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Appel des artistes pour la Paix : "Dans dix ans, quelle direction voulez-vous voir le Canada et le Québec emprunter ?"

14 octobre 2008

par Pierre Jasmin, président des Artistes pour la Paix

Les Artistes pour la paix, non subventionnés, reçoivent de leurs membres et généreux donateurs le courage, la liberté et l’indépendance nécessaires pour interpeller franchement le gouvernement, les partis d’opposition et la population en général, afin que l’idéal de paix par le désarmement et la justice sociale cesse de dégénérer ainsi.



Il y a huit ans
le budget du ministère de la Défense était autour de 9,4 milliards de dollars. Aujourd’hui, à 18,4 milliards, le ministre conservateur Peter McKay l’annonce à 30 milliards d’ici onze ans. Pourquoi ? N’a-t-on pas besoin d’argent dans la santé, l’éducation, la culture, la lutte à la pauvreté et le travail de préservation de l’environnement ? Et qui donc menace les frontières du Canada ?

Il y a onze ans
le Canada participait aux grands objectifs de paix de l’ONU, de l’UNESCO et de l’UNICEF et environ 3200 Casques bleus canadiens travaillaient de concert pour la paix mondiale. Aujourd’hui, ils sont moins de 60 et le Canada est passé du premier au cinquante-sixième rang mondial quant à sa contribution en gardiens de la paix, pourtant à l’origine une initiative canadienne du premier ministre Lester B. Pearson, récompensée par un prix Nobel de la Paix.

Par ailleurs, le gouvernement actuel envoie 2500 soldats canadiens armés qui servent, en Afghanistan, une mission absurde d’imposition (sic) de la paix, qui a coûté une centaine de jeunes vies canadiennes, sans compter des dizaines de milliers de victimes civiles afghanes et des milliards de $ de nos impôts. Le Canada de Stephen Harper tourne le dos à l’ONU et mise sur l’OTAN, qui gaspille des dizaines de milliards de $ chaque année en sous-marins, porte-avions et bombardiers, en projets de bouciers anti-missiles en Europe de l’Est, en troupes inutiles stationnées à grands frais en Europe de l’Ouest et en armes nucléaires déployées au mépris du Traité international de Non-Prolifération nucléaire (voir appel de juin des savants réunis par les Conférences internationales Pugwash).

Or, selon Edmond Mulet, sous-secrétaire général adjoint des Nations-Unies, les armées de l’OTAN (GB, USA, Canada etc.) ne constituent que 7,2 % des effectifs mondiaux engagés pour la paix dans le monde et pis encore, un scandaleux 1,1% de ceux en Afrique. Pourtant, des pays tels que Burundi, Congo, Côte d’Ivoire, Éthiopie (Érythrée), Kenya, Mozambique, Nigéria, Rwanda, Sierra Leone, Somalie, Soudan (Darfour), Tchad, Zimbabwe... auraient un urgent besoin de l’aide de Casques bleus bien formés pour enrayer pillages et guerres intestines qui déchirent leurs populations, déjà aux prises avec le SIDA et la malnutrition.

Il y a quarante ans
l’ONU édictait un objectif commun, pour l’aide internationale aux pays du Tiers-Monde, de 0.7% du produit intérieur brut des pays riches. La plupart des pays scandinaves dépassent cet objectif, alors que le Canada, plus riche que jamais avec son pétrole des sables bitumineux polluants d’Alberta et de Saskatchewan, reste bien en dessous de 0.4%, et ce depuis des décennies.

Les Artistes pour la Paix ont dépensé des millers de dollars en dizaines de milliers d’envois aux élus et sénateurs pour leur rappeler cet objectif vital. Car n’oublions jamais que chaque jour, 40 000 enfants meurent de faim ou de maladies liées à une eau non potable.

Il y a quinze ans
le général Dallaire tentait de prévenir le génocide au Rwanda mais en était empêché par le commandement à New York. Il y a onze ans, l’ex-général en chef de l’armée canadienne, De Chastelain, après s’être assuré que personne ne perde la vie à Kanehsatake (1990), entreprenait sa mission réussie et peu coûteuse de désarmement en Irlande du Nord, prélude à une nouvelle démocratie.

Aujourd’hui, en dépit des appels à leurs démissions lancés par les APLP dès leurs nominations, l’ex-ministre de la Défense Gordon O’Connor, ex-lobbyiste d’armements, et l’ex-général en chef Rick Hillier, (dé)formé au Texas, ont eu le loisir d’achever leurs mandats ruineux et meurtriers. Quant au successeur de ce dernier, Walt Natynczyk, ce général a servi les troupes américaines d’occupation en Irak, sous les ordres secrets du premier ministre Paul Martin, au mépris du parlement et de la population canadienne.

Il y a sept ans
le Canada exportait annuellement 140 millions de $ en armements et 20 millions de $ en munitions, selon la Canadian Broadcasting Corporation qui a aussi colligé les chiffres suivants :

L’exportation a septuplé, atteignant autour de 900 millions de $ dOs 2003 et 2004 pour les armements, et de 120 à 140 millions de $ (2004 à 2006) pour les munitions. Le gouvernement Harper a demandé que ces chiffres ne soient plus divulgués. Mais en 2006, notre pays était devenu 4e exportateur mondial de munitions et 6e d’armements en général, devançant même la France, les Pays-Bas, la Suède et Israël. Le Canada rejoint le peloton de tête des plus importants vendeurs d’armes de la planète occupé par quatre membres du Conseil de Sécurité (sic) de l’ONU et par l’Allemagne : ayons une pensée pour celui que la justice allemande aimerait extrader du Canada, M. Karlheinz Schreiber, ex-fabricant d’armes bavarois, ex-employeur de Brian Mulroney et ami du libéral Marc Lalonde, ainsi que de l’ex-ministre conservateur Elmer McKay, père du ministre de la Défense actuel.

Il y a dix ans
à l’instigation des ministres libéraux Lloyd Axworthy et Allan Rock, d’éminents Québécois travaillaient pour la justice et la paix dans le monde : le juge en chef Philippe Kirsch fondait la Cour pénale internationale à La Haye, Louise Fréchette devenait vice-secrétaire générale à l’ONU, Marie Bernard-Meunier était no 2 à l’UNESCO puis ambassadrice en Allemagne, Louise Arbour avait courageusement lancé un mandat d’arrestation contre le leader yougoslave et criminel de guerre Milosevic, Robert Petit allait juger les auteurs du génocide au Cambodge, et le Traité d’Ottawa, mis sur pied par la lauréate du prix Nobel 1997, l’Américaine Jody Williams, entraînait 143 pays (hélas, sans les États-Unis ni la Chine) à interdire les mines anti-personnel qui font des milliers de victimes chaque année.

Aujourd’hui, le gouvernement Harper laisse un enfant-soldat, Omar Khadr, pourrir à Guantanamo.

Aujourd’hui, Marie et les deux Louise sont à la retraite, madame Arbour sous les quolibets du ministre conservateur Toews, qui l’a traitée de "disgrace" pour avoir, en tant que haut-commissaire aux droits de la personne à l’ONU, osé menacer Israël, comme le Hamas et le Hezbollah, de poursuites pour "crimes de guerre contre les civils" lors de la guerre au L,iban, en août 2006.

Aujourd’hui, en dépit de notre gouvernement canadien qui, de peur d’indisposer George W. Bush, a refusé d’inclure dans le Traité d’Ottawa les bombes à fragmentation (cluster bombs) qui tuent ou estropient tant d’enfants dans le monde, en particulier au Liban, aujourd’hui la Norvège et l’Irlande ont pris le relais avec le Traité de Dublin de mai 2008, auquel le Canada a fini sous la pression des pacifistes par se rallier.

Il y a huit ans
à l’exception du Costa-Rica et de l’Islande, pays modèles sans armées, tous les pays du monde concédaient environ 800 milliards de $ annuels aux dépenses militaires.

En 2007, ils y ont gaspillé 1340 milliards de $, plus de la moitié par l’Amérique du Nord qui investit prioritairement dans la guerre. Ces dépenses n’incluent même pas celles de la CIA qui a armé les moudjahidines et les talibans contre le gouvernement laïc légitime d’Afghanistan (1989 à 1992), sans compter ses putsch armés en Iran, au Congo, au Chili, au Panama etc.

En cinq ans, à cause de telles politiques bellicistes occidentales, le nombre de réfugiés de guerre a augmenté exponentiellement, avec entre autres plus de trois millions d’Irakiens. On établit au Québec une Commission Bouchard-Taylor, qui minimise les problèmes de soumission de la femme chez certains réfugiés : par nostalgie de leurs pays dévastés ou de leurs religions persécutées (amish et doukhobors pacifistes, hassidim, islamistes, chrétiens fondamentalistes, sikhs etc), ces immigrés traumatisés refusent d’abandonner des traditions rétrogrades et d’intégrer la société qui les accueille, qu’on ne peut toutefois entièrement les blâmer, à la lumière des chiffres cités, de préjuger agressive, immorale et corrompue...

Il y a quatre ans
le gouvernement libéral signait le traité de Kelowna, qui devait "assurer" aux réserves indiennes cinq milliards de $ pour la santé, l’éducation et le logement autochtones.

Aujourd’hui, les réfugiés autochtones victimes de chômage, de racisme et d’alcoolisme, se multiplient dans nos villes et nos prisons, le gouvernement Harper ayant refusé d’honorer ce traité, comme il a refusé de signer à l’ONU un document international sur la reconnaissance universelle des droits autochtones.

Il y a dix ans
Joe Clark et feu Gérald Beaudoin influençaient les progressistes conservateurs, et les artistes pour la paix Jean-Louis Roux et feu Gérard Pelletier travaillaient à influencer le premier ministre Jean Chrétien vers une politique extérieure plus équilibrée et somme toute plus favorable à la paix.

Aujourd’hui, Harper et les réformistes ont pris un pouvoir qui a pour effet d’engraisser le complexe militaro-industriel, aussi favorisé par le libéral John Manley, de la tristement célèbre commission.

Il y a cinq ans, les Artistes pour la Paix reprenaient forces, en co-organisant cinq manifestations contre la guerre regroupant autour de Luc Picard et de Paul Klopstock un quart de million de Montréalais.
Aujourd’hui, quoique appauvris par des politiques qui favorisent les "industries" culturelles au détriment des individus créateurs, six cent trente-cinq membres sont réunis par un site WEB vivant et informatif et les Artistes pour la Paix ont persévéré en co-fondant deux groupes essentiels à la démocratie vivante : le collectif Échec à la guerre et les Citoyen-nes pour un ministère de la paix.

Dans dix ans, quelle direction voulez-vous voir le Canada et le Québec emprunter ?

Celle quasi pacifiste du NPD et du Parti vert ? Celle mitigée du Bloc Québécois ? Celle bien pire du parti libéral fédéral, en souhaitant qu’il fasse amende honorable, alors que même le plus fol optimiste désespère du parti conservateur ? Celle exemplaire à l’international de la Commission sur la gouvernance globale présidée par Gro Brundtland et Nelson Mandela, avec en plus les nouveaux espoirs suscités par Barack Obama et Ingrid Betancourt ? Celle des partis provinciaux qui à l’initiative du député péquiste Daniel Turp ont adopté à l’unanimité la loi faisant du 21 septembre la journée internationale de la Paix (Québec-Solidaire l’a aussi appuyée) ? Celle de Montréal qui a joint les Maires de la Paix présidés par le maire de Hiroshima ?

Comptez sur les Artistes pour la Paix pour appuyer en votre nom les initiatives de paix et pour vous offrir l’heure juste sur l’hypocrisie des profiteurs de guerre. Aidez-nous à faire entendre la lucide voix de la raison, en votant de facon tactique (par ex. : voter Bloc dans les comtés francophones) afin d’empêcher les Conservateurs d’atteindre une majorité !

Nous avons besoin de votre présence et de votre engagement, par vos oeuvres et... vos cotisations. Plus nombreux nous serons, plus difficile il sera de marginaliser les idéaux de paix, de désarmement et de justice sociale que nous voulons continuer avec persévérance de représenter en votre nom. Bref, comme John Lennon et Paul McCartney l’ont chanté : "Donnez une chance à la paix !"

Courriel des Artistes pous la Paix.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 1 octobre 2008.

Pierre Jasmin, président des Artistes pour la Paix


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