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Le viol psychologique d’Omar Khadr

28 janvier 2010

par Louise Hubert

Lettre au Premier ministre du Canada, M. Stephen Harper



Monsieur le Premier ministre,

Il me fait plaisir de m’entretenir avec vous pour discuter du cas d’un enfant que vous connaissez bien pour en avoir entendu parler à quelques reprises. Il s’agit d’Omar Khadr. Je veux me permettre de vous apporter une vision personnelle qui vous apportera un nouvel éclairage quant à ce cas.

La Cour suprême du Canada vient de reconnaître que ses droits humains ont été bafoués. Certes, cela est grave. Cependant, le débat entourant ce jeune enfant soldat, présentement détenu et en attente de son procès pour meurtre d’un soldat américain, ne tient pas compte de certains éléments fort importants. En effet, ce n’est pas seulement le viol de sa liberté et de ses droits humains dont il devrait être question ici, mais plutôt de ses droits fondamentaux à l’enfance et de son intégrité psychologique qui ont été violés dès son plus jeune âge par un lavage de cerveau fait par son entourage. Cela est triste et odieux. Comme enfant, il avait le droit d’être un enfant, le droit de s’amuser, d’aller à l’école, de rêver de ce qu’il ferait plus tard quand il serait grand. À la place de cela, des adultes qui l’entouraient, qu’ils soient de sa famille ou des leaders religieux, ont consciemment violé son intégrité psychologique en le formant à devenir un soldat pour aller combattre et tuer l’ennemi. Le viol psychologique est, selon moi, aussi grave que le viol du corps.

Dans notre société, lorsqu’un viol physique d’un enfant, par l’un de ses parents, se fait et qu’il est dénoncé, le parent fautif est soumis aux lois criminelles et est condamné comme tel. De plus, le parent ou toute autre personne (frères, sœurs, cousins, etc.), qui ne fait rien alors qu’il assiste à ce viol ou qui sait que le viol se passe, est aussi reconnue comme complice de ce crime. Ce complice silencieux est condamné en conséquence.

Il devrait en être ainsi pour le viol de son intégrité psychologique. Ici, serait-on en mesure de penser que le lavage de cerveau et le conditionnement que certains faisaient vivre à Omar Khadr étaient connus de son entourage ? Est-ce que sa famille immédiate (ses mère, frère, oncle, cousin, etc.) était au courant de son enrôlement, par son père, dans un programme militaire dont le but était de tuer l’ennemi qui, cette fois-ci, était un Américain ? Qu’en aurait-il été s’il avait tué un soldat canadien ?

Dans l’affirmative, comment croire que sa mère, en particulier, ne savait pas que le mot « adieu », prononcé au départ de son enfant partant avec son père, prendrait tout son sens ? Tous ces gens qui savaient ce qui devait se produire et qui ont gardé le silence ne sont-ils pas aussi criminels et coupables que ceux qui se taisent lors d’un viol physique d’un enfant ?

Monsieur Harper, quand aurons-nous des lois qui criminaliseront cette complicité qui encourage des enfants à la haine avec, la plupart du temps, une bénédiction religieuse qui les endoctrine à devenir des enfants-martyrs ? Il faut que votre gouvernement sauve ces enfants avant qu’ils ne soient endoctrinés et non seulement lorsqu’ils ont commis l’irréparable. Quand commencerez-vous à mettre en prison les membres de l’entourage familial ou religieux qui endoctrinent des enfants à tuer, à haïr la société occidentale, à mépriser ses lois et ses doctrines sociales ? Comment allez-vous vous assurer que les religions, quelles qu’elles soient, ne bafouent pas les principes et les valeurs canadiennes dont notamment celle de l’égalité homme-femme ?

Je demeure convaincue que l’enfant Omar Khadr n’est pas le seul enfant, au Canada, dont l’enfance a été ainsi violée. En effet, il faudrait être bien naïf pour croire que d’autres viols de l’intégrité psychologique d’enfants ne se font pas au Québec ou ailleurs au Canada. Avez-vous vu autour de vous l’endoctrinement faire son œuvre sur des enfants âgés à peine de trois ou quatre ans et à qui certains apprennent à détester les êtres humains qui ont des valeurs contemporaines de paix, d’harmonie et de savoir-vivre ensemble ? Rassurez-moi, monsieur Harper, j’en ai bien besoin quand je vois qu’à quelques kilomètres de Trois-Rivières, un certain terroriste était prêt à commettre de viles choses parce qu’ils n’aimaient pas les valeurs que mon grand-père et mon père ont si bien défendues.

J’aurais aimé accueillir le petit Omar Khadr, mais je crois que nous ne pourrons le rapatrier tant et aussi longtemps que des lois ne criminaliseront pas l’entourage familial et ceux qui endoctrinent des enfants sous le couvert des religions. Il faut tout faire pour éviter que des enfants-soldats ne soient fabriqués « made in Canada », sinon, certains pourraient créer des armées de ces enfants-soldats, les plus jeunes possible, afin d’attirer la compassion et un capital de sympathie du public. Ces enfants-soldats seraient ensuite envoyés à l’étranger pour devenir des martyrs et si, par un malheureux hasard, ils survivaient après un attentat, il se trouverait des personnes complices de ces viols d’intégrité psychologique qui exigeraient que le Canada aille les chercher pour les juger selon des lois occidentales parce qu’elles sont plus généreuses. Ce qui est honteux, c’est que ces violeurs d’enfance bafouent, au nom de leur religion, nos lois canadiennes et québécoises. Le Canada doit porter une réflexion sérieuse sur la place de la religion dans l’État, dans les décisions des tribunaux et dans l’espace public. Dorénavant et pour toujours, il y a lieu de cesser d’accorder une suprématie aux divinités et il est urgent de réduire la portée de tous les accommodements à caractère religieux qui sont légion au Québec et au Canada.

Ainsi, le débat Omar Khadr, débat portant sur les droits de l’enfance et sur la protection de l’intégrité psychologique d’enfants-soldats, se doit d’être transporté le plus rapidement possible vers la rédaction de lois appliquant le code criminel afin de rendre passible de peines d’emprisonnement ou d’extradition des individus et des leaders religieux qui endoctrinent, au Canada, ces jeunes enfants. À défaut de cela, les démarches entreprises portant sur le respect des droits de l’enfant et de son intégrité psychologique ne resteront que de vaines tentatives visant à jeter de la poudre aux yeux à tous ceux et celles qui vous écoutent.

Je suis impatiente de vous lire, monsieur mon Premier ministre,

Louise Hubert

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 janvier 2010

Louise Hubert


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