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Tolérance zéro pour les prostitueurs - Comment la Suède réagirait à l’affaire Spitzer

29 mars 2008

par Birgitta Ohlsson and Jenny Sonesson

Nous voulons faire une suggestion au nouveau gouverneur de New York, David Paterson. Pourquoi n’adopte-t-il pas une loi de tolérance zéro pour l’achat de services sexuels dans l’ensemble de l’État ? Quand Rudolph Giuliani a été élu maire en 1994, on considérait la Ville de New York comme l’une des plus dangereuses régions urbaines du monde. Il a adopté une politique de tolérance zéro contre le crime et, aujourd’hui, la ville se distingue par un bas taux de criminalité.

En s’attaquant fermement au crime, l’ancien gouverneur Eliot Spitzer s’est mérité le surnom de M. Net. Aujourd’hui, il est tristement célèbre pour les fortes sommes qu’il a dépensées pour des prostituées. Spitzer peut avoir combattu vigoureusement le crime organisé, mais crime organisé, traite des êtres humains et prostitution sont intimement liés.

Dans notre pays, la Suède, M. Net serait passible de six mois de prison pour achat de services sexuels. Alors que la sollicitation sexuelle n’est pas un crime, en Suède depuis 1999, il est illégal de payer pour du sexe. La loi suédoise met l’accent sur la demande plutôt que sur l’offre, ce en quoi elle est unique. Si New York, l’une des plus grandes villes du monde, pouvait s’inspirer de la législation suédoise, ce serait un sérieux coup de barre contre le commerce moderne d’esclaves.

La police suédoise appuie la loi parce qu’elle en a vu les résultats. Les trafiquants d’êtres humains ont tendance à éviter la Suède parce qu’il est risqué d’y faire des affaires. La loi a aussi rendu les "consommateurs" plus prudents. Le Sweden’s National Criminal Investigation Department conclut que la loi est une barrière contre l’établissement de réseaux de prostitution transfrontaliers organisés. Il a parlé d’accroître la peine maximale de six mois à un an.

Nous ne nions pas qu’il y ait des prostituées satisfaites du choix de leur métier. Peut-être que l’escorte qui travaillait pour l’Empire Club VIP, que les médias ont appelée Kristen, voulait qu’on la perçoive comme une fière entrepreneure. Mais les travailleuses du sexe contentes de leur sort représentent une faible part dans le monde sordide de la prostitution. La plupart des personnes conduites à vendre leur corps sont des jeunes, pauvres et victimes de traumatisme. La prostitution forcée sous le contrôle du crime organisé comble l’écart entre la demande de services sexuels et le nombre les femmes qui veulent volontairement vendre leur corps. En réalité, bien peu de prostituées mènent la vie du personnage de Julia Roberts dans la populaire histoire d’amour hollywoodienne « Pretty Woman ».

Nous savons ce qui arrive quand la société transmet le message que la prostitution est acceptable. La demande croît. L’État de Victoria en Australie a légalisé la prostitution en 1984. Avant la légalisation, il y existait une quarantaine de bordels dans l’ensemble de l’État, selon The Coalition Against Trafficking in Women. En 2004, il y avait plus d’une centaine de bordels légaux et même le nombre de bordels illégaux avait augmenté. L’expansion de l’industrie du sexe représente une affaire lucrative qui attire les criminels. Comme peu de femmes australiennes veulent travailler dans le commerce du sexe, les emplois sont alors occupés par des immigrantes souvent sans permis de travail.

L’Europe suit cet exemple. L’Allemagne a légalisé la prostitution il y a quelques années. Les bordels du célèbre "red light" d’Amsterdam sont légaux depuis 2000. Peu de femmes allemandes ou néerlandaises planifient de faire carrière en vendant leur corps à des étrangers. Par contre, plusieurs filles pauvres de pays comme la Moldavie et l’Ukraine sont attirées à Berlin et Amsterdam par de fausses promesses. Selon la European Union’s Police Agency, Europol, les trafiquants préfèrent mener des affaires dans les pays dont l’industrie du sexe est très développée. La raison est simple : il existe moins de risques et les profits sont plus élevés.

La Suède et New York pourraient travailler ensemble à créer des sociétés civilisées dans lesquelles le corps humain n’est pas une marchandise. Envisagez la tolérance zéro pour l’achat de services sexuels à New York, David Paterson. Sans demande, il n’y a pas d’offre.

Traduction : Micheline Carrier

Source originale : "Zero Tolerance for Johns : How the Government of Sweden Would Respond to Spitzer", Opinion, International Herald Tribune, 19 mars 2008.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 23 mars 2008

Birgitta Ohlsson and Jenny Sonesson


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