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Quelle a été la situation des femmes en 2007 ?
Quelques progrès et revers

7 mars 2008

par Kathambi Kinoti, AWID

L’année dernière, nous avons été témoins de l’accession à la présidence de
trois femmes. En Argentine, la dirigeante de gauche Cristina Fernandez a été
élue présidente et est devenue la deuxième femme à atteindre ce poste dans
l’histoire du pays. Lors de son discours inaugural, Cristina Fernandez a
juré que les nombreuses affaires relatives aux violations des droits de
l’homme perpétrées pendant la dictature, de 1976 à 1983, seraient menées à
terme.

Son élection signifie que l’Amérique du Sud compte à présent deux femmes
présidente : Fernandez et Michelle Bachelet au Chili. Pratibha Patil a été
élue présidente de l’Inde en juillet 2007. En tant que candidate du
compromis, son élection n’était pas considérée par tous comme synonyme de
progrès en matière de droits de la femme. Un chroniqueur du journal Asian
Age a écrit : "Ne vous moquez pas de notre intelligence en déclarant qu’il
s’agit d’une victoire pour les femmes. Il s’agit d’une victoire égoïste pour
le parti du Congrès et ses dirigeants."(1) Patil a néanmoins établi un
précédent en devenant la première femme présidente de l’Inde. La Suisse a élu Micheline Calmy-Rey présidente.

Benazir Bhutto, ancienne première ministre pakistanaise de retour d’exil
depuis peu, a été assassinée le 27 décembre 2007. Benazir Bhutto, la première femme à occuper le poste de Premier ministre au Pakistan, était résolue à se porter candidate aux élections qui se tiendront tout prochainement dans le pays. Son assassinat a provoqué des émeutes et des problèmes politiques. Au mois de février, Zil-e-Huma Usman, ministre au Conseil provincial de la région du Pendjab au Pakistan, a également été assassinée. Son assassin, qui a avoué le crime, a déclaré à la police que "les femmes ne devraient pas occuper des positions importantes."(2) En mai, la ministre du Tourisme, Nilofar Bakhtiar, a été contrainte de démissionner après que "le noyau dur de l’autorité religieuse islamiste l’ait taxée d’’obscène’ à la suite d’une accolade donnée à un parachutiste qui avait sauté pour une oeuvre de charité."(3) Une autre femme politique en Afghanistan, Malalai Joya, a été suspendue à la suite de ce qu’elle décrit comme un complot politique, après avoir déclaré que le parlement afghan était "pire qu’une étable."(4)

La participation des femmes à la vie politique a fait l’objet d’une fatwa
(décret religieux) du grand mufti d’Égypte en février 2007. Dans cette
fatwa, qui a engendré un débat houleux, le grand mufti déclare que "rien,
dans les principes islamiques, n’empêche les femmes d’occuper des positions
institutionnelles importantes et même de devenir présidentes...l’Islam offre
des droits politiques et sociaux égaux aux hommes et aux femmes."(5) Le
président de la Commission de la fatwa de l’Université al-Azhar a cependant
attiré l’attention sur les réalités sociopolitiques, en déclarant que "même
si la fatwa de Gomaa repose sur des arguments valables, ce qu’il dit n’est
pas faisable dans la réalité au vu de la situation politique et sociale." (6)

Quinze femmes ont été élues au parlement lors des élections générales au
Kenya en décembre 2007. Il s’agit là d’un record pour ce pays dont le
précédent parlement ne comptait que neuf femmes parlementaires élues et neuf
nommées sur un total de 222 membres. Il est probable que le nombre de femmes
au sein du parlement augmentera quand les partis politiques nommeront plus de femmes comme l’exige la Constitution de l’État. Malgré ce relatif progrès, en termes de représentation des femmes au parlement, le Kenya reste bien loin derrière ses voisins d’Afrique centrale et orientale.

Viols et autres violences

Les femmes ont continué à payer un lourd tribut aux conflits dans le monde
en 2007. La situation au Darfour est loin d’avoir été résolue et ce sont
majoritairement les femmes qui subissent la mort, la destruction, le viol et
la faim qui découlent de ce conflit. La République démocratique du Congo
continue d’être le théâtre de violences sexuelles à grande échelle contre
les femmes et les jeunes filles. La Commission interaméricaine des Droits de
l’Homme a fait état du viol et du recrutement de filles et de jeunes femmes
par des forces armées irrégulières, telles que les Autodéfenses Unies de
Colombie (AUC) d’extrême-droite ou les Forces Armées Révolutionnaires de
Colombie (FARC) de gauche. On a signalé que les dirigeants de ces
groupes para-militaires forçaient ces femmes à fournir des services sexuels
ou à effectuer des tâches domestiques.(7) En février, on a signalé que
l’armée du Myanmar avait perpétré, en toute impunité, des meurtres, viols et
tortures sur les femmes Karen.(8) Les différends à propos du résultat des
élections présidentielles au Kenya ont provoqué des troubles politiques. Des
centaines de personnes ont été tuées, des dizaines de milliers ont été
déplacées et le nombre de viols à l’encontre des femmes et des filles a
connu une forte augmentation.(9)

En avril 2007, le tribunal des Nations Unies pour les crimes de guerre a
rendu un jugement qui peut être considéré comme un point de repère. Il a
condamné un Serbe de Bosnie, membre de la police militaire, pour avoir
participé à la célèbre campagne de viols contre les Serbes musulmanes dans
la ville de Foca, en 1992. L’esclavage sexuel et le viol ont pour la première
fois été considérés comme des crimes contre l’humanité dans l’acte
d’accusation prononcé contre le policier.

L’année 2007 a été tumultueuse pour les défenseurs des droits des femmes en
Iran, en particulier à partir du début juillet. Certain-es d’entre eux ont
pris part à la campagne "Un million de signatures" qui vise à informer les
femmes iraniennes sur leurs droits et à réformer les lois discriminatoires à
l’égard des femmes. Plusieurs militantes ont été arrêtées alors qu’elles
tentaient de récolter des signatures afin de soutenir la campagne. Lorsque
certaines d’entre elles ont refusé de signer un accord les obligeant à
mettre fin à leurs activités, elles ont été accusées d’exercer des
"activités contre la sécurité nationale" et emmenées en prison. D’autres
activistes ont été arrêtées tandis qu’elles participaient à des
manifestations pacifiques pour les droits de la femme. La pression
internationale a contribué à la libération de la plupart de ces activistes,
mais sous des conditions draconiennes pour la majorité d’entre elles. (10)
On a également rapporté que les forces de sécurité, au Zimbabwe, ont
régulièrement torturé ou abusé sexuellement de militantes pour les droits de
la femme qui manifestaient contre les violations des droits fondamentaux, les
expulsions forcées et les pénuries alimentaires dans le pays. (11)

L’avortement

L’avortement a continué d’être un enjeu important en matière de droits
fondamentaux de la femme en 2007. Les groupes favorables à l’avortement au
Nicaragua ont vainement tenté de faire pression sur leur Congrès pour qu’il
élimine une loi adoptée en 2006, n’admettant aucune exception et
interdisant les avortements y compris lorsque la vie de la femme est
menacée. On a signalé que cette interdiction avait eu des "conséquences
dévastatrices pour la vie et la santé des femmes", certaines d’entre elles
craignant même d’avoir recours aux services de santé légaux. (12)

Au Portugal, les lois en matière d’avortement ont été réformées après
référendum. L’avortement est à présent autorisé pour les femmes qui sont
enceintes depuis au maximum dix semaines. En cas de viol, l’avortement est
autorisé jusqu’à 16 semaines de gestation et jusqu’à 24 semaines s’il
s’avère que le foetus est atteint d’une malformation congénitale ou d’une
maladie incurable. Certaines femmes n’ont cependant pas pu tirer profit de
ces nouvelles lois puisque certains médecins ont émis une "objection de
conscience". (13) La Cour européenne des Droits de l’Homme a contesté les
lois restrictives en matière d’avortement en Pologne en octroyant des
dommages et intérêts à une Polonaise après qu’elle se soit vu refuser le droit
d’avorter malgré le fait que sa santé soit en danger. Le corps législatif de
Mexico a donné son accord en avril pour autoriser les avortements durant les
trois premiers mois de grossesse. Poussé par son ministre de la santé, le
Mozambique a également envisagé la légalisation de l’avortement. Selon lui,
les avortements pratiqués dans de mauvaises conditions constituent la
troisième cause de mortalité maternelle dans le pays. Le Togo avait amendé
ses lois à la fin de l’année 2006 afin d’autoriser l’avortement en cas de
viol ou d’inceste.

L’Arabie saoudite est le seul pays du monde où les femmes ne sont pas
autorisées à conduire. En septembre, un groupe de Saoudiennes a formé un
comité ayant pour objectif de changer cette situation. L’action de ce
groupe, bien qu’il ne soit pas encore parvenu à changer la loi, met en
exergue le fait qu’aucun progrès en matière de droits de la femme ne devrait
être considéré comme acquis.

Source : Dossier du Vendredi de l’AWID, 4 janvier 2008 (Traduit de l’anglais par Monique Zachary).

Notes

1. Cité dans "India’s first female president sworn in." Reuters Afrique, 25 juillet 2007.
2. "Cabinet Minister Killed in East Pakistan." Guardian Unlimited, 21
février 2007.
3. "Female Afghan and Pakistani politicians forced from office." Guardian
Unlimited
, 23 mars 2007.
4. Voir note 3.
5. Cité dans "Fatwa over women in politics stirs controversy." AKI Italie,
5 février 2007.
6. Voir note 5.
7. "Women Suffer Abuse Behind the Front Lines." Inter Press Service News
Agency
, 23 janvier 2007.
8. "Myanmar military accused of raping ethnic Karen women." Guardian
Unlimited
, 12 février 2007.
9. "Scores in hospital after rape ordeal." Daily Nation, 2 janvier 2008.
10. Radio Free Europe, 17 novembre 2007.
11. "Zimbabwe police torture women activists." Reuters Afrique, 10 octobre 2007.
12. "Over their Dead Bodies", Human Rights Watch, 2007.
13. "Epidemic of Conscientious Objection to Performing Abortion." Inter
Press Service
, 20 juillet 2007.

Sites à visiter

  • Actions des femmes pour le développement.
  • Association for Women’s Rights in Development (AWID) : français, anglais et espagnol.

    Kathambi Kinoti, AWID


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