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Les extrémismes religieux et les droits des femmes

7 mars 2008

par Michèle Vianès, vice-présidente de la CLEF et présidente de Regards de femmes

La Commission de lutte contre les extrémismes religieux de la Coordination française du Lobby européen des femmes (CLEF) s’interroge sur le poids persistant des religions, clé du symbolique, dans la formation et le maintien des rapports de hiérarchie patriarcale et d’assujettissement des femmes.

Comment lutter pour l’autonomie des femmes si on leur fait croire que c’est leur dieu qui a ordonné ? L’obéissance aux prescriptions divines se matérialise sur terre par l’obéissance aux hommes, détenteurs de la pensée et de la parole révélée.

Les religions ont été fixées par des hommes, pour les hommes. Les textes sacrés, transcrits, étudiés, commentés le furent aussi par ces mêmes hommes qui pendant des siècles eurent le monopole de l’accès à la culture.

Partout dans le monde, en suivant des cheminements différents, les femmes vont s’affranchir du poids des religions par les revendications de disposer librement de leur corps, de leur esprit et d’avoir la maîtrise de leur désir d’enfant. Au milieu du xx° siècle, l’avancée des droits des femmes était visible dans tous les pays du monde.

Orientation sociale décisive, l’émancipation féminine a largement infléchi le rapport des femmes à la religion. Son incidence a pris des formes variées, voire opposées, entre progressisme et intégrisme qui troublent profondément l’ordre ancestral, supposé naturel et surnaturel.

Les femmes, constatant que leur place dans les religions est secondaire par rapport à celle des hommes, alors que leur rôle dans la transmission est primordial, expriment la volonté soit de s’émanciper des religions, soit de réinterpréter les textes afin de mettre en place un partage égal du masculin et du féminin dans les institutions, les rituels, les enseignements et la parole théologiques.

Toutes les religions voient s’opposer les femmes : les traditionalistes, gardiennes de l’orthodoxie, se considérant comme les seules conformes aux prescriptions de leur dieu, fidèles et fécondes, pour transmettre aux nouvelles générations la foi des anciens jours. Et un courant libéral, fondé sur l’interprétation personnelle, admettant les mariages interconfessionnels, la maîtrise du désir d’enfant, l’accès à la prêtrise, les sexualités différentes.

La commission n’a pas pour objet de faire un état comparatif des religions et encore moins leur exégèse, mais simplement de soutenir, ici et ailleurs les femmes qui veulent exercer leur libre-arbitre par rapport aux diktats religieux.

Pour cela, nous avons présenté l’indispensable laïcité, c’est-à-dire la séparation entre la sphère politique qui règle les rapports sociaux et la sphère religieuse qui relève de l’intime, impliquant la neutralité de l’Etat et des services collectifs, pour leurs agents et usagers, pour permettre de vivre ensemble par delà les différences. C’était le travail de la commission en 2005 et 2006.

En 2007 et 2008, la commission consacre sa réflexion à la manière dont les extrémismes religieux utilisent, encore aujourd’hui, les religions pour posséder le corps et l’esprit des femmes. Il s’agit bien d’une instrumentalisation des religions pour conserver le pouvoir politique.

La stratégie mise en place par les hommes et les Etats qui utilisent l’islam pour convaincre les femmes de leur soumission leur permet en même temps de mener le combat contre les principes universels fondamentaux, dénoncés puisque « Occidentaux ». L’attaque se porte sur les esprits, avec la confusion volontaire entre le racisme qui concerne les personnes et la religion qui concerne les idées.

Les extrémistes religieux musulmans combattent en opposant au féminisme « occidental, blanc, colonisateur, voire esclavagiste », un « féminisme islamique ». L’émancipation des femmes viendrait de leur choix personnel, de leur consentement à se soumettre à dieu.

Ce qui permet ensuite à ces extrémistes d’opprimer tranquillement leurs coreligionnaires, à commencer par les femmes, avec le soutien des différentialistes occidentaux qui acceptent une différence des droits pour les femmes, au nom de traditions religieuses.

Ce relativisme culturel est bien du racisme puisque, selon cette notion, les « personnes non-occidentales » seraient incapables de jouir des droits humains fondamentaux. Il se complaît dans la notion de choc de civilisation, alors qu’il s’agit d’une guerre des incultures.

Tous les extrémismes religieux, ou prétendu tels, se soutiennent. Ils considèrent l’émancipation de « la » femme comme la cause de tous les fléaux de la société, maux qui disparaîtraient si l’on revenait aux conceptions théocratiques patriarcales de domination des hommes et à l’acceptation par les femmes de leur soumission.

Par une concentration homogène doctrinale et disciplinaire entre les mains de chefs religieux qui réclament une obéissance sans limite, les extrémismes religieux jugent les objections de la raison comme des tentations du démon et veulent convaincre que le monde serait perdu s’il ne rentrait corps et âme dans le cadre serré de traditions autoritaires.

Tous les extrémismes religieux sont englobants, règlent la vie quotidienne dans les moindres détails afin de toujours penser à Dieu (nourriture - repas et achats), vêtements, loisirs, vie sexuelle). Ils nécessitent claustration et crédulité.

Pour convaincre des femmes de revenir aux schémas patriarcaux théocratiques, ils utilisent tour à tour un discours hypocrite de protection des femmes ou un discours d’intimidation : la menace de punition sur terre ou au ciel, c’est-à-dire éternelle si les femmes n’obéissent pas aux traditions,

Comme toutes les autres, les femmes de confession ou de filiation musulmane s’émancipent des extrémismes religieux dont elles sont les premières victimes. Leur parole est occultée, c’est pour cela que nous soutenons celles et ceux qui veulent faire accéder les femmes - et leurs familles - aux droits pour lesquels nous nous battons.

Comme dans tous les pays d’Europe, en France, les atteintes à l’égalité en droit en dignité des femmes et de fillettes de filiation musulmane, sous prétexte de traditions religieuses, imposées par leur mari ou père, leur famille, le voisinage se multiplient.

Alors que nous avons l’outil de la laïcité pour les combattre, des benêts compassionnels entretiennent une confusion perverse entre la notion philosophique de liberté et le principe politique, associé à l’égalité et à la fraternité dans notre République. La liberté sans limite entraîne la loi du plus fort, du plus vociférant. Les libertés des uns et des autres doivent cohabiter plutôt que s’opposer, se renforcer, même en se limitant mutuellement, plutôt que se détruire, pour être libres ensemble.

Courteline se demandait « Jusqu’à quel point tiendrait, devant l’abus, une tolérance faite en partie, d’inertie et d’habitude prise ». Ma tolérance s’arrête où commence l’intolérance de l’autre. La stratégie patriarcale de prise de contrôle sur le corps des filles par l’obéissance à un code vestimentaire céleste de bonne conduite est inacceptable. Le voile des femmes, stigmate de discrimination, de séparation, de fantasmes sexuels, considère les femmes comme propriétés de leur mari et intouchables par les autres. L’affichage ostensible du marquage archaïque possessionnel et obsessionnel du corps féminin est le cheval de Troie de l’islam politique pour montrer sa capacité d’occupation des espaces et des esprits.

L’enfermement des femmes de confession musulmane, l’apartheid sexué, les mariages sous contraintes, forcés, la répudiation, la polygamie, école de la haine pour les enfants des différentes épouses (30 000 familles polygames en France), les violences psychologiques et physiques dues aux traditions religieuses entraînent des troubles de l’ordre public, allant jusqu’au crime d’honneur, et font que toutes les femmes en Europe n’ont pas les mêmes droits !

Condorcet, le grand féministe, soulignait déjà en 1794 : « Ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de véritable droit, ou tous ont les mêmes droits. Et celui qui vote contre le droit d’un autre, quels que soient sa religion, sa couleur ou son sexe, a dès lors abjuré les siens. »

 Communication d’ouverture d’une soirée-débat sous le thème "Féministes et islamistes" organisée par la Coordination française du Lobby européen des femmes (CLEF), le 24 janvier 2008, à la Mairie du 3° Paris. Participaient à ce débat les écrivaines d’origine musulmane Wassyla Tamzali, Mahnaz Shirali et Irshad Manji.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 1er mars 2008

Michèle Vianès, vice-présidente de la CLEF et présidente de Regards de femmes


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