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Écarter d’excellentes candidates en médecine ? Inadmissible !

24 février 2010

par Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico

Au moment d’envoyer la Gazette sous presse, nous apprenions le décès du mari de Christiane Pelchat, Serge Marcil. Le personnel ainsi que les membres du Conseil du statut de la femme sont de tout coeur avec la présidente et lui transmettent leurs condoléances les plus sincères.



Gazette des femmes,
En ligne.

Un débat sur la féminisation des facultés de médecine alimente l’actualité québécoise depuis un certain temps. D’ailleurs, le 2 décembre dernier, j’apprenais, à la lecture de l’article « Féminisation des facultés de médecine. Une perche tendue aux hommes », publié dans le journal Métro, que l’Université de Montréal envisageait de modifier ses critères de sélection dans le but de favoriser l’admission de candidats masculins à la faculté de médecine.

À mon sens, rien ne pourrait justifier que d’excellentes candidates féminines soient écartées des facultés de médecine au profit de candidats masculins moins performants sur le plan scolaire, sous prétexte que les étudiantes forment maintenant la majorité des personnes recrutées. Une discrimination positive à l’égard des hommes serait non fondée !

Selon ce qu’écrivait la journaliste du Métro, l’Université songerait à changer la pondération des critères de sélection pour la faculté de médecine en abaissant à 40% celui des résultats scolaires pour faire place à une lettre de motivation, appuyée par des répondants, comptant pour 10%. Le poids total accordé à l’entrevue de sélection demeurerait à 50%.

Toujours selon l’information rapportée dans cet article, ces nouvelles mesures de pondération accorderaient davantage d’importance à des éléments subjectifs au détriment des résultats scolaires. Avons-nous évalué les conséquences de cette manière de faire ? Souhaitons-nous vraiment mettre en doute l’objectivité de la cote R (cote de rendement au collégial), alors que, sur tout le territoire québécois, il s’agit de la méthode utilisée par les universités pour évaluer l’excellence du dossier scolaire ? Si cette cote perd du poids dans le calcul de la pondération, on peut se demander quelle assurance auraient les candidates et les candidats d’avoir été écartés selon des critères de sélection équitables et non faussés. Et, en cas de doute, sur quoi pourrait s’appuyer une demande d’appel de la décision rendue ?

Le thème de la féminisation de la médecine figurait également au calendrier d’un colloque étudiant, tenu à Montréal en janvier dernier, sous l’égide de l’Association médicale du Québec (AMQ). Réunis pour l’occasion, quelque 200 étudiants ont discuté de la question et échangé sur la possibilité d’imposer une limite au nombre d’admissions féminines dans les facultés de médecine. Selon les propos du président de l’AMQ, le Dr Jean-François Lajoie, lors d’une entrevue accordée le 18 janvier à Benoît Dutrizac (Dutrizac, l’après-midi sur les ondes de 98,5 FM, Montréal), si les quatre panélistes invités à débattre de la question étaient d’avis qu’il fallait tendre vers un meilleur équilibre entre les gars et les filles dans les facultés de médecine, il semble – heureusement ! – qu’ils étaient loin d’être convaincus de la pertinence de mettre en place des mesures de discrimination positive à l’endroit des hommes. Néanmoins, le débat reste ouvert.

La médecine étant un secteur d’études contingenté, il est nécessaire que la sélection des candidats s’appuie sur des critères objectifs et non discriminatoires, et sur un processus transparent. En outre, les médecins ayant la santé et la vie de leurs patients entre leurs mains, il est essentiel de nous préoccuper de recruter les meilleurs étudiants et étudiantes.

Le Conseil du statut de la femme ne peut faire abstraction des débats qui ont cours sur cette question. Sacrifier le critère d’excellence en invoquant la nécessité d’exercer une discrimination positive en faveur des candidats masculins serait une pratique non fondée, voire illégitime. Car contrairement aux jeunes femmes, aucun obstacle n’a jamais été mis sur la route des jeunes hommes qui voulaient s’orienter vers la médecine. De plus, les mesures de discrimination positive qui sont permises en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne lorsqu’un groupe est victime de discrimination systémique – ce qui n’est pas le cas ici – visent à favoriser l’engagement d’une personne appartenant à un groupe sous-représenté, à compétences égales. Jamais le Conseil n’a appuyé des mesures qui auraient favorisé l’embauche de femmes moins compétentes pour corriger la discrimination systémique dont elles sont victimes.

J’ai donc écrit à la chancelière de l’Université de Montréal, madame Louise Roy, pour lui faire part de mon indignation et l’informer que nous allions suivre ce dossier avec attention.

Car le Conseil ne saurait rester silencieux si une discrimination, à la même enseigne que celle présente au siècle dernier, devait s’insinuer à l’encontre des jeunes femmes dans le processus de sélection des futurs médecins.

 Mot de la présidente, Gazette des femmes, mars-avril 2010, Conseil du statut de la femme, Gouvernement du Québec.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 février 2010

Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico


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