source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3041 -



Le retour des publicités sexistes

15 juillet 2008

par Patrice Perreault

La nouvelle campagne publicitaire de Molson me déçoit et m’indigne considérablement. Associer un produit à des images assujettissant les femmes nous indique que le chemin pour vivre une réelle égalité sera, malheureusement, encore long à parcourir. Aujourd’hui, il semble que les forces du marché aient remplacé les codes des sociétés patriarcales du passé. Ce n’est plus pour des raisons religieuses ou sociales que le corps des femmes est chosifié, mais pour mousser la vente d’un produit !

Je me souviens qu’une bonne partie du Québec a proclamé haut et fort, lors de la Commission Bouchard-Taylor, que l’égalité représente une valeur fondamentale pour la société québécoise. Il s’agit d’une bien étrange notion d’égalité que d’accepter, pour des raisons de rentabilité, que le corps féminin soit dégradé et serve à des raisons purement marchandes ! Il serait grand temps d’arrêter de regarder la paille dans l’œil de l’autre pour regarder la poutre qui est dans le nôtre ! L’égalité relationnelle entre les femmes et les hommes demeure un idéal à atteindre et n’est très certainement pas réalisée au sein de notre société.

Certaines personnes objecteront, à juste titre, que les femmes sont libres de poser. Cela ne peut être aucunement démenti. Cependant, peut-on parler de liberté lorsque des femmes et/ou des hommes choisissent de ne pas reconnaître, même pour soi-même, la dignité propre à chaque être humain ? Par ailleurs, le fameux « girl’s power » qu’illustrerait cette publicité, ne constitue-t-il pas un exemple typique que la liberté de présenter des images de soumission consacre néanmoins un rapport de servilité, même librement consenti ? Le « girl’s power » constitue l’illusion d’une véritable autonomie puisque les bénéficiaires de ce « pouvoir » sont les détenteurs du pouvoir économique et politique au cœur d’une société androcentrique, c’est-à-dire composée d’hommes considérés dans leur position sociale de contrôle et d’orientation de la cité. Prétendre le contraire, légitime le sexiste prégnant de notre société.

N’innoverait-on pas réellement, si, dans une campagne publicitaire, un produit était associé à une image de virilité fondée sur la compassion, le respect, l’interdépendance, la dimension relationnelle, l’intégration de la vulnérabilité, l’empathie, l’égalité, l’affirmation de soi et le dialogue ? Cela n’inaugurerait-il pas une ère nouvelle où les relations se construisent dans la reconnaissance de l’autre comme être humain ? Le modèle social sur lequel s’appuie la publicité n’est jamais neutre, ne serait-il pas opportun, de privilégier désormais un modèle d’interdépendance, de solidarité et d’égalité qui représente le meilleur de l’être humain ? C’est à souhaiter.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 juillet 2008

Patrice Perreault


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3041 -