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Journée internationale des femmes et féminisme : un point de vue masculin

8 mars 2009

par Mathieu Savage, étudiant à la maîtrise en sociologie

Journée des femmes et féminisme : un point de vue masculin
En cette Journée internationale des femmes, je n’ai pu m’empêcher de réfléchir à la nécessité de la lutte féministe en 2009. Si, jusqu’à tout récemment, je croyais que tous et toutes s’accordaient pour dire que les hommes et les femmes étaient égaux quant à leurs capacités intellectuelles, j’ai constaté qu’il n’en était pas ainsi.

En effet, au cours d’une discussion avec des amis, j’ai pu comprendre quelque chose qui a complètement changé ma perception du féminisme et de sa place dans notre société. La conversation a débuté inoffensivement avec l’expression de plusieurs opinions sur la difficulté d’un cours de philosophie universitaire. Toutefois, quand quelqu’un a mentionné qu’il croyait que les hommes seraient génétiquement prédisposés au raisonnement rationnel et que les femmes ne le seraient pas, j’ai sauté de ma chaise.

Avant cette expérience, je croyais qu’au Canada les gens ne croyaient plus que le sexe agissait comme une limite aux compétences intellectuelles. Je croyais que le mythe de la supériorité intellectuelle masculine avait disparu à la suite de la révolution sexuelle des années 60. Ce qui est encore plus alarmant, c’est que le groupe, incluant une femme, semblait soutenir ce point de vue.

Après être intervenu à quelques reprises pour offrir un point de vue différent, j’ai constaté que les arguments exprimés par le groupe se ressemblaient. En fait, le groupe utilisait des faits pseudo-scientifiques, appuyés sur des pourcentages, qui semblaient être inventés, et des généralisations basées sur des observations personnelles, pour appuyer les arguments. Une question se pose donc : « Pourquoi et comment ces jeunes personnes détenant une éducation universitaire peuvent-elles croire que les femmes, en raison de leur sexe, n’auraient pas les mêmes capacités intellectuelles que leurs confrères ? »

Certains nous diront que la génétique provoque le développement d’un cerveau différent chez les deux sexes. Mais les statistiques ne mentent pas et le mythe de l’infériorité intellectuelle féminine peut facilement être défait. Si cette idée semblait crédible au début du siècle, puisque très peu de femmes accédaient aux études supérieures, les données actuelles nous montrent que les femmes sont maintenant mieux intégrées dans les institutions scolaires que ne le sont les hommes. Un simple regard sur un campus universitaire nous permet de constater que les femmes ont les aptitudes suffisantes pour entreprendre les mêmes tâches intellectuelles que les hommes. D’ailleurs, selon une étude de Statistique Canada, les femmes complèteraient plus fréquemment leurs études postsecondaires que les hommes (1).

Cependant, comparer la performance académique des femmes avec celles des hommes afin de tenter de prouver les capacités intellectuelles des uns ou des autres nous mène sur une fausse piste. Ce qui importe de saisir est que si un groupe social performe mieux qu’un autre, ce n’est pas en raison d’un déterminisme biologique quelconque, mais plutôt à cause de la socialisation qui a modelé ce groupe, et de la façon dont la société est organisée et influence les individus de ce groupe à se développer.

Beaucoup de travail reste à faire pour mieux conscientiser la population au potentiel des femmes et permettre à ces dernières d’accéder aux mêmes chances de réalisation que l’homme. Jamais nous ne pourrons éliminer les inégalités entre hommes et femmes telles la violence conjugale, la sous-représentation des femmes en politique, l’inégalité salariale (qui était de 12 000$ en 2005 ) (2), si le doute persiste au sein de la population quant aux capacités intellectuelles des femmes. En cette Journée des femmes, rappelons-nous qu’il y a encore du chemin à faire pour atteindre l’égalité entre femmes et hommes et la lutte doit d’abord commencer en s’assurant que tous adhèrent à l’idée que femmes et hommes naissent avec le même potentiel intellectuel.

Notes

1. Statistiques Canada (2006). Apprentissage – Niveau de scolarité (en ligne, 18 février 2009)
2. Représente la différence entre des salaires médians des deux groupes, Statistiques Canada (2006). Profil des communautés, Canada. (en ligne, 18 février 2009).

* L’auteur est membre de La CLAP (la Collective des luttes pour l’abolition de la prostitution. La CLAP est une ONG féministe militant pour l’égalité entre les sexes, principalement pour l’éradication de toute forme d’oppression sexuelle.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 7 mars 2009

Mathieu Savage, étudiant à la maîtrise en sociologie


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