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Prostitution - Touche pas à mon client ?

1er mai 2008

par Têtes hautes et Regards droits

La Pute Pride de ce samedi 22 mars 2008 à Paris-Pigalle a réuni environ 150 personnes, dont une bonne dose de journalistes. Pas de tract, beaucoup d’hommes (comme à la journée de la femme, ce 8 mars 2008 à Paris), et beaucoup à redire !

A l’occasion de la Pute Pride, les “Panthères roses” défendent l’idée que “le choix de se prostituer ou non fait partie de la liberté individuelle et sexuelle” et de la “liberté de disposer de son corps” (1). Ces arguments renvoient 150 ans de luttes féministes aux orties : la liberté à disposer de son corps est ramenée ici au “libre choix” de vendre et négocier son corps.

C’est du pur ultra-libéralisme, avec des arguments de soi-disant “libre” auto-marchandisation du corps.

Dans ce cadre libéral, la logique suit son cours : la défense du business, la défense des clients.

“Les Putes” et “Droits et Prostitution” se mettent ainsi à protéger leurs clients, par un douteux “Touche pas à mon client !” (2). Effectivement, sans client, pas de prostitution. Sans oppression des femmes, sans patriarcat et sans domination masculine, pas de clients potentiels.

Et donc, sans statut d’infériorité des femmes, pas de prostitution !!!

Donc, ces associations ne défendent pas les personnes prostituées, mais le système prostitutionnel, et donc le patriarcat.

Le groupe “Les Putes”, parlons-en.

“Les Putes” sont un groupe d’une dizaine de personnes (80% d’hommes) qui tend à s’imposer en agitateur politique et à occuper une place de choix sur ce sujet dans le milieu d’extrême gauche parisien (débat organisé par le SCALP au CICP dimanche 17 mars 2008) (3). Ce groupe s’approprie la parole des prostituéEs qui sont pourtant, dans la vraie vie, en grande majorité des femmes.

Comment occuper une place impressionnante dans le débat public (parisien) à 10 ?

Occuper les permanences du Nid, occuper la Maison des Femmes de Paris (entre autres)(4).

Ce sont là les symboles de l’oppression des prostituéEs ? En tout cas, ça fait du bruit, plus fort et plus vite, de se trouver des ennemis rapidement (abolitionnistes donc cathos-frustréEs-”putophobes”) plutôt que de taper sur les vrais symboles de l’oppression des prostituéEs et des femmes. Puisqu’ils-elles veulent faire dans le symbolique...

“Les Putes” mettent en lien leurs associations “alliées” (comme les Panthères roses, ActUp-Paris, les Indigènes de la République, etc.).

Cela montre le tournant politique pris par le courant pro-prostitution. ActUp s’attaquait, il y a encore quelques années, aux détenteurs de la force et du pouvoir patriarcal. Aujourd’hui “Les Putes” s’attaquent aux féministes et défendent les clients.

Il faut savoir que “Les Putes” et “les Panthères roses” disent, de ceux et celles qui ne sont pas d’accord avec eux, qu’ils-elles sont “frustréEs”, “moralistes”, “putophobes” : c’est du débat binaire, simpliste, puéril.

Cette vision qui dit : "Si tu n’es pas d’accord avec nous, tu es contre nous, contre TOUTES les prostituées, et en plus tu es frustrée (argument anti-féministe habituel) !" Non les abolitionnistes de la prostitution ne sont pas toutes prohibitionnistes, loin de là. L’Etat ne doit pas interdire la prostitution, car nous ne demandons rien à l’État bourgeois - qui a pondu la LSI et sa loi sur le racolage passif.

Non les abolitionnistes ne sont pas toutes des moralistes, frustréEs et anti-prostituées, loin de là. Les prostituéEs ne sont pas à incriminer, c’est le partriarcat - en tant que vision de la femme comme objet sexuel, entre autres - qui est à éliminer. Non, la prostitution ne concerne pas que les prostituées, c’est l’un des pilliers de l’oppression des femmes. Quelle fille ou femme ne s’est jamais entendue affublée d’un “sale pute !” ? Nous sommes pour la libération sexuelle (la vraie) et, selon nous, elle va à l’encontre de la marchandisation des corps.

Quand le libéralisme et les arguments pro-prostitution des collectifs “Les Putes” et “Droits et prositution” se font une place chez les libertaires ...

Même Offensive (OLS), qui produit un dossier pourtant intéressant et diversifié sur la prostitution (”Putain de sexime !” déc. 2007), compare les arguments des mouvements “Les Putes” et du Nid pour ... les rapprocher (!) (dommage...) et indiquer sur quoi ces deux mouvements sont finalement d’accord. Comment peut-on comparer un groupuscule de 10 personnes qui battent des ailes depuis 2006 et le Mouvement du Nid qui développent des permanences pour les prostituées depuis 1937 (jusqu’au Brésil et en Côte d’Ivoire) ? Comment peut-on les mettre côte-à-côte sans apporter un minimum de critique (d’un côté comme de l’autre) ?

Par ailleurs, le dernier numéro (Mars 2008) du Courant Alternatif (OCL) consacre trois pages à Cornélia : transexuelle, prostituée, dominatrice et libertaire. La partie sur l’entraide et les luttes contre la pathologisation de la trans-identité, ne sauve malheureusement pas le reste. Cornélia est sa propre patronne, elle s’autogère : donc elle est libertaire. En économie, “être son propre patron” a un nom : c’est “profession libérale”. D’ailleurs elle affirme que les prostituées en France n’ont plus de mac depuis au moins 20 ans. En même temps, ce sont toujours les prostituées libérales qui le disent... Elle dit aussi que les filles de l’Est n’ont plus de mac non plus, qu’il reste les réseaux africains mais que c’est peut-être mieux que de “crever dans les rues de Kinshasa”. La politique du moins pire : les Africaines apprécieront le misérabilisme que les réglementaristes reprochent à ceux et celles qui osent remettre en cause le système de la prostitution.

Oui, les prostituéEs sont des victimes de la prostitution, comme les salariéEs sont des victimes du salariat, comme les personnes de couleur sont des victimes du racisme, comme les femmes sont des victimes du patriarcat et des violences conjugales. Ce n’est pas de la “victimisation” que de l’affirmer clairement, que de l’assumer pleinement. Ce n’est pas déposséder les personnes de leur capacité à lutter pour leurs droits : au contraire ! C’est leur apporter soutien et reconnaissance.

Abolition de la prostitution, du capitalisme, du racisme et du patriarcat.

Pour une société sans aliénation.

“Quand je mange un bifteck, je ne me demande pas si la vache a souffert”, répond un client à un journaliste qui l’interroge sur les prostituées victimes de la traite...

Notes

1. Communiqué des panthères roses pour la pute-pride 2008.
2. Message du groupe Les Putes : “Touche pas à mon client !” - Droits et prostitution : “pénaliser les clients = pénaliser les prostituéEs”.
3. En bas de ce lien : Occupation de l’amicale du Nid à Clichy par “Les Putes” et le SCALP. Aussi : Réponse du Mouvement du Nid à ses détracteurs.
4. Violence pro-prostitution à la Maison des femmes de Paris. Aussi : Le groupe “Les Putes” occupe... la maison des femmes ! (mai 2006)

  • Lire sur le même site : Liberté sexuelle ou liberté de consommer du sexe ?
  • Reproduit du blogue Têtes hautes et Regards droits avec l’autorisation de l’auteure. Première publication, le 23 mars 2008.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 avril 2008

    Têtes hautes et Regards droits


    Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2962 -