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Corps féminin – désaccord/accord

12 novembre 2009

par Vittoria Pazalle

Le corps, qui est l’un des principaux intermédiaires entre soi et l’extérieur, peut être très mal perçu par certaines personnes dont celles qui souffrent d’anorexie (1). Plus particulièrement, celui-ci peut alors présenter une multitude de caractérisques très significatives.

Désaccord

  • Un corps qui se transforme à l’adolescence et qui déroute complètement ;
  • Des seins et des courbes qui apparaissent et qui créent un véritable malaise, voire de l’angoisse, notamment vis-à-vis du regard des hommes ;
  • Des formes qui changent et rappellent inexorablement l’effet du temps dont le vieillissement et la dégénérescence ;
  • Une tristesse qui envahit tant qu’elle bloque l’estomac et fait disparaître peu à peu les notions d’espoir et de beauté de l’existence ;
  • Des émotions qui bouleversent et tourmentent tant que l’on se jette dans l’activité physique intense et l’obsession du poids ;
  • Des angoisses qui s’accumulent et que l’on tait depuis des d’années car l’on croit qu’elles s’évacueront bien un jour si on se montre très forte et ne leur accorde pas la moindre importance ;
  • La peur des sens qui sont si imprévisibles et si difficilement maîtrisables, et qui peuvent conduire à l’abandon de soi, idée que l’on méprise au plus haut point.
  • Une peur de son ressenti avec un rejet total de la notion de plaisir qui est un tabou absolu et que l’on combat en s’endurcissant toujours plus grâce aux privations ;
  • L’isolement pour ne pas affronter les autres dont leur regard et leur jugement, et surtout les conflits qui désarment et terrorisent ;
  • Une peur de l’extérieur qui finit par être automatiquement perçue comme un danger ou une agression ;
  • Une peur si grande de manger, au début pour ne pas prendre de poids, qui finit par être conçue comme un acte animal dont on voudrait pouvoir se passer, voire un besoin rabaissant et une souillure.

Corps : intermédiaire entre soi et l’extérieur

Le corps, qui est un intermédiaire primordial entre soi et l’extérieur, peut chez certains individus devenir telle une prison si l’on n’y prend pas garde. Celui-ci peut en effet finir par être perçu comme un véritable poids mort, voire une source d’aversion ou de honte qui fait tant souffrir que l’on essaie par différents moyens de l’oublier. Certains peuvent trouver des substituts comme le sport intensif, l’alcool, l’automutilation ou la drogue. D’autres tombent dans la dénutrition qui crée une sorte de désensibilisation et de dissociation. Ainsi combien de fois ai-je remarqué des égratignures ou ecchymoses sur mon corps sans même me souvenir de leur origine ? N’y prêtant guère attention, je ne vivais que dans mon mental, seule partie de mon physique que j’estimais noble car elle me semblait prévisible et fidèle.

Un appétit que l’on veut impérativement maîtriser peut permettre de couvrir des affects que l’on ne peut absolument pas gérer. Cependant l’effort fourni pour dompter la faim, qui donne un faux sentiment de surpuissance, finit par devenir de l’autodestruction. Le cercle vicieux de la quête de l’absolu et la désincarnation peut avec le temps dépasser complètement l’anorexique qui cherchait juste au début à se rassurer à sa façon face à trop de confrontations non seulement intérieures mais aussi extérieures.

Effets d’une thérapie : accord

Grâce à une thérapie, on peut prendre conscience que le mal-être si grand qui poussait à rejeter son corps contenait en fait des signaux particulièrement passionnants à découvrir si l’on accepte alors d’y faire face, dont le fait :

  • d’apprendre à gérer ses émotions positives et surtout négatives, et non plus les étouffer et les fuir ;
  • à s’affirmer face à autrui comme oser dire « non » et « je », et non plus se soumettre à cause en partie d’une peur des conflits et surtout du besoin avide et intarissable d’être aimée ;
  • à s’ouvrir, au lieu de s’isoler de plus en plus pour ne prendre aucun risque d’interactions blessantes ;
  • à être moins dans les extrêmes, et non plus paralysé en grande partie à cause d’un ego bien trop blessé ;
  • se confier pour pouvoir prendre de la distance et relativiser face à son ressenti et ses idées tout particulièrement négatives, surtout si avec le temps on est devenu de tempérament plus en plus dépressif.

C’est alors que de nouvelles perspectives mentales se présentent et transforment tout un mode de pensée conditionné assez tôt plutôt négativement. Par exemple, le fait de devenir femme n’est pas dangereux, mais c’est la façon dont on a fini par percevoir la féminité depuis l’enfance qu’il faut revoir. Le désir de vouloir être aimée de tous peut venir tout simplement du fait que l’on n’a guère ou peu appris à s’aimer soi-même. Le souhait de vouloir être parfaite peut contenir un profond sentiment de culpabilité dont on ne parvient guère à se débarrasser.

Par ailleurs, ressentir de la colère n’a rien d’indigne et de vil, c’est tout simplement un signal intérieur afin de comprendre que l’on doit s’écouter, réagir et notamment discuter avec autrui pour pouvoir notamment évacuer. En effet, une colère non exprimée peut se retourner contre soi à travers des maux physiques récurrents, voire on peut finir par se détruire soi-même inconsciemment pour ne pas avoir à affronter une personne ou un fait quand on ne peut décompresser d’une façon ou d’une autre.

Le fait de s’estimer ne conduit absolument pas à l’arrogance et au nombrilisme. Porter sa propre culpabilité est déjà suffisamment lourd, et porter celle des autres peut être en fait une forme de fuite face à la réalité et surtout face à des personnes qui ont eu tant d’ascendant sur nous au point de nous ôter la force de nous défendre. Ou encore penser à soi n’est absolument pas de l’égoïsme, mais un acte tout simplement normal de prise de conscience de soi.

Si chez certaines personnes la conscience de soi a été blessée par des sentiments comme le rejet, la trahison, l’abandon, l’injustice, l’humiliation ou la non-reconnaissance, et si l’image du corps a été altérée par exemple par un manque de toucher affectueux « sans ambigüité » ou un excès de toucher emprunt de dureté, agressivité, froideur, violence, voire abusif en allant au-delà de son intimité, elle peut conduire à un rejet de son propre corps, et notamment l’anorexie. En effet, le fait d’avoir peur de s’alimenter peut être une façon inconsciente de se fermer et se blinder afin de tenter de s’endurcir et avoir moins mal face à toutes les sollicitations multiples du corps.

Grâce à une thérapie et à certaines techniques, dont des massages et automassages, de la relaxation, de la psychomotricité et/ou de la sophrologie afin d’avoir une meilleure perception de la conscience de soi et de l’image corporelle, le corps peut devenir un fabuleux partenaire que l’on apprend alors à respecter, écouter et aimer tant il contient d’informations riches. Ce retour à soi, qui peut être au début douloureux car l’on doit affronter certains souvenirs, traumatismes, chocs, peurs, voire terreurs, peut finir par devenir extrêmement enrichissant. Après une autodestruction lente à cause d’un sentiment de culpabilité irréductible et une absence totale d’estime de soi, il est possible de se diriger vers un nouveau chemin fait de plus en plus d’esprit de découverte, légèreté, bien-être, confiance en soi et tout simplement plaisir « réellement » sain et constructeur.

Note

1. 9 anorexiques sur 10 sont des filles.

Autres articles de cette auteure dans ce site :

  • "Image corporelle et identité féminine".
  • "Troubles du comportement alimentaire et découverte de la féminité".
  • Anorexie et boulimie - Parents, aidez votre enfant en détresse".
  • "Anorexie mentale - Dompter la douleur".

  • "L’ego et l’anorexie mentale"

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 octobre 2009

    Vittoria Pazalle


    Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3432 -