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Comment guérir le "cancer" des crimes d’honneur

24 novembre 2009

par Tarek Fatah, journaliste et membre du Congrès musulman du Canada

On ne peut nier que l’islam, dans sa version contemporaine, soit obsédé par la sexualité des femmes et la considère comme un problème capital. Le hijab, le niqab, la burka et la polygamie sont tous des manifestations de cette phobie.



Presque au même moment où on a appris que les meurtres de trois sœurs adolescentes afghano-canadiennes et de la première femme de leur père à Kingston, Ontario, étaient des crimes d’honneur potentiels, des membres de la communauté musulmane ont réagi de la manière la plus prévisible : par la défense et le déni.

Au lieu de condamner l’atrocité des meurtres, deux musulmans m’ont réprimandé durant mon émission de radio à CFRB à Toronto pour avoir parlé de l’affaire, et ont suggéré que j’avais des motivations cachées. « Cela n’a rien à voir avec l’islam », dit un autre, même si personne dans l’émission n’avait jusque- là mentionné le mot « islam », encore moins accusé la religion d’autoriser les crimes d’honneur.

Ils n’étaient pas les seuls. Le dirigeant de la branche canadienne de la Société islamique d’Amérique du Nord (Islamic Society of North America (ISNA)) a raconté à CBC plus ou moins la même chose - que cette histoire n’était pas liée à l’islam, qui n’autorisait pas apparemment les crimes d’honneur.

Ils ont à la fois tort et raison. Il est vrai que le livre saint de l’islam, le Coran, n’autorise pas les crimes d’honneur. Mais nier le fait que de nombreux crimes d’honneur sont conduits par des pères, fils et frères musulmans, et que de nombreuses victimes sont des femmes musulmanes, serait faire preuve de mauvaise foi intellectuelle. Au pire, il s’agit d’une tentative de clore le débat.

Quand, à Mississauga, Ontario, l’adolescente Aqsa Pervez fut tuée, tout le monde, des Mollahs jusqu’aux pseudo-féministes musulmans, affirmèrent qu’il ne s’agissait pas d’un crime d’honneur, même s’il y avait des allégations affirmant qu’elle avait des ennuis avec sa famille car elle fréquentait des amies non musulmanes qui ne portaient pas le hijab. Des critiques accusèrent alors ceux qui parlaient du meurtre en ces termes d’être des bigots antimusulmans. Sottise.

Comme je l’ai dit, il est vrai que le Coran n‘autorise pas ce genre de meurtres, mais la loi de la Charia, instituée par l’homme, et qui a illégitimement acquis un statut divin, autorise le meurtre des femmes si elles se laissent tenter par des relations sexuelles consentantes avant ou en dehors du mariage. C’est précisément pourquoi de nombreux musulmans progressifs et libéraux se sont opposés à l’introduction de la Charia au Canada.

On ne peut nier que l’islam, dans sa version contemporaine, soit obsédé par la sexualité des femmes et la considère comme un problème capital. Le hijab, le niqab, la burka et la polygamie sont tous des manifestations de cette phobie.

Les mollahs et les directeurs des mosquées peuvent nier leur rôle dans l’acceptation des femmes musulmanes comme citoyennes de seconde classe au sein de la communauté, mais la place qu’ils leur réservent dans la maison de Dieu, la Mosquée, révèle leurs réelles convictions. À l’exception d’une mosquée à Toronto, pas une seule n’est prête à laisser les femmes musulmanes s’assoir au premier rang. Elles sont envoyées au fond, ou derrière les rideaux, ou poussées au sous-sol ou aux balcons, car elles ne sont pas considérées comme nos mères ou filles ou sœurs, mais comme éléments déclencheurs pouvant enflammer les passions masculines.

Les crimes d’honneur ont lieu parce que certains musulmans ont été influencés par leurs mollahs : pour eux, le fardeau de l’honneur familial et de la religion est acquis par la virginité de leurs filles et de leurs sœurs. La plupart des mollahs admettent que, selon la Charia, une femme qui a des relations sexuelles consentantes avec un homme hors du mariage mérite d’être fouettée en public ou lapidée jusqu’à la mort par un État ou un tribunal islamique. Ces islamistes ne voient-ils pas comment cette interprétation peut être perçue par les hommes comme une permission de prendre la loi en main ?

Nous ne nous prendrons pas en considération le problème du « cancer » des crimes d’honneur, qui tue plus de 5000 personnes en Asie du sud et Moyen-Orient, tant que les clercs musulmans et les imams n’abandonneront pas cette notion de la femme appartenant à l’homme.

La mentalité sous-jacente (à cette situation) est un problème dans presque tous les endroits du monde. En octobre 2006 par exemple, un imam australien d’origine libanaise, le clerc musulman le plus âgé du pays, a provoqué l’indignation quand il a décrit les femmes qui ne s’habillent pas pudiquement (selon lui) comme de la « viande découverte » qui invite aux attaques sexuelles. Sheikh Taj Al-din al-Hilali, le soi-disant Mufti d’Australie, a condamné les femmes qui, selon lui, « se déhanchent de façon suggestive », se maquillent et ne portent pas le hijab.

Jusqu’en 2007, seuls les hommes avaient traduit et interprété le Coran. Car l’idée même d’une femme traduisant le livre sacré offense les islamistes. Prenons, par exemple, la réaction à la toute première traduction par une femme, Le Coran sublime, de Laleh Bakhtiar, il y a deux ans.

Mohammad Ashraf de la branche canadienne de la Société islamique d’Amérique du Nord (Islamic Society of North America (ISNA)), le même homme qui, cette semaine, a affirmé à CBC qu’il n’y avait pas de dispositions pour les crimes d’honneur dans l’islam, a confié au Toronto Star qu’il n’autoriserait pas la vente du livre Le Coran sublime dans la librairie de l’ISNA. « Notre librairie n’accepterait pas ce genre de traduction », dit-il.
« J’envisagerais de le faire interdire… Cette traduction favorable aux femmes n’est pas conforme et n’ira pas loin. »

Qu’avait fait Laleh Bakhtiar pour mériter qu’on la punisse en interdisant sa traduction du Coran dans les librairies islamiques de l’ISNA ? Son erreur, selon les islamistes, est de penser que le Coran ne tolère pas la maltraitance conjugale, comme ils l’affirment eux-mêmes.

Si une traduction du Coran faite par une femme est interdite dans une librairie islamique, quoi d’autre y est disponible ? Dans une librairie de Toronto, le titre d’un livre de poche tape-à-l’œil crie aux passants : Les femmes qui méritent d’aller en Enfer. Le livre, qui est également largement disponible dans les bibliothèques britanniques et les mosquées, fait la liste du genre de femmes qui feront face à la damnation éternelle.

Parmi elles :

“La ronchonne… la femme qui se plaint à son mari de temps à autre appartient à l’Enfer. »
« La femme qui se pare. »
« La femme qui singe les hommes, tatouages, coupe ses cheveux courts et change la Nature. »

Les dirigeants du clergé musulman qui affirment que les crimes d’honneur ne sont pas autorisés par l’islam ne seront pas pris au sérieux tant qu’ils ne prendront pas des mesures pour mettre fin à l’apartheid des sexes et à la misogynie. Ils ne peuvent proclamer que les femmes sont source du péché et qu’elles méritent la mort parce qu’elles ont des relations sexuelles consentantes, et prétendre ensuite que les hommes qui exécutent la condamnation à mort agissent contre la loi islamique.

  • Source originale en anglais : The National Post, 24 juillet 2009.

    Traduction pour Sisyphe : Marine Picard

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 août 2009

    Tarek Fatah, journaliste et membre du Congrès musulman du Canada


    Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3364 -