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Le Conseil du statut de la femme soucieux de préserver l’accès aux soins de santé des Québécoises
Projet de loi n° 34 concernant les centres médicaux spécialisés et les laboratoires d’imagerie médicale générale

9 juin 2009

Québec, le 27 mai 2009 — Devant la Commission des affaires sociales au sujet du projet de loi n° 34, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les centres médicaux spécialisés et les laboratoires d’imagerie médicale générale, la présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Christiane Pelchat, a exprimé ses préoccupations sur les orientations du gouvernement en matière d’organisation et de financement des soins de santé. Elle a notamment rappelé que la priorité du Conseil est la préservation d’un système public de santé permettant à tous d’avoir accès aux soins.

Selon Mme Pelchat : « La meilleure façon d’assurer des services accessibles et d’égale qualité pour l’ensemble de la population, quels que soient le patient et l’endroit où ils sont dispensés, est que toutes et tous, nantis comme défavorisés, aient accès aux mêmes services hospitaliers et médicaux publics, dans les mêmes lieux de pratique et dans les mêmes conditions. »

Dans son mémoire, le Conseil fait une analyse détaillée du projet de loi no 34, tout en revenant sur le cadre plus large des modifications législatives adoptées depuis le prononcé du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Chaouilli. Il s’attarde également à la question des services d’avortement, qui illustre bien les enjeux identifiés pour les femmes, et réitère, enfin, neuf recommandations (voir annexe).

Au regard du projet de loi no 34, le Conseil approuve, dans l’ensemble, son contenu parce qu’il resserre les règles de fonctionnement des cliniques spécialisées qui deviendront des centres médicaux spécialisés (CMS) et précise leurs obligations. « En ce sens, il corrige certains aspects du précédent projet de loi no 33. Mais malgré les améliorations suggérées, des incertitudes et des inquiétudes importantes demeurent concernant l’accès et la gratuité des soins de santé pour les Québécoises », a mentionné Mme Pelchat. Par exemple :
 Le nouveau cadre de dispensation des traitements médicaux spécialisés crée des conditions propices à l’imposition de frais afférents au détriment du principe d’équité dans l’accès aux soins.
 D’autres dangers sont associés au déplacement des traitements spécialisés ambulatoires vers des installations à but lucratif, notamment : le risque d’accentuer la pénurie de main-d’œuvre spécialisée et la lourdeur de la tâche dans les établissements publics, et celui de rendre plus difficile la coordination des services.
 La possibilité d’une extension de l’assurance privée duplicative à d’autres traitements médicaux spécialisés est toujours présente.

Rappelons que les femmes requièrent de nombreux soins, notamment pour assurer leur santé reproductive ou en raison de leur longévité, alors qu’elles disposent souvent d’un revenu inférieur à celui des hommes.

Un cas d’espèce : les services d’avortement

Pour le Conseil, la dispensation des services d’avortement est un cas d’espèce qui illustre les problèmes d’un système public qui a été incapable de répondre à l’ensemble des besoins. En effet, depuis 40 ans, des femmes ont subi une injustice profonde et ont dû affronter un système à deux vitesses en devant acquitter des frais accessoires dans des cliniques privées non complètement subventionnées.

Or, à partir du 1er octobre 2009, les interruptions de grossesse, à moins d’être dispensées dans un centre hospitalier, devront obligatoirement être effectuées dans un CMS. Les avortements ne pourront donc plus être pratiqués dans les cliniques médicales privées qui les font présentement, à moins que ces lieux de pratique ne se convertissent en CMS. « Il serait dommage qu’à la faveur d’une nouvelle transformation du réseau de la santé et des services sociaux, la société québécoise se retrouve devant les mêmes problèmes qui ont caractérisé la pratique de l’avortement depuis sa légalisation, et ce, en dépit du jugement de la Cour supérieure (août 2006) qui a statué sur la gratuité des avortements lorsque pratiqués hors des centres hospitaliers », a déclaré Mme Pelchat.

Le Conseil convie à la recherche de solutions permanentes et équitables pour les femmes et souhaite que la dispensation des services d’avortement se situe dans la continuité des principes fondamentaux auxquels le Québec a souscrit en matière de santé reproductive : l’accessibilité gratuite et universelle des services, la liberté et la responsabilité des femmes dans l’exercice de leur choix et leur droit à l’intégrité physique.

Avancement du privé en santé, un recul pour l’égalité

En conclusion, Mme Pelchat a tenu à rappeler que, pour le Conseil, « L’introduction du privé dans la dispensation des soins qui sont actuellement couverts par l’assurance maladie ouvre une brèche dans les principes d’universalité et d’accessibilité comme on les connaît. Nous demandons donc au gouvernement d’agir avec prudence afin de ne pas élargir la place déjà consentie au privé. Profit ne rime pas avec santé des femmes. Il faut préserver l’esprit du système dont l’accès est basé sur les besoins et non sur la capacité de payer. »

Pour consulter le mémoire du Conseil : www.csf.gouv.qc.ca

Le Conseil du statut de la femme a pour mission de conseiller le gouvernement et d’informer la population sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes.

ANNEXE

LES RECOMMANDATIONS DU CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME

Au sujet de la dispensation des traitements médicaux spécialisés
Afin que le système de santé s’inscrive sans ambiguïtés dans le respect des principes d’équité dans l’accès aux soins et de solidarité dans le financement public des services, le Conseil du statut de la femme recommande :

1. Que le gouvernement mise avant tout sur les cliniques externes des hôpitaux et sur les centres ambulatoires publics ou à but non lucratif pour la dispensation des traitements médicaux spécialisés assurés par le régime public.

2. Que le gouvernement veille à ce que tous les traitements médicaux spécialisés assurés offerts en CMS par des médecins participants fassent l’objet d’une entente afin que le lieu de l’intervention n’ait pas d’effets notables sur le coût dévolu au patient et les recours dont il dispose.

3. Que le gouvernement n’élargisse d’aucune façon la portée de la loi et du règlement concernant l’assurance privée duplicative ou les régimes collectifs d’avantages sociaux.

Au sujet des services d’avortement

Afin de résorber les imprécisions et les incertitudes de la loi actuelle, le Conseil du statut de la femme recommande :

4. Que le gouvernement exclue les centres de santé des femmes offrant présentement des services d’avortement de l’obligation de se convertir en centres médicaux spécialisés, tout en prévoyant un permis encadrant les services d’avortement qui y sont dispensés.

5. Que le gouvernement veille à ce que les services d’avortement soient accessibles partout au Québec et entièrement gratuits pour tout l’épisode de soins, quel que soit le type d’installation où ils sont dispensés par des médecins participants.

6. Que, conséquemment, la conversion en centres médicaux spécialisés des cliniques privées offrant présentement des services d’avortement n’entraîne l’imposition d’aucuns frais pour les femmes.

Compte tenu de l’ambiguïté qui résulte de l’imprécision quant aux lieux désignés pour effectuer les avortements par médication et ceux par induction, le Conseil du statut de la femme recommande :

7. Que le ministère de la Santé et des Services sociaux établisse un protocole d’encadrement de la pratique des avortements par médication et par induction et en assure la pleine gratuité.

Au sujet du projet de loi no 34 présentement sous étude :

Dans le but de resserrer les dispositions de la loi, le Conseil du statut de la femme recommande :

8. Que le législateur adopte les modifications proposées par le projet de loi no 34 qui visent à mieux circonscrire le champ d’action des CMS et leurs responsabilités, notamment de ceux fonctionnant avec des médecins non participants, et à assurer un meilleur contrôle gouvernemental sur leurs activités.

Afin de permettre aux membres de l’Assemblée nationale d’apprécier les effets de la création des centres médicaux spécialisés sur le système public de santé, le Conseil du statut de la femme recommande :

9. Que le législateur inscrive un nouvel article dans le projet de loi no 34 prévoyant :

  • Qu’un rapport d’évaluation détaillé de l’impact, sur le système public de santé, des dispositions législatives adoptées à la suite du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Chaouilli-Zeliotis soit produit au plus tard cinq ans après l’attribution des premiers permis de centres médicaux spécialisés ; et
  • Que ce rapport soit déposé à l’Assemblée nationale pour étude par une commission parlementaire compétente.

     On peut télécharger en format PDF le mémoire présenté par le CSF en allant sur le site www.csf.gouv.qc.ca.

    Source : Conseil du statut de la femme du Québec

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 mai 2009




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