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"Ensemble, dépornographier notre vie, dépornographier le monde"
Dénoncer la pornographie, cette industrie de destruction

1er octobre 2007

par Mirlande Demers

(Québec, le 30 septembre 2007) - Les journées d’action contre la pornographie se sont déroulées à Québec, du 21 au 25 septembre dernier. Organisés par un regroupement de féministes radicales de l’Est de l’Amérique du Nord, ces événements étaient dédiés à la mémoire et à l’engagement de la féministe états-unienne Andrea Dworkin, née le 26 septembre 1946.

L’évènement, comprenant spectacle, théâtre de rue et projection de documentaire, s’est clôturé par une conférence mardi le 25 septembre, à l’Université Laval. Dans le théâtre de rue, repris lors de la conférence, on dénonçait le harcèlement sexuel et racial dont sont victimes les femmes racialisées et le contenu de magazines pour jeunes filles où on les incite notamment à faire des fellations à leur chum lorsqu’il regarde du sport.

Dans le cadre de la conférence, Diane Matte, ancienne coordinatrice du secrétariat de la Marche mondiale des femmes, spécifiait que la position abolitionniste envers la pornographie et la prostitution ne fait pas l’unanimité chez les féministes, mais que cela ne devrait pas être une barrière au féminisme abolitionniste. La vente du corps des femmes est inacceptable et l’industrie du sexe est en perpétuelle expansion. Dans une province de l’Australie où la prostitution est légalisée depuis 1983, sur deux millions d’hommes adultes, 68 000 consomment annuellement des femmes. Une féministe radicale états-unienne, Stéphanie Cleveland, précisait que chez elle, cette dissension entre féministes s’est soldée en une inactivité des mouvements abolitionnistes. Aujourd’hui, les femmes en paient le prix. La pornographie a pris une telle ampleur qu’en allant prendre le métro, elles tombent face à face avec des hommes d’affaires blancs consommant sans gêne des femmes noires « cochonnes » et des femmes asiatiques « soumises ».

Michèle Roy, travailleuse au regroupement des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), ajoutait que nous avons tendance à être outrées lorsque nous apprenons que des jeunes filles de 11 ans font des fellations dans l’autobus scolaire. Mais sommes-nous autant outrées de savoir que des concours de fellations se fassent dans certains partys de bureau ? Que devons-nous dire à ces jeunes filles ? Pas de « pipes » avant 18 ans, car à l’âge adulte on doit accepter d’être soumise ? Avec cette présence grandissante de la pornographie et l’augmentation de la violence dans les films pornographiques, disait-elle, on normalise la violence et les femmes en viennent à se questionner sur la ligne qui sépare une relation consentante et une agression sexuelle.

Josée Néron, docteure en droit, spécialisée sur la question des droits et libertés des femmes a parlé de la pornographie en milieu de travail en lien avec l’omniprésence du harcèlement sexuel. Les patrons, habituellement des hommes blancs hétérosexuels et non handicapés, s’allient et protègent leurs employés masculins en ne prenant pas de mesures appropriées pour mettre fin à ce fléau.

J’ai, Mirlande Demers, militante féministe, antiraciste et anti-handicapiste démontré le lien entre la porno et le racisme, l’analyse traditionnelle de la porno sous l’unique angle de l’oppression des femmes, étant une analyse selon laquelle la « race » et d’autres composantes sont neutres. Cette analyse nie ainsi le racisme, le classisme, l’handicapisme et d’autres oppressions systémiques. Il est important de reconnaître notre passé et notre présent colonial, de se rappeler que les femmes noires et autochtones, du temps de l’esclavage au Québec, étaient vendues entre les colons. Le colonialisme a institutionnalisé la prostitution et aujourd’hui, l’homme blanc menotte et fouette plus particulièrement les femmes racialisées. Un couple hétérosexuel français a d’ailleurs acheté une Africaine pour l’anniversaire de son chien et ce n’est pas un fait isolé. Les femmes racialisées, autochtones et handicapées sont utilisées pour la bestialité car elles valent moins que les autres femmes aux yeux de cette industrie.

Il est à noter que tous les événements étaient accessibles aux personnes à
mobilité réduite et la conférence était traduite simultanément dans le langage
des signes, un geste d’inclusion trop rare dans les activités organisées par les mouvements sociaux. Une douzaine de femmes avec des limitations auditives étaient présentes. Je tiens à féliciter les organisatrices, le comité d’aide aux femmes sourdes et le service régional d’interprétariat de l’Est du Québec (SRIEQ) pour ce geste, sans lequel, ces douze femmes n’auraient pu participer et j’espère que d’autres organismes feront de même lors de futurs événements.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 1er octobre 2007

Mirlande Demers


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