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L’Association du Barreau canadien appuie le renforcement de la valeur d’égalité dans la Charte québécoise

3 avril 2008

par Me Bernard Amyot, Me Julie Latour et Me Benoît Lussier

L’Association du Barreau canadien, par la voix de ses 37 000 membres, apporte au débat public la perspective de la primauté du droit et s’implique activement dans la réforme législative, notamment pour promouvoir l’équité du système juridique. Dans cette foulée, l’ABC a de tout temps fait figure de précurseur dans la promotion de l’égalité des sexes. Voilà pourquoi nous appuyons sans réserve le projet de loi no 63, qui marque la reconnaissance explicite pour la première fois dans la Charte québécoise de la valeur d’égalité entre les femmes et les hommes.

L’égalité entre les femmes et les hommes constitue une valeur publique fondatrice du Québec moderne. Elle définit le Québec comme société ouverte et démocratique, reflète son souci de justice sociale et favorise son essor social et économique. Conscients de l’importance du moment et de sa valeur historique, nous sommes intervenus en Commission parlementaire en février dernier afin d’expliquer la nécessité des amendements proposés au plan juridique.

Nous estimons que ces modifications auraient dû faire partie intégrante de la Charte dès son adoption, en 1975. Il s’agit donc simplement de corriger une omission, ce qui est proposé avec clarté et concision. De plus, ces modifications permettront d’harmoniser la Charte québécoise avec la Charte canadienne, qui contient des dispositions similaires (article 28) à celles proposées (ajout au préambule et article 49.2). Enfin, les amendements suggérés afin de rehausser la protection juridique accordée à l’égalité entre les sexes bénéficieront à toutes les femmes du Québec, quelles que soient leurs origines.

Les femmes ont été parties prenantes de l’édification du Québec contemporain. Faut-il le rappeler, les femmes ne constituent ni un groupe restreint, ni une minorité, mais bien la moitié du genre humain.

Si la Charte canadienne, à l’instar de nombreux documents internationaux, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, auquel le Canada a adhéré le 19 mai 1976, véhicule de façon expresse cette valeur d’égalité entre les hommes et les femmes, pourquoi serait-il inutile de le souligner dans la Charte québécoise ?

Par les modifications proposées au projet de loi no 63, le gouvernement du Québec, et par lui tous les citoyens qui le composent, se donnent les moyens de mettre de l’avant et de protéger cette valeur pilier de notre société qu’incarne l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces modifications relèvent également du devoir impératif de l’État, à titre de législateur, de donner aux tribunaux les outils nécessaires afin de leur permettre d’interpréter la loi et la Charte en tenant compte des valeurs publiques fondamentales de notre société.

Ces ajouts marquent une étape importante pour cristalliser la portée de la valeur d’égalité entre les femmes et les hommes dans l’évolution de notre société. Ils incarnent un pas de plus vers l’atteinte de l’égalité réelle.

L’histoire nous enseigne que les résistances à la reconnaissance des femmes et à leur pleine participation à la sphère publique ont été tenaces et profondes. C’est au terme d’inlassables efforts que cette quête à la fois juridique, sociale et politique a pu se concrétiser. Nos acquis d’aujourd’hui sont le fruit de l’engagement sans cesse renouvelé d’hommes et de femmes, dans l’ombre et sur la place publique, sur plusieurs décennies.

Le constat est que ces jalons, aussi déterminants soient-ils, demeurent récents, et de ce fait fragiles. En effet, la plupart se sont concrétisés il y a moins de 50 ans. Et aucun de ces progrès ne se serait matérialisé sans une volonté politique clairement affirmée de les réaliser. Ces avancées législatives, dont en particulier le droit de vote et l’émancipation juridique, ont signifié la reconnaissance des femmes comme individus à part entière de notre société. De ce nous familial et paternel auxquels elles étaient confinées, les femmes pouvaient enfin dire je. Ce pronom s’est avéré une conquête majeure.

La justice s’inscrit dans une perspective de durée. Il nous appartient d’affirmer et de protéger les valeurs publiques qui nous définissent et qui contribuent à faire de notre société un modèle sur la scène internationale. La valeur d’égalité entre les hommes et les femmes y figure au premier plan. C’est ce que nous tenions à rappeler.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 mars 2008

Me Bernard Amyot, Me Julie Latour et Me Benoît Lussier


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