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La burqa, symbole
Et les positions de NPNS et de la LDIF

14 juillet 2008

par Le Monde

Peut-on devenir française quand on porte la burqa, ce vêtement qui, à l’exception des yeux, masque entièrement les femmes dans les pays (ou les familles) musulmans les plus rigoristes ? Non, vient de répondre sans détour le Conseil d’État dans un arrêt qui, sans aucun doute, fera date.

L’affaire sur laquelle la haute juridiction a tranché tient en quelques mots : une Marocaine mariée à un Français et mère de trois enfants nés en France s’est vu refuser, en 2005, la nationalité française au motif qu’elle porte la burqa et que cela constituerait un « défaut d’assimilation ».

Saisi en appel, le jugement du Conseil d’État tient, également, en quelques mots, manifestement pesés au trébuchet : cette femme « a adopté, au nom d’une pratique radicale de sa religion, un comportement en société incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française et notamment le principe d’égalité des sexes ».

Voilà donc relancée la controverse sur la place des religions en général, et de l’islam en particulier, en France. Le débat sur le port du « voile » à l’école avait déjà soulevé la question il y a quelques années : la France doit-elle, avec tolérance et sagesse, accepter l’expression publique de l’identité religieuse et de la différence culturelle ?

Ou doit-elle, au contraire, marquer nettement les limites au-delà desquelles le principe de laïcité, fondement de la République, serait bafoué ? En adoptant la loi de 2004 interdisant le port de tout signe religieux ostensible dans les établissements scolaires, le Parlement avait clairement choisi la seconde réponse.

Dans son arrêt du 27 juin, le Conseil d’État adopte une position similaire. Nul doute qu’il va se voir reprocher, à nouveau, de stigmatiser une religion, l’islam. Et de ne pas mesurer le fossé qui le sépare de la réalité complexe de la société française. Le Conseil, il est vrai, s’en tient à une appréciation de principe : à ses yeux, la burqa est tout sauf un signe religieux banal, qui relèverait d’un simple choix privé ou de la liberté de conscience ; à ses yeux, c’est au contraire un symbole majeur pour les musulmans les plus militants et minoritaires, qui revendiquent une pratique extrême de leur religion. Un symbole de ségrégation entre les hommes et les femmes. Un symbole inacceptable du statut d’infériorité de la femme dans cette conception de l’islam. Comment lui donner tort ?

Source : Le Monde, Édito, le 11 juillet 2008.

 Lire aussi : "Une Marocaine en burqa se voit refuser la nationalité française", Le Monde, 11 juillet 2008.
 "Sous la burqa", Le Devoir, 16 juillet 2008.


Communiqué

REFUS DE NATURALISATION D’UNE MAROCAINE EN BURQA PAR LE CONSEIL D’ETAT :

Extrême soulagement de Ni Putes Ni Soumises

Le Mouvement Ni Putes Ni Soumises est soulagé par la décision du Conseil d’Etat qui a confirmé le 27 juin dernier un refus de naturalisation à une femme marocaine portant la burqa et adhérant à une secte radicale, le salafisme.

Par cette décision, le Conseil d’Etat, a placé la barre très haute, dans la lignée de la loi de 2004, réaffirmant la laïcité à l’école. En ce sens, il a rappelé que la Laïcité et l’égalité des sexes sont des valeurs essentielles de notre République, de notre Constitution. La République ne peut en aucun cas, cautionner un tel outil de soumission, et d’oppression envers les femmes.

Il est temps d’intégrer dans les faits les droits des femmes aux droits humains, non négociables. Ceux qui nous parlent du voile ou de la burqa comme un outil à l’émancipation, n’ont pas compris les dangers auxquels nous faisons face tous les jours.

Depuis plus de 15 ans, nous subissons des attaques en règle contre le droit des femmes et la Laïcité. Mais ce sont les brèches ouvertes par nos élus qui remettent en question la mixité dans les lieux publics comme les piscines ou les gymnases, ou en érigeant la virginité comme une qualité essentielle, qui nous mènent droit dans le mur !

Alors même que les pays européens qui ont favorisés les comportements les plus radicaux s’inspirent de notre modèle laïque, la France se doit de rester l’avant-garde du combat laïque seul rempart contre les dérives fanatiques dont les femmes sont les premières victimes.

Cette décision du Conseil d’Etat doit être un exemple pour tous ceux qui se revendiquent des valeurs de la République.

Site de NPNS.

N. B. « Pas d’égalité sans mixité et sans laïcité, tel était l’enjeu et l’objectif de l’appel pour "un nouveau combat féministe" initié par le mouvement « Ni Putes, Ni Soumises » en mars 2005 et soutenu par plus de 100 organisations et associations de terrain, ainsi que par des milliers de femmes et d’hommes à travers toute la France. Cet appel fait de la laïcité et de la mixité les pierres angulaires d’un pacte social, quand aujourd’hui certains essaient de les mettre à mal. »

COMMENTAIRE

Peut-être faudrait-il tenir un registre des femmes et des enfants victimes physiquement et psychologiquement du patriarcat intégriste religieux dans le monde, comme il existe au Québec une recension des femmes et des enfants tués par des hommes (conjoint, ami, parent, autres) depuis le drame de Polytechnique. Après tout, les violences commises contre les femmes par les intégristes religieux ne sont pas moins graves que les violences commises par des misogynes qui tuent des femmes, parce qu’ils ne peuvent les soumettre à leur diktat, dans des sociétés occidentales. Si nous sommes marqué-es au Québec par le drame de Polytechnique, d’autres sont marqué-es ailleurs par le fait que leurs amies, soeurs, mères ou autres parentes aient été emprisonnées, torturées, brûlées vives ou lapidées. On ne voit pas pourquoi les crimes sexistes ou misogynes seraient plus tolérables au sein de communautés d’origine non occidentale ou non chrétienne.

La création d’un tel registre serait un beau geste de solidarité féministe internationale qui rappellerait la mémoire de celles qui se battent pour des libertés qu’on peut juger élémentaires ici, mais qui sont le combat d’une vie ailleurs : se promener sans voile, se réunir, sortir sans être escortées par des hommes, participer à des manifestations, choisir ses partenaires amoureux et compagnons de vie, ses études et sa carrière, etc., etc. Ces femmes savent que le foulard islamique ou la burqa s’accompagne de la perte ou de la non-reconnaissance de droits et de libertés. C’est pourquoi certaines résistent et luttent au prix de leur vie. En Afghanistan, par exemple, plusieurs se sont suicidées pour échapper à un mariage imposé par leur famille. En Iran et en Irak, plusieurs sont en prison parce qu’elles ont manifesté dans la rue tête nue et pour les droits des femmes. Un vêtement innocent, la burqa ou le nikab ? Peut-être faut-il le demander à ces femmes. Micheline Carrier

Lire plusieurs articles

  • Rubrique Femmes du monde.
  • Rubrique Démocratie, laïcité, droits et religions.
  • Rubrique Femmes et religions.
  • Rubrique Voile ou foulard islamique.

    LIGUE DU DROIT INTERNATIONAL DES FEMMES
    Association 1901, créée par Simone de Beauvoir
    www.ldif.asso.fr

    Communiqué, le 12 juillet 2008

    Le Conseil d’Etat a su trancher et trouver les mots justes !

    La LDIF se félicite de la décision du Conseil d’Etat qui a refusé par un arrêt du 27 juin la nationalité française à une marocaine musulmane, habitant les Yvelines, parce qu’elle portait une burqa.

    Un élément essentiel de cet arrêt tient au fait qu’il identifie un excès ( une radicalité ») dans la pratique religieuse dès qu’elle se traduit par « un comportement en société incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française et notamment le principe d’égalité des sexes ».

    La formulation de cette décision représente une avancée considérable par rapport à l’affirmation classique de la laïcité qui évite toute interprétation des signes religieux. Enfin, comme le demandent les féministes depuis la première affaire du voile en 1989, le Conseil d’Etat, confronté à un cas extrême d’enfermement et de soumission à travers le voile, ose dire ce que cela signifie.

    Le voile n’est pas un signe religieux comme les autres. Il signifie la ségrégation entre les hommes et les femmes et un statut d’infériorité des femmes. Le fait que certaines d’entre elles le revendiquent ne change rien au sens de ce symbole.

    En filigrane, cet arrêt invite les religions, en l’occurrence la religion musulmane, mais les autres devraient aussi y réfléchir, à toiletter leurs textes et/ou leurs pratiques à la lumière de l’évolution des droits, et notamment du droit des femmes.

    Annie Sugier,
    Présidente de la LDIF

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 juillet 2008

    Le Monde


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