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Lettre à Patric Jean, réalisateur de "La domination masculine", et à bien d’autres...
Julie Chateauvert, Blandine Juchs, Valérie Perron, Sophie Le Phat-Ho, Béatrice Chateauvert-Gagnon, Karine Rosso, Catherine St-Arnaud Babin, Louise-Caroline Bergeron, Annie Jubinville

1er février 2010

Patric Jean est le réalisateur du film La domination masculine sorti à l’écran en novembre 2009 en France et au Québec le 22 janvier. En entrevue, il a dit que les hommes n’avaient rien à gagner à rétablir un équilibre de pouvoir entre les hommes et les femmes, que des privilèges à perdre et qu’ainsi, il ne leur fallait agir que pour le grand principe de justice. L’idée est aussi relayée dans le film. Il est possible d’obtenir plus d’information au sujet du film et de ses positions en consultant son blogue.

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ça me chicotte
y’a quand même un truc où ça achoppe
c’est quand tu dis que les hommes n’ont rien à gagner…
que des privilèges à perdre
et qu’on le fait pour la justice avec un J…

c’est faux Patric,
et en fait, c’est un argument qui sort au moment où on constate une…
certaine résistance encore et toujours à avoir le courage de se mettre
vraiment

à toucher ce qui est structurant, et à réaliser les changements
dans les comportements
dans les réels rapports quotidiens et intimes
qui mènent à une équité…
et c’est fort douloureux d’y faire face…
et c’est là où le féminisme qui s’incarne dans une femme face à un homme
devient la tristesse de ne pas pouvoir aimer

pleinement
et qui parfois explose en révolte, mais le plus souvent, reste prise
en colère sourde, larvée, un pustule

qui distille

et laisse filtrer

un poison

vous avez beaucoup gagné déjà
(je vais dire “vous”, d’accord ? passe moi la polarité pour un temps,
c’est aussi pour t’y inclure, toi, et moi… aussi)
ne serait-ce qu’en faisant ce truc oh exceptionnel de vous adonner à des
“tâches domestiques”
vous avez gagné des interlocutrices, ne serait-ce que parce que pendant
que vous faites la vaisselle, on peut lire.

Ou éventuellement s’aménager un temps où, soupir, on peut se reposer du petit sexisme ordinaire qui est partout.

mais c’est tellement risible au fond dans le lot : les tâches ménagères…
tellement incroyable qu’il faille en parler encore, que ce soit encore un enjeu en 2009
les mascul disent : “une fille correct, une femme honnête doit penser
d’abord à son fils, son mari, son frère”
ils le disent, et c’est énorme, et aussi pauvres types qu’ils soient
c’est déjà assez, parfait pour se battre et même : pour faire les héros
le petit sexisme ordinaire, dans la plupart de nos amoureux même alliés, le demande,
l’exige, passivement, sans un mot
et résiste lorsqu’on s’en insurge
ce n’est qu’un exemple

parmi d’autres

et puis les héros , c’est assez lassant.

Si on parlait de courage ?
vous avez énormément à gagner.
vous avez énormément à gagner
à comprendre comment partager le pouvoir et pas uniquement l’échanger

Le monde au complet a énormément à gagner
à ce que vous trouviez d’autres solutions pour métaboliser la honte
pour ne pas rester bloqués dans la culpabilité,

“je t’ai fait mal, pauvre de moi !”
à avoir le courage d’agir sur vous
de gagner

une flexibilité

et d’arriver à adopter des comportements
inspirés d’un patron de socialisation qu’on assigne aux femmes

parce qu’il peut, là maintenant, en résulter une meilleure équité
de gagner

une plus grande aisance de mouvement entre ce que proposent comme schèmes
de comportements ces “2 grands patrons de socialisation”
de vous rendre compte que votre liberté et votre identité
ne s’effondrent pas
lorsqu’il est question de se définir AUSSI DANS un lien
et de ne plus nous discréditer en faisant passer ça pour un “trait de
personnalité” (partagé par pas mal de femmes pour un trait de
personnalité soit dit en passant) , pour de la dépendance
vous avez énormément à gagner lorsque vous apprenez à prendre des
responsabilités affectives
lorsque vous vous occupez vous-mêmes

de transformer vos perceptions, affects et comportements
de réparer les blessures que vous avez causées, quand, pris dans le
déséquilibre du pouvoir des rapports de genre, déroutés ou accrochés à vos privilèges ou effrayés ou…,
vous n’avez pas pu faire mieux

vous avez beaucoup à gagner

quand, ainsi, n’ayant plus

à vous désigner là où l’équité achoppe
que dis-je, à prendre tout ce qu’on peut d’énergies pour vous faire des démonstrations par osti plus criss,

quand n’ayant plus à gérer votre culpabilité
à vous accompagner, vous enseigner comment prendre le virage
(avec quelle probabilité que vous n’abandonniez pour aller trouver plus
simple, plus valorisant, plus sécurisant…oserais-je plus maternant ?
parce que « c’est la vie », les liens se créent se brisent c’est comme ça… ?)

et à panser nos blessures qui resteront (pour combien de temps, toujours ? vraiment ?)

même cicatrisées depuis longtemps,
sans réparation

nous pouvons souffler

et marcher

encore

réparer les dommages, la casse, résultant du déséquilibre de pouvoir entre les genres

Lorsque vous agissez par vous-mêmes à vous transformer, vous, un par un et
que vous passez le temps nécessaire en introspection et travail émotionnel
nous pouvons avoir l’espace pour bouger un peu plus nous aussi,
continuer à transformer nous aussi notre rapport à notre propre patron de
socialisation sans faire triple tâche…
et nous avançons d’autant mieux, je parle de toi aussi

et allez ! arrêtez ces « je n’ai pas de modèle » « je suis seul » « il y a plus méchant que moi » « toi non plus tu n’es pas parfaite » et toutes ces esquives

Vous êtes innombrables qui le serinez : rencontrez-vous, entendez , inspirez-vous de
ce qu’on s’exténue à vous dire et démontez, bougez, qui sait, ça pourrait nourrir vos publications ?

Qui sait, ça pourrait nourrir vos congénères ?

Soutenez-vous pour : bouger. Nous n’échangerons que mieux.

Et les d’aucuns qui crispent, bloquent, fuient, rouspètent, menacent, pétaradent ou se ramènent au centre de l’attention toujours

Contre ça, ne peuvent rien,

Et ça : c’est irréversible.

vous avez énormément à gagner à une plus grande mobilité
en termes de modalité de communication, de possibilité de résolution de
conflit, en termes de capacité à offrir du support (pas du paternalisme,
je parle de prise en compte de l’autre), en termes d’intégrité
énormément à gagner à une compréhension plus riche du monde, à des relations plus
profondes avec vos ami.es , amoureux.es, soeurs, et tout le monde en
somme…
et j’arrête l’énumération… elle pourrait se poursuivre…
continue la toi-même…
allez !

ce n’est pas vrai que vous n’avez rien à gagner…
c’est un argument parfait de résistance passive….

merci d’avoir fait ce film,
des jeunes femmes que j’ai rencontrées l’utilisent pour ne pas se fatiguer à
avoir à prendre la sensibilisation dès le début…
c’est non nul
ensuite leur travail commence…enfin… continue

tu ne me connais pas : j’ai une histoire banale, celle de tant de femmes
et de tant de liens entre hommes et femmes, des connaissances, des collègues, des amis,
des amants, des amoureux, des n’importe qui…
je suis si nombreuse.

dans la suite d’une lutte contre le petit sexisme ordinaire

d’une lutte pour l’équité, pour la réciprocité

tous les jours jusque dans nos rapports les plus intimes

pour qu’on puisse s’aimer sans que les privilèges ne se rejouent pour les uns
et que l’amour ne soit continuellement infiltré d’une dose de domination pour les unes

Pour faire en sorte que l’Histoire, elle, cesse de se répéter dans toutes nos petites histoires
banales de tous les jours.
et pour que le Vous et Nous
deviennent : nous.

solidairement,
et là : chaque jour où ça se produit, chaque fois que ça se produit, à chaque pas, à chaque geste, à chaque résolution, à chaque réparation, on aura gagné…
tous et toutes.

Auteures : Julie Chateauvert, Blandine Juchs, Valérie Perron, Sophie Le Phat-Ho, Béatrice Chateauvert-Gagnon, Karine Rosso, Catherine St-Arnaud Babin, Louise-Caroline Bergeron, Annie Jubinville

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  • Lire aussi : « La question des privilèges - Le réalisateur Patric Jean répond à des critiques ».

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 29 janvier 2010




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