volontés pour l’aider bénévolement à mettre en place tous ces projets), n’hésitez pas, cette femme est vraiment extraordinaire. Nous avons le sentiment qu’elle pourrait déplacer des montagnes pour combattre les injustices flagrantes dont les femmes sont victimes.

L’une des belles rencontres de Sandra et Yuri sur le site 81femmes.org. Date de publication : 22 avril 2007.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 septembre 2007

Sandra et Yuki


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