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Au machisme bien-pensant, les Chiennes de garde montrent les dents !
Réponse à la chronique de Claude Askolovitch sur Europe 1

4 avril 2009

par Les Chiennes de Garde et le Collectif féministe contre le viol

Monsieur,

Vous trouvez « Sale pute ! », la chanson d’Orelsan, « terrifiante ». Vous la qualifiez de « haine à l’état brut contre une femme adultère menacée des pires tortures et ça reflète une réalité que subissent trop de femmes. » « On doit agir, ajoutez-vous, contre la réalité des violences faites aux femmes, on peut aussi si l’on veut s’interroger sur le danger des mots et sur l’idée même d’une censure contre le machisme : pourquoi pas ? »
Interrogeons-nous donc !

Vous citez Orelsan, qui présente « Sale pute ! » comme « une fiction qui reflète la réalité (…), pas une incitation au crime ». Cet argument n’est pas recevable. La chanson est écrite à la première personne, et elle relève du rap, mode d’expression favori de nombreux adolescents. Ceux-ci revendiquent le rap comme une tribune où ils peuvent donner libre cours à leurs révoltes, sociales ou personnelles, leurs refus, leurs peurs, leurs désirs profonds. Autant dire qu’ils s’identifient au « je » qui chante « Sale pute ! » : ils le voient comme un modèle, un porte-parole. Beaucoup d’entre eux ne perçoivent pas Orelsan comme un interprète, ni « Sale pute ! » comme une fiction : ils y retrouvent la violence machiste ambiante, sans y entendre une dénonciation de cette violence.

Si « Sale pute ! » reflète la réalité, à l’image de son titre devenu une injure courante, c’est donc avec complaisance. C’est en cela que cette chanson incite au crime. Pire encore : avec une exhibition de détails abjects, son auteur valorise des pratiques de torture et de barbarie infligées à une femme, non pas « adultère » comme vous l’écrivez (où est le mariage ?), mais à une femme qui a choisi un autre partenaire sexuel, ce qui est la liberté de toute personne adulte — la nôtre, la vôtre, celle des femmes et des hommes de ce pays.

Qui apprendra à des adolescents prolongés, à des hommes immatures, qu’une femme ne leur appartient pas, et qu’elle est libre de ses choix de vie ? Qui leur fera comprendre qu’on devient adulte en dépassant ses déceptions, en dominant ses envies de meurtre et en respectant les droits des autres ?

Vous arguez qu’Orelsan ne chante pas cette chanson sur scène et qu’elle ne figure pas dans son album. Mais il est facile de la trouver sur Internet, et Dailymotion est un site très regardé par les adolescents.

S’indigner ne suffit pas, dites-vous ; il faut aussi agir. Certes, mais cessez de prétendre qu’on diabolise ce chanteur, qu’il est l’objet d’un lynchage, en un mot qu’il est une victime ! Les innombrables femmes qui subissent des violences réelles comparables à celles qu’il décrit apprécieront ce renversement des rôles !

Vous qualifiez ceux qui s’indignent de "bien-pensants", et dénoncez la surenchère dans les protestations. Mais penser juste, ce n’est pas être bien-pensant. Être nombreux à protester, c’est déjà agir, car la polémique a valeur pédagogique. L’indignation qui s’exprime contre l’auteur de « Sale pute ! » émane de personnes qui pour la plupart, et c’est notre cas, agissent concrètement contre la violence machiste.

La liberté d’expression artistique est-elle sans limites ? Imaginerait-on une chanson détaillant à la première personne les tortures qu’un SS s’apprête à faire subir à un Juif ? Ou les paroles d’un GI rappant ses séances de torture en Irak ?

 Les Chiennes de garde, 2 avril 2009

* cf. La chronique de Claude Askolovitch sur Europe 1 du 30 mars 2009.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 avril 2009

Les Chiennes de Garde et le Collectif féministe contre le viol


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