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Étude - "L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008"

8 novembre 2008

par le Conseil du statut de la femme du Québec

L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008, une étude du Conseil du statut de la femme

Septembre 2008

Sommaire

Depuis sa création en 1973, le Conseil du statut de la femme situe la question de l’avortement dans une perspective d’égalité entre les femmes et les hommes. Il est d’avis que, en vertu des droits fondamentaux de liberté, de sécurité et d’intégrité conférés par la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, l’État a le devoir d’éliminer tout obstacle ou toute contrainte qui nuirait à cette offre de services. Compte tenu des enjeux importants liés à cette question, le Conseil a maintenu au fil des années une veille sérieuse sur l’accessibilité aux services d’avortement, sur leur financement et sur la prestation régionale de services. En ce sens, il dresse ici un état des lieux sur la question de l’avortement au Québec au printemps 2008 et fait ressortir d’importants constats.

En 2006, chaque région administrative du Québec, à l’exception des Terres-Cries-de-la-Baie-James, met à la disposition des femmes au moins une ressource qui offre les services d’avortement. Dans la région de Montréal, on effectue près de 40% de l’ensemble des avortements ; elle est suivie de la région de la Montérégie, avec 15%. La part de chacune des autres régions dépasse rarement 5%. Qui plus est, l’examen de tous les codes d’acte confondus laisse voir que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) a payé, la même année, 28 198 avortements ; 92% de ceux-ci sont de premier trimestre. La presque totalité des grossesses de premier ou de deuxième trimestre ont été interrompues par des méthodes chirurgicales reconnues pour être légères. Toutefois, l’examen de certaines données régionales soulève l’inquiétude du Conseil. C’est le cas, notamment, dans les régions de l’Abitibi-Témiscamingue et de la Chaudière-Appalaches, où il y a davantage d’avortements de 14 semaines et plus pratiqués par induction (méthode non légère) plutôt que par voie chirurgicale.

Si, de manière générale, la fréquence des avortements a connu peu de variation à travers les années, il en va autrement du côté des fournisseurs de ce service. À cet égard, pendant la période 2002-2006, le nombre d’avortements pratiqués en centre local de services communautaires (CLSC) a augmenté de 83%, tandis qu’il a connu une hausse de 5,5% en centre de santé des femmes. Par contre, il a diminué de 26% en clinique médicale. C’est aussi le cas des centres hospitaliers, où l’on observe une baisse de 9%, mais ceux-ci demeurent néanmoins les principaux fournisseurs de services en cette matière.

Outre le fait que ces statistiques permettent d’estimer les besoins des femmes, d’autres points restent à explorer. En ce sens, le Conseil a notamment observé qu’à ce jour les avortements itératifs ont rarement fait l’objet d’études et de recherches. Pourtant, certains articles scientifiques établissent des liens troublants entre le recours répété à l’avortement et la violence, tant psychologique que sexuelle ou physique, que subissent les femmes. De la même façon, les avortements par médication demeurent difficiles à chiffrer et à caractériser.

Le Conseil dresse également un portrait des événements qui ont mené à la gratuité des services d’avortement dans les cliniques médicales. Il s’est aussi intéressé à la manière dont les fournisseurs des réseaux public, communautaire et privé redéploient leurs services sous l’effet d’un nouveau cadre législatif et administratif conséquent à l’adoption du projet de loi no 33, modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d’autres dispositions législatives, en décembre 2006, et depuis la prépublication du projet de règlement sur les traitements médicaux spécialisés dispensés dans un centre médical spécialisé (CMS) en novembre 2007.

Si le Conseil se réjouit de la gratuité des avortements, qu’il réclame expressément depuis 1992, il appréhende cependant les effets, plus préoccupants encore, que pourrait avoir la nouvelle législation. En effet, le Conseil constate qu’il n’y a aucune garantie de pérennité des ententes administratives qui lient présentément les centres de santé communautaire et les cliniques médicales avec leur agence respective. Si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord au moment du renouvellement des ententes, les femmes devront peut-être payer de nouveau le coût de l’avortement en centre de santé ou en clinique médicale, alors que le réseau public ne sera pas davantage en mesure d’offrir les services attendus. Cette situation se manifeste dans le cas des ententes administratives qui ont cours actuellement, et elle se posera également dans le cas de celles qui seront conclues avec les CMS. Ainsi, le Conseil juge pour le moment que, en l’absence de meilleures garanties, l’offre de services d’avortement dans ce nouveau type d’installation met en danger la prestation des services.

Par conséquent, le Conseil estime qu’il est important de mettre en évidence l’obligation qu’à le réseau public de continuer à se doter des ressources humaines, matérielles et financières suffisantes en matière de planification des naissances. Les Québécoises pourraient ainsi continuer à bénéficier d’une gamme complète et diversifiée de fournisseurs de services de première ligne permettant une liberté de choix.

Enfin, le Conseil souhaite fortement faire valoir que les femmes qui ont payé le coût de leur avortement depuis le début des années 1970, en raison de l’incapacité du réseau public de le leur offrir gratuitement, ont subi une injustice profonde. Elles ont dû affronter un système à deux vitesses, et ce, bien avant l’ensemble de la population. Selon le Conseil, il importe désormais que l’accessibilité aux services d’avortement soit réalisée selon des modalités uniformes.

 Pour télécharger le document L’avortement au Québec : état des lieux au printemps 2008, qui présente la plus récente mise à jour sur l’organisation, le développement et la transformation des services d’avortement, allez au site du CSF.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 octobre 2008

le Conseil du statut de la femme du Québec


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