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Donnez-moi des mots

21 décembre 2008

par Micheline Mercier

Donnez-moi des mots, posez-les sur ma plume. Donnez-moi des mots que je leur donne des ailes, que je les laisse s’envoler vers le ciel pour ensuite les laisser pleuvoir sur votre âme. Comme une pluie douce et rassurante, que ces mots soient empreints de connaissance et de fraîcheur. Donnez-moi des mots que je les laisse courir en nous comme des enfants aux pays des merveilles.

Donnez-moi des mots à ne pas m’endormir sur vos beaux discours, laissons-les nous embrasser jusqu’aux aurores, laissons-les nous caresser le cœur, donnons-leur le temps de s’infiltrer jusqu’au fond de nos âmes, donnez-moi des mots, qu’ils coulent pareil à un ruisseau gorgé de pépites d’or. Laissons-les devenir un forgeron embrasant les anneaux de nos serments.

Donnez-moi des mots qui sentent le bon air que vous respirez, donnez-moi les mots qu’il faut pour transporter un peu d’espoir par-delà les mers infernales. Je les traduirai, pour vous, à qui voudra bien les écouter. Donnez-moi des mots, qu’ils filent avec l’insouciance d’une jeunesse qui les possède déjà comme s’ils avaient toujours été semblables aux amants non oubliés de Vérone.

Donnez-moi tant de mots et encore plus qu’il n’en faut que je les fasse courir sur les pages de ma vie avec la liberté d’un train qui siffle sur une voie sans fin. Immortalisons-les, faisons qu’ils deviennent l’air du temps qu’il nous a fallu pour apprendre à nous aimer. Donnez-moi des mots à l’odeur de votre passion d’éternité. Donnez-moi des mots, transformez-les en une eau puisée à la source des commencements, l’eau de l’aube de tous les printemps.

Donnez-moi des mots, des mots et encore des mots, ne me laissez pas m’assoupir sur l’absence de ces mots d’amour, purs comme un rosier sauvage qui naît de cet amour. J’ai conservé la mémoire des mots qui vous ressemblent, ces mots qui ne dorment qu’à demi lorsque nous sommes côte-à-côte. Je veux vous donner les mots qui nourrissent l’âme des passions éternelles. Laissez-moi vous souffler les mots de l’air du temps que j’ai envie de vivre près de vous. Donnons-nous ainsi le secret des mots qui allumeront le feu qui n’est pas follet, ces mots qui collent à la peau comme un vêtement bien ajusté, le feu qui ne carbonise pas nos vies mais garde bien au chaud les ventres brûlants qui ne se consument pas.

Donnez-moi des mots, des mots à dire au monde qui se meurt de l’absence de petits bonheurs, ce sentiment qui tend à s’éteindre de n’être qu’une infime partie du temps qui nous manque si cruellement. Donnez-moi les mots pour chanter la quiétude, la béatitude d’effacer l’inquiétude des enfants qui ne savent pas vous dire, vous lire ni vous écrire.

Donnons-leur des mots pour rire, rire de la bêtise humaine qui tend à s’étendre, qui se meurt de trop comploter des mots vides de sens, des mots d’absence, d’intolérance. Donnons-leur des mots, mettons-les sur leurs lèvres gercées tel un baume apaisant la douleur laissée par de viles paroles.

Comme un cadeau, posons-leur des mots doux sur les dalles fleuries jalonnant la route de leur futur. Laissons les mots les mener jusqu’au bout du monde, là où se mêlent l’eau et le sel. Écrivons-leur une page d’histoire à leur donner la merveilleuse idée d’en faire partie. Donnez-moi des mots que je les pose sur ma plume.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 9 décembre 2008

Micheline Mercier


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