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Adulte ou infantile, la prostitution est le contraire de l’autonomie sexuelle
Affaire de la prostitution juvénile à Québec

février 2003

par Rhéa Jean, docteure en philosophie

Le Soleil vient de franchir une nouvelle étape dans la banalisation de la prostitution. Je suis d’accord avec l’auteure* pour dire que les jeunes filles sont en danger. Par contre, là où je suis en désaccord, c’est lorsqu’elle perpétue la dichotomie majeur/mineur, qui selon moi est responsable de la banalisation de la prostitution. Selon cette idée reçue, il y aurait un âge "acceptable" pour acheter un corps de femme et la prostituée de 18 ans serait "consentante". Pourtant, à 18 ans, une femme est-elle davantage "prête" a se prostituer que lorsqu’elle a 17 ans ? L’argument de la maturité sexuelle tient-il vraiment quand on sait que bien des filles de 18 ans n’ont connu souvent que des déceptions sexuelles (déceptions qui les amènent d’ailleurs à concevoir leur sexualité comme un "travail") ou n’ont eu que peu d’expériences sexuelles ?

Pour moi, il n’existe pas de frontière réelle entre la prostitution infantile et la prostitution d’adulte puisque la prostituée d’aujourd’hui est souvent l’enfant ou l’adolescente abusée d’hier. Le jour où elle souffle ses 18 bougies, elle ne se transforme pas tout d’un coup en "professionnelle" autonome ! D’ailleurs, la prostitution en soi est le contraire de l’autonomie sexuelle : parce que je n’ai pas de désir et que je ne te choisis pas, je veux que tu me donnes une compensation financière. L’autonomie sexuelle, ce n’est pas recevoir de l’argent, mais vivre sa sexualité en tenant compte de son désir et son plaisir. En ce sens, toute prostitution est éthiquement inacceptable et tous ceux qui tentent de détruire l’autonomie sexuelle d’une femme à travers la marchandisation de son corps agissent de façon contraire à l’éthique et aux droits humains.

De plus, plusieurs études ont démontré qu’il n’existe pas de profil particulier d’amateur de prostituées mineures. En effet, les pédophiles sont tout simplement des prostituphiles (communément appelés "clients" par une société archaïque qui ne voit pas le mal d’acheter du sexe, c’est-à-dire la société "évoluée" d’aujourd’hui) qui " essaient " parfois ou souvent des enfants et ce, à cause d’une vision malsaine de la sexualité (le goût du " péché "), la peur du sida (en essayant d’acheter les " services " d’un enfant vierge), etc. Comme l’affirme la psychothérapeute Suzanne Képès, " il n’y a aucune différence fondamentale entre le client des adultes et le client des enfants. AUCUNE. C’est une question de degré ".

Les gens naïfs ont tendance à se rassurer en se disant qu’ici, ce n’est pas la Thaïlande, qu’il n’y a pas de danger pour les enfants. Pourtant, lorsqu’on observe les annonces classées d’ " escortes " dans les journaux , on y remarque que les jeunes femmes de 18 ans sont les plus en demande, ce qui prouve que la plupart des amateurs de prostituées ont un faible pour la chair tendre et que seule la loi les empêche de prendre des filles plus jeunes. Les bars gays pullulent quant à eux de " jeunes éphèbes " se trémoussant. La sexualité pédophile n’est-elle pas en train, petit à petit, de s’immiscer insidieusement dans notre quotidien ? Quand on sait que les jeunes font l’amour de plus en plus tôt, qui nous dit que l’idée de la " libération sexuelle " des jeunes ne sera pas un jour récupérée par les gens en faveur de la prostitution ? En effet, ils pourront très bien affirmer que, puisque les jeunes de 14-15 ans peuvent être actifs sexuellement, ils pourraient donc devenir prostitué-es comme n’importe qui d’autre. À ce moment-là, l’âge légal s’abaissera encore pour satisfaire la demande des prostituphiles et pour concurrencer le tourisme sexuel des pays plus pauvres et plus " permissifs ".

Si vous ne vous opposez pas à TOUTE prostitution aujourd’hui, comment vous sentirez-vous demain lorsque vous vous apercevrez que le système force davantage les jeunes à devenir des prostituées plutôt que des écolières ?

* « On veut protéger les clients dans l’affaire de la prostitution juvénile à Québec », par Claudette Gagnon

Rhéa Jean, docteure en philosophie


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