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Trahison ? Je dirais plutôt courage et solidarité !
Position de la FFQ sur le port de signes religieux dans la Fonction publique

14 mai 2009

par Lysane Grégoire, TCLCF

Lettre ouverte – Jeudi, le 14 mai 2009



Depuis sa prise de position, samedi dernier, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) est prise à partie sur toutes les tribunes, en particulier par madame Djemila Benhabib qui, dans une lettre ouverte largement diffusée, accuse la FFQ de trahison.

En tant que participante, et donc témoin privilégiée de cette assemblée, je considère que la FFQ a plutôt fait montre de courage en sachant pertinemment qu’avec cette position, elle prêterait flanc aux accusations de toutes sortes et à l’ire de ses opposants.

Lors de l’assemblée de la FFQ, c’est à titre d’observatrice que madame Benhabib a pris la parole. Elle a livré un témoignage vibrant en déclarant qu’elle avait été condamnée à mort dans son pays et qu’elle avait été témoin de l’assassinat de jeunes femmes dont le seul crime était de revendiquer leur liberté. Loin de laisser l’assemblée indifférente, elle a été applaudie. Mais au-delà de l’empathie ressentie envers cette femme, l’assemblée devait considérer les faits et anticiper les impacts sociaux de sa décision.

L’assemblée n’a pas été influencée par « une poignée de militantes islamistes » comme le laisse croire Benhabib ; elle a discuté ouvertement et très sérieusement, dans le respect des opinions diverses des participantes. La préoccupation des membres de la FFQ était de demeurer cohérentes avec leurs valeurs fondamentales : la démocratie, la laïcité de l’État, la diversité et l’égalité entre les femmes et les hommes. L’objectif était également d’assurer à toutes les femmes la jouissance de tous leurs droits, notamment leur droit au travail, tout en évitant de contribuer à toute forme de discrimination. C’est en pleine connaissance de cause que l’assemblée a jugé de la portée de ses décisions et a tenu à réaffirmer sa position contre les intégrismes religieux qui entrent en opposition avec les droits des femmes.
Soyons claires, la position de la FFQ c’est de dénoncer tout intégrisme qui oblige les femmes à porter ce qu’elles ne veulent pas porter et, en toute cohérence, de dire qu’il n’est pas plus acceptable d’interdire aux femmes de porter un voile si cela est leur choix. La FFQ a une position progressiste qui soutient notre société dans l’exercice du grand défi que représente la tolérance de coutumes différentes.

Quelques cent femmes, certaines venant d’aussi loin que le nord du Québec ou des Îles de la Madeleine, se sont présentées un samedi à Québec pour se prononcer sur l’interdiction du port de signes religieux. Elles partagent le souci de favoriser l’intégration citoyenne des femmes de toutes origines. La FFQ n’a pas d’autre intérêt que de faire valoir les droits de toutes les femmes au travail, à l’autonomie financière, à être respectées de leur communauté d’accueil ; de promouvoir également le droit des femmes de disposer librement de leur corps et de la façon dont elles choisissent de le vêtir.
Il semble que l’information diffusée actuellement est partielle et souffre de n’être pas mise en contexte. La question est complexe, et en ce moment, on pourrait croire que la population réagit à une nouvelle idée qui serait celle de promouvoir le port du voile dans la fonction publique. On parle simplement de ne pas l’interdire, puisqu’une telle interdiction porterait atteinte aux droits de la vaste communauté que représentent les travailleuses des services et de la fonction publique. Il est peut-être utile de rappeler qu’actuellement, au Québec, aucune loi ni règlement empêche une femme voilée de convoiter et d’obtenir un poste dans la fonction publique. Bien que peu nombreuses, il y a des infirmières et des enseignantes qui portent le voile.

Soulignons également que la FFQ exige que les gouvernements du Québec et du Canada respectent, promeuvent et mettent en œuvre les engagements qu’ils ont pris pour protéger les femmes contre toutes les violations de leurs droits à la vie et à l’intégrité de la personne. La FFQ dénonce avec virulence toutes les atteintes aux droits et à la dignité des femmes et lutte contre les crimes d’honneur, les mariages forcés, la polygamie, les mutilations génitales féminines... La FFQ incite nos gouvernements à prendre position au sein d’instances internationales, comme les Nations Unies, contre les violations des droits des femmes justifiées par le relativisme religieux ou culturel partout dans le monde.

Très clairement, les discussions tenues par les membres de la FFQ samedi dernier ne tendaient absolument pas à endosser l’obligation du port du voile, au contraire, la position prise par la FFQ affirme haut et fort son opposition formelle à toute obligation faite aux femmes de le porter que ce soit ici ou dans d’autres sociétés.

Par sa prise de position, la FFQ tend la main envers les femmes de toutes origines et de toutes confessions, elle ouvre le dialogue, elle entend celles qui affirment porter le voile par choix et conviction personnelle, comme elle entend celles qui dénoncent le symbole que représente le voile, elle relance un débat public inachevé, elle reconnaît les souffrances des femmes victimes de l’oppression et leur est totalement solidaire. Non madame Benhabib, vous n’êtes pas seule dans ce combat. La FFQ est une alliée pour qui cherche la solidarité envers les femmes opprimées.

En parlant de jeunes femmes telles qu’Aqsa Parvez, assassinée par son père parce qu’elle refusait de porter le voile, Djemila Benhabib se demande : « Que vaut le sang de ces jeunes filles et de ces femmes pour la FFQ ? On le dirait bien : pas grand-chose. ». Ayant l’intime conviction que les femmes qui forment la FFQ sont intensément sensibles au sort de ces femmes, je m’interroge sur ce qui motive de tels propos.

Oui la FFQ comprend que « la bataille pour la liberté se déroule aussi, ici même, dans notre pays au sein de nombreuses familles musulmanes ». C’est pour cette raison qu’elle a longuement réfléchi depuis la Commission Bouchard Taylor, qu’elle a offert des activités pour que ses membres puissent échanger sur cette question si complexe et qu’enfin, dans le respect de la démocratie et en permettant à toutes les personnes qui le souhaitaient d’exprimer leur point de vue, elle a pris position. Ce serait bien que cette lutte pour la liberté se déroule aussi avec vous, madame Benhabib.

  • Renseignements : Lysane Grégoire, 450.682.8739
    coordination.tclcf@bellnet.ca

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 mai 2009

    Lysane Grégoire, TCLCF


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