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Un budget n’est jamais neutre !

2 juin 2009

par Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico

Si le Québec figure parmi les sociétés les plus égalitaires dans le monde occidental, la vigilance demeure toujours très bonne conseillère, surtout au moment de l’élaboration du budget de l’État. Le 11 mars dernier, le Conseil du statut de la femme rendait publiques ses attentes à cet égard. Des préoccupations que certains de nos détracteurs n’ont pas tardé à discréditer, usant de désinformation, voire de démagogie. Comme quoi il devient de plus en plus difficile de parler des problématiques sociales sous l’angle féministe. Qu’à cela ne tienne ! Le Conseil a le devoir de promouvoir et de défendre les droits et les intérêts des Québécoises, et à plus forte raison parce qu’un budget n’est jamais neutre !

Le budget est la plus grande politique publique adoptée par l’Assemblée nationale. Cet exercice est l’expression par excellence des choix que le gouvernement fait pour la société. Le Conseil se prononce toujours pour mesurer en quoi cette politique publique répond à la volonté clairement exprimée de l’État d’assurer l’égalité des sexes. Rappelons-nous que la politique gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes, adoptée en 2007, vise à permettre aux femmes d’être des citoyennes à part entière qui prennent une part active à la vie économique du Québec tout en faisant le choix ou non d’avoir des enfants, et de sortir de la pauvreté qui, malheureusement, caractérise encore la situation de nombreuses Québécoises.

Les statistiques témoignent des effets immédiats de la crise économique sur les emplois occupés par les hommes. Nous sommes sensibles à cette situation ainsi qu’aux besoins des hommes qui ont perdu leur travail. Toutefois, il faut se rappeler que les femmes ont aussi perdu beaucoup d’emplois dans le secteur textile ; elles doivent être incluses dans les plans de relance économique. Les stéréotypes et les préjugés ont la vie dure et empêchent encore des femmes de bénéficier des mêmes droits et possibilités que les hommes. Voilà pourquoi nous avons demandé au gouvernement de s’assurer que l’argent public alloué serve aussi pour les femmes.

Le gouvernement a fait le choix d’investir dans les infrastructures pour stimuler l’économie et créer des emplois. Il a prévu dépenser plus de 45 milliards de dollars en travaux d’infra-structure d’ici cinq ans. Certes, cette décision répond à un besoin urgent de réfection des routes, des viaducs et des ponts. Mais nous n’apprenons rien à personne en soulignant que les emplois dans le secteur de la construction sont occupés à près de 90 % par des hommes. Ce que le Conseil demande au gouvernement, c’est qu’un programme d’accès à l’égalité soit déployé dans ce secteur pour y augmenter le nombre de femmes et que des mesures soient mises en place pour favoriser leur rétention. L’idée étant de maximiser les effets de ces investissements de sorte qu’ils servent à la fois les objectifs de relance économique et ceux de la poursuite de l’égalité entre les femmes et les hommes. La Commission de la construction du Québec est déjà sensible à l’objectif d’intégrer des femmes et de les maintenir en emploi dans le secteur de la construction.

Bien que depuis 15 ans, la participation des femmes au marché du travail rémunéré augmente fortement, leur taux d’activité est toujours inférieur à celui des hommes par 10 points de pourcentage dans plusieurs régions, dont Montréal. Mais le tableau n’est pas entièrement sombre. Grâce à la mise sur pied de services de garde subventionnés et d’un régime d’assurance parentale inégalé en Amérique du Nord, les choix du gouvernement auront favorisé l’accès des femmes au marché du travail. Et lorsque les femmes ont la possibilité de travailler et de compter sur une sécurité financière, elles font plus facilement le choix d’avoir des enfants. Résultat ? Aujourd’hui, 80% des mères d’enfants de moins de 6 ans sont sur le marché du travail.

Le Conseil salue également la décision de maintenir les services et les programmes sociaux. Ces dépenses continueront de contribuer à l’atteinte de l’autonomie financière des Québécoises. De même, nous avons accueilli avec satisfaction la décision de maintenir la cible de 220000 places en services de garde subventionnés d’ici la fin de 2010, la construction de 3000 logements sociaux additionnels, l’investissement de 170 millions de dollars pour la rénovation et l’amélioration des logements, et l’injection de 10 millions de dollars visant à améliorer les maisons d’hébergement pour les victimes de violence conjugale.

Finalement, des routes et des ponts, oui ! Mais en mobilisant les femmes comme travailleuses pour qu’elles profitent aussi de l’argent investi en travaux d’infrastructure aux côtés des hommes. La controverse entourant notre demande a eu le mérite de souligner l’importance de tenir compte de la main-d’œuvre féminine dans la relance économique. Elle a aussi mis en évidence la très grande place laissée au virulent discours anti-féministe dans les médias de masse.

30 ans !

En cette année anniversaire de la Gazette des femmes, je tiens à souligner l’apport engagé et authentique des nombreuses collaboratrices qui, au fil des 30 dernières années, ont su insuffler à notre publication la passion nécessaire à l’avancement de cette cause commune : l’égalité entre les femmes et les hommes. Bon anniversaire la Gazette !

Source : La Gazette des femmes, Mai-Juin 2009, "Mot de la présidente"

Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 juin 2009

Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico


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