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Le Directeur général des élections appelle les Québécois et les Québécoises à exercer leur droit de vote

1er décembre 2008

par Marcel Blanchet, DGE du Québec

Lettre adressée à plusieurs médias du Québec.



Marcel Blanchet, Directeur général des élections du Québec et président de la Commission de la représentation électorale

Dans quelques jours, les électrices et les électeurs du Québec auront à exercer leur droit de vote afin d’élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Le contexte de cette élection est particulier, en ce qu’elle constitue la première élection québécoise en situation de gouvernement minoritaire et, de ce fait, arrive avant l’intervalle habituel de quatre ans. En raison aussi du fait qu’elle survient juste après les élections fédérales, certains parlent de lassitude électorale et vont même jusqu’à mettre en cause la pertinence et l’opportunité d’aller voter.

Des indices, de même que des sondages effectués auprès de l’électorat ces derniers jours, laissent effectivement craindre que ce scrutin puisse donner lieu à l’un des plus faibles, voire au plus bas taux de participation électorale de l’histoire moderne du Québec.

En tant que directeur général des élections du Québec, je ne peux rester indifférent à la situation. J’estime qu’il est de mon devoir de rappeler aux Québécoises et aux Québécois l’importance et la portée de l’exercice du droit de vote, l’un des plus précieux de tous les droits.

Se priver d’exercer ce droit serait une décision lourde de conséquences et, à mon sens, un très mauvais calcul. Pire encore, en appeler à l’abstention sous le prétexte que ces élections ne seraient pas opportunes m’apparaît irresponsable. Cela équivaut à affirmer que les luttes des générations qui nous ont précédés ont été menées en vain. C’est oublier le long et parfois pénible chemin parcouru par nos prédécesseurs pour l’obtention du suffrage universel, pour l’égalité des citoyens devant la loi et pour la justice. C’est occulter le fait qu’au tournant du XXe siècle, à peine 15% de la population bénéficiait du « privilège » de voter car, en effet, à cette époque, voter ne constituait pas encore un droit.

Au Québec, on oublie peut être trop rapidement que dans un passé pas si lointain, les électeurs devaient faire preuve de courage et parfois même affronter des fiers-à-bras pour aller voter. On a peut être aussi trop vite oublié qu’il y a quelques décennies, les élections étaient financées à même des caisses « occultes » et que nos parents et nos grands-parents ont trimé dur pour éliminer la corruption et le trafic d’influence politique.

Les citoyens et, plus tard, les citoyennes ont finalement obtenu le droit de voter. Mais pour les électrices et les électeurs, le droit de vote s’accompagne nécessairement d’une responsabilité, soit celle de l’exercer lorsqu’ils sont appelés aux urnes.

Dans les États démocratiques, les élections jouent un rôle fondamental. Elles incarnent à la fois la liberté d’expression, la liberté d’opinion et la liberté d’association. Le spectre politique et l’éventail des partis autorisés au Québec n’a jamais été aussi varié que maintenant. L’acte du vote ne saurait être réduit à sa dimension, fut-elle essentielle, qui consiste à déterminer des « gagnants ». Au-delà, en effet, de la désignation de « gagnants », les élections permettent à l’électeur d’exprimer une opinion, même marginale. Elles rendent possible l’appui à des courants et à des idées différents, et offrent la possibilité d’en débattre publiquement. Les élections visent aussi à conférer autorité et légitimité aux élus. Elles contribuent, enfin, à rapprocher le citoyen de sa collectivité, à créer chez lui ce sentiment d’appartenance à sa communauté, si nécessaire en démocratie.

La démocratie est un système où le pouvoir découle de l’autorité du peuple et se fonde sur sa participation. Elle ne saurait exister sans participation des citoyennes et des citoyens. Dans toute société dite démocratique, il y a une nécessité, soit la nécessité du citoyen actif et engagé. La démocratie est une chose fragile. Elle n’est jamais acquise. L’histoire montre que des démocraties parfois plus que centenaires ont vu leur situation politique basculer en bien peu de temps. Chacune des générations doit donc reconquérir la démocratie, la nourrir et contribuer à l’améliorer.

À quelques jours des élections générales, je tiens à transmettre un message à mes concitoyennes et à mes concitoyens qui hésitent à aller voter. Chacune et chacun doit contribuer, en se rendant aux urnes, à façonner une société à son image, une société qui reflète ses valeurs, qui réponde à ses aspirations. On ne peut laisser les autres décider de notre propre destinée.

Il importe, à travers l’exercice de son vote, de réaffirmer aux élus, fiduciaires de l’État, qu’ils n’en sont pas les propriétaires. L’exercice du droit de vote par une très forte proportion de l’électorat permet de le leur rappeler.

Il est trop facile d’être cynique face à la chose politique et de se dire que voter ne changera rien. Sans cette nécessaire contribution à la démocratie, comment pourrait-on ensuite reprocher quoi que ce soit aux élus ?

Dans les pays, car il y en a malheureusement, où voter peut mettre en danger sa sécurité, on peut comprendre que certaines personnes puissent faire le choix de l’abstention. Mais au Québec, une société qui fait l’envie de nombreux peuples qui vivent les affres de régimes totalitaires ou dictatoriaux, comment pourrait-on justifier, par quelque raisonnement qui se tienne, la décision de s’abstenir de voter ?

J’invite donc chacune des électrices et chacun des électeurs à exercer leur droit de vote, à s’exprimer le 8 décembre prochain.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 novembre 2008

Marcel Blanchet, DGE du Québec


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