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De quoi la Palestine est-elle le nom ?

23 mars 2009

par Alain Gresh, Le Monde diplomatique

La guerre israélienne contre Gaza de l’hiver 2008-2009 a soulevé une immense émotion et de puissantes mobilisations à travers le monde. Elle a provoqué de vifs débats autour de la légitimité de cette offensive, des crimes commis, de l’avenir - et même de la possibilité - de la paix entre Palestiniens et Israéliens. Une question a aussi ressurgi : pourquoi la Palestine ? Pourquoi suscite-t-elle tant d’émoi, tant d’invectives, tant de manifestations ? Après tout, la planète connaît des guerres plus meurtrières, que ce soit au Darfour ou au Congo ; des oppressions au moins aussi dévastatrices, que ce soit au Tibet, en Tchétchénie ou en Birmanie ; des dénis aussi scandaleux du droit à la liberté, qui concernent le sort des intouchables en Inde, celui des Nubiens au Kenya ou des Indiens dans divers pays d’Amérique latine.

Que se cache-t-il donc derrière cette focalisation sur la Palestine ? Pour certains, la réponse ne fait aucun doute : c’est la présence des juifs, la haine contre eux qui est le moteur de cet intérêt malsain. La critique de l’Etat d’Israël et de sa politique servirait de feuille de vigne à l’antisémitisme éternel.

Même sans partager ce point de vue réducteur, la question « Pourquoi la Palestine ? » est légitime. Elle offre même un intérêt dans la mesure où elle permet de réfléchir à la place centrale que ce conflit occupe aujourd’hui sur la scène mondiale, au même titre que ceux du Vietnam dans les années 1960-1970 et de l’Afrique du Sud dans les années 1970-1980 (lire ci-dessous « Du Vietnam à l’Afrique du Sud ».

La Palestine a désormais pris le relais. Pourquoi ? Parce que, en ce début de XXIe siècle, elle cristallise un moment de l’histoire des relations internationales : dernier « fait » colonial né du partage des empires, elle symbolise la persistance de la relation inégale entre le Nord et le Sud - comme le conflit du Vietnam ou celui d’Afrique du Sud -, mais aussi la volonté de sa remise en cause. Elle est le paradigme d’une injustice jamais réparée. L’implication des États-Unis, principale puissance mondiale, et d’Israël, principale puissance régionale, conforte son enjeu mondial.

L’arrière-plan

L’intérêt stratégique de la Palestine (et du Proche-Orient) - qui explique la longévité peu ordinaire des rivalités dont elle a été l’objet -, et le caractère « saint » de cette Terre forment le terreau de l’affrontement, même s’ils ne sont pas la cause première de l’importance qu’il a acquis aujourd’hui.

Situé au carrefour de trois continents, le Levant est le lieu de passage d’une grande part du commerce mondial. Dès le XIXe siècle, son contrôle devient essentiel pour Londres, qui veut protéger, à travers le canal de Suez, la route des Indes, joyau de son empire. De plus, la région est devenue, au XXe siècle, le plus riche réservoir de pétrole de la planète.

L’affrontement autour de la Palestine s’est engagé avant même l’effondrement des deux empires ottoman et tsariste ; il s’est poursuivi durant la marche vers la seconde guerre mondiale, s’est intensifié avec la guerre froide, a résisté au « nouvel ordre international » né de l’effondrement de l’Union soviétique et se prolonge encore sans que personne puisse apercevoir une lueur au bout du tunnel. Henri Queuille, ministre de la IIIe République, prétendait qu’aucun problème ne résistait à l’absence de solution ; la Palestine offre un contre-exemple tragique (...)

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Mis en ligne sur Sisyphe, le 23 mars 2009

Alain Gresh, Le Monde diplomatique


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