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Feu « Verts » au proxénétisme !

11 mars 2010

par Grégoire Théry, pour le Mouvement du Nid

Est-ce en soutenant, une fois de plus, la mouvance libérale-proxénète et l’industrie du sexe que les Verts parisiens comptent célébrer la Journée internationale des droits des femmes ?



Clichy, 11 mars 2010

LETTRE OUVERTE

A l’attention de :
Cécile Duflot, Secrétaire nationale des Verts
Membres du Collège exécutif des Verts

Copie à :
Commission Féminisme-Femmes des Verts
CandidatEs d’Europe Ecologie aux Élections européennes ayant signé le Manifeste « Poser les bases d’une Europe sans prostitution »
Jacques Boutault, maire du 2ème arrondissement

Feu « Verts » au proxénétisme !

Est-ce en soutenant, une fois de plus, la mouvance libérale-proxénète et l’industrie du sexe que les Verts parisiens comptent célébrer la Journée internationale des droits des femmes ?

Madame la Secrétaire nationale des Verts,
Mesdames et Messieurs les membres du Collège exécutif des Verts,

Dans le cadre des initiatives organisées pour la célébration de la Journée internationale des droits des Femmes, Jacques Boutault, maire du 2e arrondissement, et Claire Grover, conseillère du 2e arrondissement et déléguée à la lutte contre les exclusions et à l’action sociale, tous deux membres des Verts, organisent un « débat » sans contradicteurs (1)...

Au programme, « prostitution, travailleurs du sexe et abolitionnistes ». Était-ce pour éviter de pénibles remises en cause ? Pour évoquer l’abolitionnisme, les organisateurs ont pris soin de ne pas inviter... d’abolitionnistes. Ou plutôt ils ont inscrit d’office l’Amicale du Nid qui est une association de terrain qui n’a jamais souhaité participer au débat public. In extremis, ils se sont sentis obligés de passer un appel téléphonique au Mouvement du Nid… le 10 mars pour un débat le 11 !

Les Verts peuvent-ils ignorer que 17 associations abolitionnistes et féministes (voir liste en fin de lettre) se sont jointes au Mouvement du Nid il y a moins d’un mois à l’Assemblée Nationale pour y présenter leurs analyses et recommandations ? (2) Peuvent-ils continuer à occulter le fait que plusieurs candidatEs d’Europe Ecologie aux élections européennes, dont deux têtes de liste ainsi que la responsable nationale de la Commission Femmes-Féminisme des Verts, ont signé le plaidoyer abolitionniste « Pour une Europe sans prostitution » (3) porté par le Mouvement du Nid et soutenu par 9 associations ?

Comment expliquer qu’en revanche, un prétendu « syndicat » de « travailleurs sexuels », bénéficiant du soutien direct et appuyé de plusieurs Verts parisiens, le « STRASS », soit complaisamment reçu par le maire ? Alors que les associations abolitionnistes et féministes défendent les personnes prostituées tout en luttant contre le système prostitutionnel, le STRASS défend le système prostitutionnel, les intérêts proxénètes et l’industrie du sexe, quitte à taire, et faire taire, les violences infligées aux personnes prostituées. Le STRASS réclame l’abrogation des lois de lutte contre le proxénétisme et défend les intérêts de l’industrie du sexe.

Quand le STRASS prétend « lutter contre le proxénétisme (4) », c’est qu’il est soucieux de soigner sa vitrine. Quand il assure promouvoir une « prostitution autogérée et choisie », c’est sans en dire plus, et pour cause, sur la manière dont un tel paradoxe pourrait être atteint. En réalité, le STRASS réclame, régulièrement et publiquement (5), l’abrogation des lois de lutte contre le proxénétisme.

Pas étonnant pour une association qui se place sous le patronage du « Manifeste des sex workers en Europe (6) », promu sur son site. Ce « manifeste » réclame, sans détour, l’abrogation des législations « qui criminalisent ceux et celles avec et pour qui nous travaillons, les organisateurs, organisatrices, et managers qui respectent de bonnes pratiques, nos clients et clientes et nos familles ». Autre soutien explicite au proxénétisme et à l’industrie du sexe, le manifeste précise : « Nous demandons à ce que les entreprises de travail sexuel soient réglementées par les normes standard des entreprises ». Il s’agit enfin de rappeler l’importance de défendre « le droit des clients (...) à acheter des services sexuels. »

Cette position est d’ailleurs fidèle à ce que Thierry Schaffauser, responsable de la
communication du STRASS, et Maîtresse Nikita (Jean-François), trésorier du STRASS, ont toujours défendu dans le cadre du collectif Les Putes : « Nous demandons donc l’abrogation de toutes les lois actuelles contre la prostitution et le proxénétisme et la simple application de nos droits humains » (7).

Le STRASS tait les violences du système prostitutionnel et préfère taxer de « putophobes »
les associations de soutien aux victimes, ainsi que les féministes et abolitionnistes qui osent s’attaquer au proxénétisme et au système prostitutionnel.

Défendre les droits des femmes, un 8 mars, en demandant l’impunité pour les proxénètes et des encouragements pour les « clients » prostitueurs, il fallait oser ! C’est un camouflet scandaleux infligé aux victimes du système prostitutionnel : des victimes auxquelles le STRASS aime volontiers demander de taire les violences qu’elles subissent, pour ne pas donner une image de "victime" ! Dans « Fière d’être une travailleuse du sexe (8) », les actuels responsable de la communication et trésorier du STRASS, Maîtresse Nikita (Jean-François) et Thierry Schaffauser (deux hommes !), n’hésitaient pas à conseiller aux femmes prostituées de taire la violence du système prostitutionnel afin de donner une bonne image de la communauté et de la profession : « Lorsque les médias nous demandent des témoignages sur notre vécu, il est plus intéressant de refuser de parler de ce que nous avons subi pour ne parler que de ce qu’on nous fait subir, et donc désigner les responsables de la putophobie : les abolitionnistes, la police, les gouvernements etc. »

Lorsqu’ils ne sont pas en train de prendre le parti des proxénètes, ou de défendre la respectabilité de l’industrie du sexe, le STRASS et ses partenaires mènent de véritables curées à l’encontre des féministes et abolitionnistes rebaptisés, au mépris de toute vraisemblance, "putophobes" et "réacs"...! En effet, pour le STRASS, Les Putes, le PASTT... toute personne ou association qui s’attaque au système prostitutionnel est putophobe !

Ainsi, après que Les Putes aient taxé de « criminelle putophobe (9) » Marie-Victoire Louis, chercheuse féministe réputée pour ses positions sur l’abolition du proxénétisme, après avoir demandé l’abolition pure et simple et la suppression des financements du Mouvement du Nid (10), association reconnue d’utilité publique et soutenant les personnes prostituées dans plus de 30 villes françaises, le STRASS s’est attaqué cette semaine à Christine Le Doaré (11), présidente du Centre LGBT de Paris – Ile de France, dont l’analyse féministe critique à l’égard de la mouvance pro-proxénète a, sans surprise, été qualifiée de « putophobe ».

Et les Verts dans tout ça : ardents défenseurs de cette double domination libérale et patriarcale qu’est le système prostitutionnel ou dépassés par une minorité de militants parisiens ?

À l’occasion des élections européennes, la liste Europe Écologie a signé la très abolitionniste Clause de l’européenne la plus favorisée, et bon nombre de candidat-e-s Verts ont paraphé notre Plaidoyer pour une Europe sans prostitution. Interviewée récemment dans la revue "Prostitution et Société", Jocelyne Le Boulicaut, co-responsable de la commission Féminisme des Verts expliquait récemment que la majorité des Verts défendait une position féministe et abolitionniste en matière de prostitution (12).

Pourtant lorsqu’on voit Anne Souyris, Conseillère régionale des Verts en Ile-de-France et membre du Collège exécutif des Verts, héberger le siège social du STRASS (13) à son adresse personnelle, Alima Boumediene-Thiery, Sénatrice des Verts, ouvrir les portes du Sénat au STRASS et à ses alliés à l’occasion des « assises de la prostitution 2010 (14) », Jacques Boutault, et Claire Grover tous deux membres des Verts, monter un débat sur mesure pour le STRASS, Camille Cabral, candidate des Verts aux législatives de 2002 soutenir le « Manifeste des sexworkers », on peut sincèrement se demander si c’est la mouvance libérale-proxénète qui infiltre les Verts ou si ce sont Les Verts (parisiens ?) qui défendent les intérêts de l’industrie du sexe au sein des associations parisiennes.

Nous demandons donc solennellement aux Verts et à Europe Écologie de faire connaître rapidement et publiquement leur position sur chacune des 10 recommandations suivantes soutenues à l’Assemblée Nationale par 17 associations féministes et abolitionnistes (15) :

  • Supprimer toute forme de répression à l’encontre des personnes prostituées, et notamment abroger le délit de racolage passif comme actif ;
  • Renforcer la politique française de répression envers toutes les formes de proxénétisme, en veillant notamment à l’application réelle des textes (niveau des peines, confiscation des biens du proxénétisme...) ;
  • Mettre en place des campagnes de dissuasion des clients prostitueurs, affirmant que l’achat d’un acte sexuel constitue une violence faite aux femmes ;
  • Exclure la sexualité du champ du marché en interdisant l’achat de tout acte sexuel ;
  • Mettre en place une véritable politique d’alternative à la prostitution afin de rendre effectif le droit de chacun-e à ne pas être prostitué-e ;
  • Octroyer un titre de séjour aux victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains sans condition de dénonciation dans le cadre d’un partenariat entre les personnes prostituées, les associations et les pouvoirs publics ;
  • Renforcer les moyens des services publics et des associations qui accompagnent les personnes prostituées désirant quitter l’enfermement prostitutionnel ;
  • Amender l’article 706-3 du code de procédure pénale afin d’inclure le proxénétisme dans la liste des crimes ouvrant droit à une indemnisation ;
  • Développer une politique de prévention de la prostitution, fondée sur l’égalité entre les filles et les garçons, une éducation à la sexualité sans tabous et respectueuse du désir de l’autre ;
  • Mettre en place un groupe de travail parlementaire, afin d’élaborer une loi-cadre ou tout autre instrument législatif approprié d’abolition du système prostitutionnel, incluant les mesures proposées ci-dessus.

    En vous remerciant de l’attention que vous porterez à ce courrier et dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame la Secrétaire Nationale, Mesdames et Messieurs les membres du Collège exécutif, l’expression de nos salutations distinguées.

    Pour le Comité National du Mouvement du Nid
    Grégoire Théry
    Secrétaire Général
    Mouvement du Nid
    Secrétariat National
    8 bis rue Dagobert - BP 63
    92114 Clichy Cedex
    tél : 01 42 70 92 40
    fax : 01 42 70 01 34
    Site du Mouvement du Nid
    Prostitution et société
    Pour une société sans prostitution

    17 associations co-porteuses du colloque du 11 février 2010 :
    Association Française des Femmes Diplômées des Universités (AFFDU) - Centre National
    d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CNIDFF) - Coalition Against Trafficking in Women (CATW Europe) - Collectif Féministe Rupture - Comité Permanent de Liaison des associations abolitionnistes (CPL) - Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF) - Coordination Française de la Marche Mondiale des Femmes - Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES, Québec) - Elu-es Contre les Violences Faites aux Femmes (ECVF) - Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) - Femmes Solidaires - Fondation Scelles - Le Cri - Mouvement du Nid - Mouvement Jeunes Femmes - Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées (Rajfire) - Regards de Femmes - SOS Sexisme

    Notes

    1. http://www.mairie02.paris.fr
    2. http://www.mouvementdunid.org/
    3. Plaidoyer signé notamment par Yannick Jadot, Jean-Paul Besset, Arlette Zilberg, Nicole Kiil Nielsen, Sylvain De Smet, Anny Poursinoff : voir
    http://ue.mouvementdunid.org/
    4. Voir la rubrique « À propos du Strass » sur http://www.strass-syndicat.org/
    5. Voir notamment le Communiqué de presse : Réouverture des maisons closes, mise au point sur la position du STRASS. « Cela inclut donc d’abroger les lois sur le racolage et le proxénétisme (...) » et la « Note » renvoyant au Manifeste des sexworkers de 2005 réclamant explicitement la dépénalisation du proxénétisme. http://site.strass-syndicat.org/
    6. Consultable dans la rubrique « documents » http://www.strass-syndicat.org/ et mentionné comme document de référence dans de nombreux communiqués de presse du STRASS.
    7. http://www.lesputes.org/
    8. http://www.lesputes.org/
    9. http://sisyphe.org/
    10. http://www.mouvementdunid.org/
    http://site.strass-syndicat.org/
    http://www.lesputes.org/
    11. http://blogs.tetu.com/
    http://site.strass-syndicat.org/
    12. http://www.prostitutionetsociete.fr/
    13. Voir l’article 5 des statuts du STRASS.
    14. Voir à cet égard la réaction d’Henriette Zouhebi, Conseillère régionale Ile de France dans l’Humanité
    Voir aussi l’invitation aux Assises par Alima Boumediene-Thiery sur le site de Sexwork Europe.
    15. http://www.mouvementdunid.org/

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 11 mars 2011.

    Grégoire Théry, pour le Mouvement du Nid

    P.S.

    Rouvrir les maisons closes serait « une régression énorme », Libération, le 18 mars 2010.




    Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3549 -