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Écoféminisme et économie

6 mars 2008

par Patrice Perreault

En ce 8 mars, Journée internationale des femmes, il importe de célébrer les avancées, mais également de souligner les luttes nécessaires afin que l’idéal d’égalité entre les femmes et les hommes soit réellement effectif. À ce niveau, un domaine-clé est très certainement l’économie. Les femmes ne représentent qu’un faible pourcentage des personnes occupant des postes décisionnels (au niveau des institutions internationales, les femmes n’occupent qu’un maigre 2% dans la gestion de ces dernières) et, en général, leurs revenus sont toujours inférieurs à ceux des hommes malgré les pusillanimes tentatives d’équité salariale. En plus sur l’ensemble de la planète, les femmes œuvrent pour 66% des heures travaillées, mais n’ont accès qu’à 10% du revenu mondial ! Dans la tangente de la globalisation actuelle, cette polarisation ne fait que s’accentuer.

Ce constat navrant s’enracine dans les prémisses androcentriques de l’économie contemporaine. Celle-ci tire sa genèse des théories élaborées aux 18e siècle. Selon ce prisme, les femmes sont reconnues uniquement dans la sphère domestique comme des reproductrices de la force de travail ou de chair à canon. Par conséquent, leur apport à l’éducation et au maintien du foyer, pourtant essentiel au fonctionnement de toute société, est considéré comme une « externalité » économique et n’entre pas dans le calcul de la richesse d’un pays ! À cette époque comme à la nôtre, l’androcentrisme constitue toujours le socle sur lequel reposent les systèmes politiques et économiques en place.

Il est à rappeler que le patriarcat est apparu peu à peu à la suite de l’invention de l’agriculture, probablement par les femmes, à l’époque du néolithique. La concentration des richesses s’obtenait alors par les conquêtes territoriales. 8 000 ans plus tard, la guerre a adopté une forme plus « civilisée », celle de la compétitivité et de la concurrence à l’échelle mondiale. Les femmes et leurs enfants sont toujours les victimes directes ou collatérales des politiques économiques. Il est à souligner que les programmes d’ajustements structurels et l’exigence de la flexibilité ainsi que de la précarisation du travail touchent davantage les femmes les appauvrissant de façon dramatique. Il faut également y ajouter la triste réalité que les femmes ne font pas que produire des objets, mais deviennent elles-mêmes des « ressources » ou des « marchandises », dépouillées de leur humanité, au service de la rentabilité marchande comme cela s’observe dans l’usage de l’hypersexualisation de plus en plus intégrée à la publicité.

Ce sombre tableau pourrait conduire au désespoir. Cependant, la résilience des femmes leur ouvre des possibilités inédites. Au cœur de l’économie inégalitaire contemporaine, plusieurs groupes de femmes réclament des mesures pour corriger les discriminations économiques fondées sur le genre. Ces quelques réformes visent à rendre à court terme le système économique plus juste.

Or, les femmes se situant toujours en marge de l’économie dominante, créent présentement, comme au temps du néolithique, un autre paradigme. Elles sont à la source du modèle socioécologique qui s’écarte nettement de l’économie classique. Dans cette représentation du monde, l’objectif premier ne consiste pas à s’assurer d’une marge de profit substantiel, mais à répondre avant tout aux besoins physiques, relationnels, sociaux, psychologiques et spirituels des personnes. Une des figures de proue de cette mutation est sans aucun doute madame Laure Waridel. Ainsi à l’aube d’un changement copernicien, des milliers de femmes et les hommes qui les appuient, oeuvrent dans l’ombre à la construction d’un monde plus solidaire, écologique, pacifique et égalitaire. À mon avis, nous sommes invité-e-s à célébrer cette profonde transformation en ce 8 mars.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 6 mars 2008

Patrice Perreault


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