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Le scandale du financement des écoles privées

29 août 2009

par Élaine Audet

On se souvient du tollé provoqué par la tentative du gouvernement Charest de financer à 100% des écoles privées juives, forçant ce dernier à renoncer à son projet. On se souvient aussi que, dans un premier temps, le premier ministre Charest a non seulement refusé de revenir sur sa décision concernant le financement de ces écoles, mais qu’il a aussi nié les allégations voulant qu’elle ait un lien avec l’argent remis par la communauté juive pour renflouer les coffres du Parti libéral.

C’est maintenant le puissant pdg d’Hydro-Québec, Thierry Vandal, qui veut à son tour utiliser les fonds publics pour financer des collèges privés. "Ces dons sont tout simplement inacceptables", affirme Josée Bouchard, présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec. "Ça fait des années qu’on demande au ministère de l’Éducation d’investir un million pour une campagne de valorisation de l’école publique, et on a des refus continuels. Alors jeudi passé, je n’étais pas contente de voir qu’un quart de million tombait dans les mains d’une seule institution", ajoute-t-elle. "On veut un gel immédiat du financement public pour qu’on puisse, dans un horizon de cinq ans, cesser complètement le financement des écoles privées. Certains diront que c’est radical, mais ça se fait ailleurs aussi », conclut Mme Bouchard (1).

La liste des collèges privés subventionnés par Hydro-Québec continue de s’allonger. D’ici à 2017, la société d’État aura remis pas moins de 180 000 $ au Séminaire de Sherbrooke, alors qu’elle n’a pas versé un sou aux écoles publiques, l’an dernier. Pour sa part, la présidente de la Fédération québécoise des directions d’établissements d’enseignement, Chantal Longpré, croit que "le don de 180 000 $ aurait pu permettre d’assumer tous les frais de fonctionnement d’une école publique durant un an". Elle ne peut croire que quelqu’un puisse encore ignorer les besoins criants de l’enseignement public au Québec.

Les protestations n’ont jamais cessé de s’élever contre ce financement scandaleux de l’école privée à même les fonds publics, alors que la population du Québec a choisi d’appuyer le développement d’un réseau public d’écoles financé par l’État. C’est ce choix démocratique, comme celui de la laïcité et de la neutralité des services public, que remet aujourd’hui à nouveau en question le gouvernement Charest. Un gouvernement qui trouve normal de financer à 60% les écoles privées, qui font payer des prix exorbitants aux parents et qui bénéficient d’un fort financement privé.

La vigilance populaire

C’est compter sans la vigilance populaire qui a déjà fort à faire, par les temps qui courent, avec les bourdes du ministre de la Santé à propos des tests erronés pour le cancer du sein et les règlements excessifs de la loi 34 qui auraient eu pour effet de restreindre le droit à l’avortement, si des citoyens et surtout des citoyennes n’avaient protesté, choquées de ce manque de respect envers leurs droits fondamentaux. Cela, l’année même du vingtième anniversaire du combat historique de Chantale Daigle pour le droit de disposer de son propre corps contre la volonté de son conjoint.

De son côté, Pauline Marois a dénoncé immédiatement le manque de jugement du gouvernement libéral, et Éric Caire, de l’Action démocratique, a accusé le pdg d’Hydro-Québec "de n’avoir pas d’éthique et d’être incapable de respecter les règles de la société pour laquelle il travaille".

Les besoins de l’école publique rejetés

Le bilan 2008 des dons et commandites d’Hydro-Québec, publié par le journal de Montréal (2), révèle que la société d’État n’a effectué aucun don envers les commissions scolaires et les écoles publiques :

    Les dons d’Hydro-Québec en éducation l’an dernier
     43 dons ou commandites en tout
     23 à des universités, à leurs fondations ou à des groupes universitaires
     11 à des cégeps, à leurs fondations ou des groupes collégiaux
     4 à des fondations ou organismes indépendants (prévention du décrochage, bourses d’études, etc.)
     5 à des collèges privés
     0 à des commissions scolaires ou écoles publiques
    Les 5 dons à des collèges privés
     Séminaire de Sherbrooke (180 000 $ en 12 ans ) : 15 000 $
     Loyola High School, Montréal : 10 000 $
     Fondation École Saint-Joseph, Saint-Hyacinthe : 5 000 $
     Fondation de l’école Jean-Paul II, Baie-Comeau : 1 000 $
     Fondation Villa Sainte-Marcelline, Westmount : 500 $

Pourtant, les intérêts de nos enfants passent avant les intérêts politiciens de Jean Charest et de Thierry Vandal. Selon Monique Pauzé, présidente du Syndicat de l’enseignement de Champlain, "le Rapport Ménard (2009) sur le décrochage scolaire a soigneusement évité d’aborder la question des écoles privées et celle des projets particuliers. Il nous invite à nous inspirer de la Finlande, mais en omettant de souligner que les Finlandais associent les succès de leur système d’éducation – le taux de décrochage est inférieur à 1 % – en grande partie à l’abolition du réseau des écoles privées et à l’établissement d’un réseau unique d’écoles publiques" (3). Un débat public sur l’abolition du financement des écoles privées est plus que jamais nécessaire et la population du Québec doit réclamer du gouvernement le respect de nos choix collectifs. Ce qui semble le cadet de ses soucis.

Notes

1. Lisa-Marie Gervais, "Hydro renonce à financer les écoles privées", Le Devoir. 20 août 2009.
2. Sébastien Ménard, "Rien pour l’école publique", Le Journal de Montréal, 20 août 2009.
3. Monique Pauzé, "Le rapport Ménard ne réinvente pas la roue", l’aut’journal, mai 2009.¨

Mis en ligne dans Sisyphe, le 20 août 2009.

Élaine Audet


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