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Sur la colline parlementaire
Offensive masquée contre le droit à l’avortement

10 septembre 2008

par Richard Cléroux, reporter et columnist indépendant

Les conservateurs essaient de faire adopter en douce un projet de loi contre le droit à l’avortement, et c’est parfaitement légal. Ainsi, le premier ministre Harper n’aurait pas besoin de renier sa promesse électorale de ne pas recriminaliser l’avortement.

De simples députés de son parti feront le travail à sa place, avec l’appui de quelques députés libéraux. C’est un plan compliqué : quatre projets de loi d’initiative parlementaire conféreraient au fœtus le statut juridique « d’enfant non encore né », ce qui serait un pas important vers une éventuelle contestation du droit à l’avortement devant la Cour Suprême.

Cette stratégie de « l’enfant non encore né » (unborn child) a porté fruit aux États–Unis : trente-sept États ont abrogé ou grandement restreint le droit à l’avortement.

Le Canada est le seul grand pays développé à ne pas avoir de loi sur l’avortement, ce qui soulève l’ire de la droite chrétienne. Les députés conservateurs ont l’appui des groupes Pro-Vie américains, de l’Église catholique et des groupes protestants évangéliques.

Depuis l’accession au pouvoir du gouvernement de M. Harper, des organisations influentes de la droite chrétienne et les groupes de pression « pro-famille » poussent comme des champignons à Ottawa.

Le point de départ de cette stratégie était le dépôt par le député Ken Epp, un fervent chrétien mennonite, du projet de loi C-484, Loi sur les enfants non encore nés victimes d’actes criminels. S’il était adopté, ce projet de loi créerait une nouvelle catégorie d’infraction au Code criminel  : le fait de tuer ou de blesser un « enfant non encore né » pendant la perpétration d’une agression contre une femme enceinte.

L’assassin d’une femme enceinte serait accusé de double meurtre. Les groupes de défense des droits des femmes craignent que la loi ne serve aussi à porter des accusations contre les femmes qui se font avorter illégalement, pour avoir causé du tort à leur « enfant non encore né ». En vertu de lois semblables aux États-Unis, des femmes enceintes ont été jetées en prison ou se sont fait enlever leurs enfants pour avoir pris des drogues jugées nocives pour le fœtus.

Les adversaires du projet de loi jugent inutile la création de cette nouvelle infraction et font valoir que l’article 718.2 du Code criminel permet déjà aux juges d’imposer une peine plus lourde en raison de circonstances aggravantes (comme le meurtre d’un fœtus).

À leur avis, il s’agit d’un simple prétexte pour introduire en catimini le terme « enfant non encore né » dans le Code criminel , afin de pouvoir par la suite contester le droit à l’avortement en invoquant la Charte. Partout dans le projet de loi, le mot « fœtus » est remplacé par « enfant non encore né », et le terme « femme enceinte », par « mère ».

Les partisans du projet de loi C-484 ont déjà remporté la première manche. Le 5 mars dernier, il a été adopté en deuxième lecture par 147 voix contre 133 et il sera renvoyé devant un comité parlementaire à l’automne.

Tous les conservateurs, sauf quatre, ont voté pour le projet de loi, tout comme 27 députés libéraux et un néo-démocrate. Le Bloc Québécois et le NPD ont voté contre. La ministre du Patrimoine canadien, Mme Josée Verner, et le ministre des Transports, M. Lawrence Cannon, ont voté contre.

Le chef libéral Stéphane Dion et six autres députés de son parti étaient absents au moment du vote. A son retour, M. Dion a déclaré qu’il se battrait jusqu’au bout pour défendre le droit des femmes à des avortements légaux et pratiqués dans des conditions sûres. Il aura l’occasion de le faire cet automne.

Le député libéral de Laval, Massimo Pacetti, a voté en faveur du projet de loi, pensant rendre service aux femmes.

Le projet de loi C-338, parrainé par le député libéral Paul Steckle, criminaliserait l’avortement pratiqué après la 20e semaine de gestation, sauf si la mère souffre de problèmes de santé mentale ou si le fœtus présente de graves anomalies. Ce projet de loi inquiète les médecins qui se demandent comment on pourra savoir si l’avortement est légal (20 semaines de grossesse) ou criminel (21 semaines).

Le projet de loi C-537, qui vise la « protection du droit de conscience des professionnels de la santé » (peut-on être contre la liberté de conscience ?), est parrainé par le député conservateur Maurice Vellacott. Il permettrait aux médecins et aux infirmières de refuser de pratiquer des interventions médicales - y compris l’avortement - contraires à leurs valeurs religieuses. Ainsi, des hôpitaux publics pourraient décider de ne plus faire d’avortements. Excellente nouvelle pour les professionnels de la santé qui sont de fervents musulmans ou juifs orthodoxes.

Le projet C-543, quant à lui, porte sur « le mauvais traitement d’une femme enceinte ». Le fait de s’en prendre à une femme enceinte serait un facteur aggravant, ce qui, du reste, est déjà prévu par le Code criminel. Et les femmes qui ne sont pas enceintes, alors ?

Les députés favorables à ces projets de loi se rencontrent régulièrement pour un « déjeuner-prière » dans une chapelle aménagée à l’intérieur de l’enceinte parlementaire. Ils ont récemment eu la surprise de voir des députés musulmans et juifs - qui partagent leur point de vue sur l’avortement - se joindre à eux.

Mais les opposants au projet de loi commencent eux aussi à s’organiser. Le Collège des médecins du Québec s’est prononcé contre les quatre projets de loi. Il craint qu’en criminalisant l’avortement, on ne fasse des médecins des criminels. Le docteur Yves Robert, secrétaire du Collège, a écrit aux quatre partis pour les exhorter à rejeter ces projets de loi.

« Il y a déjà une définition dans le Code criminel d’un enfant, a signalé le Dr Robert. Un enfant, c’est une personne depuis le moment de sa naissance jusqu’à l’âge adulte ». D’après lui, des députés tenteraient de criminaliser l’avortement sans faire de débat public « et c’est ça aussi qu’on dénonce ».

Au Québec, l’Assemblée nationale a récemment adopté, à l’unanimité, une motion pour demander le rejet du projet de loi fédéral. Soixante-dix groupes publics ont eux aussi exprimé leur opposition, dont des groupes de lutte contre la violence, des refuges pour femmes, des organisations médicales, des associations de juristes, des groupes s’intéressant aux politiques sur les drogues et des syndicats.

Dans l’autre camp, 19 des 20 groupes qui appuient le projet de loi sont des groupes conservateurs, religieux ou de droite qui sont contre l’avortement.

Dans les sondages d’opinion, quand on demande aux gens s’ils sont en faveur d’une loi visant à contrer la violence faite aux femmes enceintes, une majorité écrasante répond oui.

Cela n’a rien d’étonnant. Qui oserait répondre autrement à une telle question ?

Source : Law Times, le 30 juin 2008, "The Hill : Back door abortion law".

  • Traduction française pour Sisyphe : Marie Savoie.

     Manifestation pancanadienne contre ces projets de loi le 25 septembre prochain.

    Message important : pétition à signer de toute urgence.

    Alors que les organisations ANTI-CHOIX continuent à faire pression sur le Gouverneure générale pour qu’elle revienne sur la décision d’occtroyer l’Ordre du Canada au Dr Morgentaler (Selon les médias, livraison de pétition hier de plus de 30 000 noms de personnes en désaccord), nous faisons appel à vous toutes et tous pour que vous signiez instamment le PÉTITION en FAVEUR l’attribution de l’Ordre du Canada au Docteur.

    Également, nous souhaiterions que vous participiez à la distribution de cette pétition électronique dans votre milieu milieu, auprès de vos membres, collègues, membres de votre famille et amis, etc. SVP... Quelques minutes de votre temps feront une grande différence alors que cet appui nécessite des milliers de signataires.

    Johanne Fillion

    QUOI : TOUTES et TOUS en faveur de l’attribution de l’Ordre du Canada au Dr Morgentaler

  • Au http://www.gopetition.com/online/20407.html.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 15 août 2008.

    Richard Cléroux, reporter et columnist indépendant

    P.S.

    Lire aussi

  • "L’avortement : rien n’a changé", Le Devoir, 27 août 2008.
  • "Avortement : Ottawa désamorce la crise", Le Devoir, le 26 août 2008
  • "Projet de loi C-484 - Prélude à la recriminalisation de l’avortement au Canada. Et menace sans précédent contre les femmes enceintes", par Micheline Carrier.
  • "L’avortement ne cause pas de troubles mentaux", La Presse.
  • "Non à la Loi C-484. On ne joue pas avec les droits des femmes".


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