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Sexe et médias - Le Conseil du statut de la femme répond à Lise Ravary, directrice de Châtelaine

9 septembre 2008

La directrice de Châtelaine a rencontré la ministre de la Condition féminine Christine St-Pierre récemment afin d’essayer de la convaincre d’abolir le Conseil du statut de la femme. À quel titre et au nom de qui Mme Ravary a-t-elle fait cette démarche, nous ne le savons pas. Il semble que l’une des prochaines éditions de Châtelaine abordera le sujet de l’aide aux hommes qui serait insuffisante de la part du gouvernement. Les hommes antiféministes et les masculinistes, qui n’ont cessé de combattre le CSF et les féministes depuis cinq ans, se sont peut-être trouvé une nouvelle porte-parle en la personne de Mme Ravary. Raison de plus pour faire savoir à la ministre que nous ne partageons pas l’avis de la directrice de Châtelaine. Après tout, ce n’est pas à cette dernière de décider du sort du Conseil du statut de la femme.

 Allez signer la lettre à la ministre St-Pierre : "Lettre à la ministre Christine St-Pierre - Ne Laissez pas l’ignorance saper les acquis des femmes québécoises", par Micheline Carrier et Élaine Audet.




C’est Mary Daly, je crois, qui écrivait que les hommes n’auraient pas à combattre le féminisme, dans un proche avenir, des femmes s’en chargeraient.

Dans l’édition de septembre 2008 du magazine Châtelaine, Lise Ravary (féministe, mon oeil !) publie une critique de l’Avis du CSF, Le sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires. Certains propos de la directrice de Châtelaine laissent penser qu’elle n’a pas lu l’avis dont elle parle, ni même le résumé qui accompagne la version intégrale de ce document. La Direction de la recherche du CSF a transmis à Lise Ravary la réponse que vous pourrez lire plus bas dans cette page. Dans le numéro d’octobre, la directrice de Châtelaine, qui croit peut-être détenir la légitimité et la crédibilité pour ce faire, demande l’abolition du Conseil du statut de la femme et, comme les masculinistes en 2004-2005, son remplacement par un conseil mixte. Ce conseil se réunirait une fois l’an pendant trois jours... Diantre, trois jours de travail par an ! Une dure année, pour ce conseil ! Une réunion sociale entre "gens du monde", peut-être...

Il me semble que le monde se porterait mieux si les gens qui ignorent ce dont ils parlent se taisaient plus souvent et s’occupaient de leurs propres affaires (en l’occurrence, pour Lise Ravary, de son magazine de publicités et de promotions de toutes sortes destinées à maintenir les femmes centrées sur leur apparence et à accroître les profits des patrons, en plus d’encourager l’hypersexualisation, justement...). On ne saurait s’attendre que les médias et ceux/celles qui en dépendent pour vivre acceptent facilement la critique sur leur part de responsabilité dans l’hypersexualisation de la société dont les conséquences néfastes touchent particulièrement les adolescentes et pré-adolescentes. Mais quand une directrice de magazine à grand tirage, dont l’objectif est de faire des profits sur le dos des femmes et des adolescentes, se sert de ce magazine pour "bitcher" des personnes mieux informées qu’elle sur le sujet qu’elle aborde, je qualifie cette attitude de saloperie.

Richard Martineau, qui ne se regarde sans doute pas souvent dans un miroir, autrement il aurait hésité à s’attaquer à la présidente du Conseil du statut de la femme, en juin dernier, et Marie-France Bazzo qui se livre à du sous-Bazzo dans sa chronique du Journal de Montréal ont aussi tous les deux démontré que le milieu dans lequel on évolue déteint sur l’esprit et sur les manières. À milieu frivole, réflexion frivole. Dans les trois cas se confirme l’adage "la fonction fait le larron" : des journalistes qui n’informent plus selon l’éthique de leur profession, mais qui polémiquent au profit de leurs patrons.

Nous n’avons pas, en tant que femmes et que féministes, à plier l’échine devant ces gens qui abusent du pouvoir des médias auxquels ils appartiennent. S’ils invoquent la liberté d’expression, c’est à la leur qu’ils font référence. Ne craignons pas de nous exprimer à notre tour, même s’il y a peu de chances que ces trois-là publient des commentaires critiques à leur endroit.

 Le blogue de Lise Ravary qui se qualifie de "Regard féminin sur le monde" : http://blogues.chatelaine.com/ravary/

Vous pouvez y laisser des messages.

Micheline Carrier

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Québec, le 14 août 2008

Réaction du Conseil du statut de la femme concernant le billet signé par Lise Ravary, directrice du magazine Châtelaine, dans l’édition de septembre 2008

C’est en tant que corédactrice de l’avis du Conseil du statut de la femme, Le sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires, que je vous écris aujourd’hui car votre billet intitulé « Minute ! » dans l’édition de septembre de Châtelaine m’a étonnée. Il ne reflète pas une compréhension adéquate des positions défendues par le Conseil, c’est pourquoi une mise au point s’impose. Notons d’abord que le Conseil, en déposant son récent avis, a répondu à une demande de la précédente ministre de la Condition féminine.

L’avis s’emploie à montrer, à partir d’une revue des travaux de chercheuses éminentes, que les médias, très présents dans la vie des jeunes, font une large place aux messages sexualisés. Ceux-ci, loin d’être anodins, influencent la population qui les consomme et tout particulièrement les jeunes. L’avis ne dit jamais que « TOUS les magazines lus par les jeunes sont coupables de montrer des images dégradantes de la femme », comme vous l’écrivez, pas plus qu’il ne condamne TOUTES les revues, d’ailleurs. Il établit simplement que l’exposition à du contenu sexuel modifie le comportement des jeunes.

Et les nouveaux comportements des jeunes sont inquiétants en ce qu’ils menacent leur santé. Les études montrent qu’exposés à du contenu sexuel, les jeunes : 1) ont des relations sexuelles plus précoces ; 2) adhèrent davantage aux stéréotypes sexuels ; 3) transforment leurs attentes en matière sexuelle ; 4) acceptent la violence dans leurs relations amoureuses. Sans compter le plus grand risque de contracter des ITSS et les troubles alimentaires associés à l’obsession de l’image corporelle. Les effets de la sexualisation de l’espace public doivent être pris au sérieux, ce que vous reconnaissez dans votre billet.

Par contre, vous niez la pertinence des actions proposées dans l’avis pour atténuer ces effets. Signalons que, contrairement à votre affirmation, l’avis ne recommande nullement au gouvernement de « passer des lois », préférant des mesures pédagogiques et incitatives.

Le Conseil souhaite voir les jeunes mieux outillés pour interpréter les messages sexuels dont ils sont bombardés et dit qu’il faut stimuler l’exercice de leur esprit critique. Il ne s’agit pas ici de nier le rôle des parents dans l’éducation de leurs enfants, mais de sensibiliser les intervenants entourant les « ados », de même que les concepteurs et les diffuseurs de messages à l’intention des ados, à l’influence néfaste sur eux de l’exposition à du contenu sexuel, telle que l’ont révélée les études.

Vous reprochez au Conseil de chercher à promouvoir une sexualité égalitaire ? Dans une société comme la nôtre, caractérisée par la reconnaissance de l’égalité entre les femmes et les hommes, une telle sexualité n’est-elle pas préférable à celle que caractériseraient des rapports de domination ? Je vous mets en garde d’opposer féminisme et féminité : ce serait faire le jeu des anti-féministes.

Un dernier mot : le Conseil ne condamne pas la séduction ni la sexualité adolescente. Toutefois, lorsque trop souvent des jeunes de 12 ou 13 ans baignent dans un univers pornographique, il y a lieu de s’inquiéter et d’agir.

Nathalie Roy
Direction de la recherche et de l’analyse

 Site du Conseil du statut de la femme
 Téléchargez un résumé du rapport : Le sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires.

 Lire aussi : "Lettre à la ministre Christine St-Pierre - Ne Laissez pas l’ignorance saper les acquis des femmes québécoises", par Micheline Carrier et Élaine Audet

Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 août 2008




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