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Pour des accommodements respectueux de l’égalité entre les sexes et de la neutralité religieuse de l’État
Mémoire du Conseil du statut de la femme sur le projet de loi no 94

19 mai 2010

par le Conseil du statut de la femme du Québec

Québec, le 19 mai 2010 — Devant la Commission des institutions qui étudie le projet de loi no 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements, la présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Christiane Pelchat, s’est réjouie que ce projet de loi fasse en sorte que tout accommodement devra respecter l’égalité entre les sexes et la neutralité de l’État.

« Le projet de loi no 94 va dans le sens de la recommandation formulée par le Conseil dans son avis de 2007, Droit à l’égalité entre les femmes et les hommes et liberté religieuse. Pour la première fois, l’accommodement raisonnable est défini dans une loi qui servira d’éclairage aux tribunaux », a déclaré la présidente.

L’analyse menée par le Conseil montre bien que l’égalité des sexes est le droit qui est le plus susceptible d’être compromis quand des demandes d’accommodement au nom de la liberté de religion sont formulées, et ce, en raison du statut subordonné qui est réservé aux femmes dans les religions. Il est donc essentiel d’adopter des moyens concrets afin que ce droit soit pris en compte et respecté chaque fois que des demandes d’accommodement pour des motifs religieux sont examinées par les décideuses et les décideurs au sein de l’État.

Pour le Conseil, le projet de loi est fondamental puisqu’il introduit l’obligation pour les gestionnaires de vérifier qu’il n’y a pas atteinte à l’égalité entre les sexes et à la neutralité de l’État. Si les gestionnaires de la Régie de l’assurance maladie du Québec avaient été tenus de faire ce test, ils n’auraient pas pris les mêmes décisions. Même chose pour l’école Marguerite-De Lajemmerais. En plus de l’égalité entre les sexes, le projet de loi énonce qu’un accommodement doit aussi respecter le principe de la neutralité religieuse de l’État. Il précise que ce principe comprend, pour l’État, le devoir de ne pas favoriser ou défavoriser une religion ou une croyance particulière.

Outiller les employés de l’État

Pour le Conseil, la clé de la gestion harmonieuse des demandes d’accommodement, respectueuse des droits des femmes et des valeurs québécoises, réside dans l’adoption de balises claires et dans la façon dont elles seront mises en œuvre concrètement.

« Ce projet de loi constitue le socle d’une pyramide qui demande à être érigée au moyen de services d’accompagnement pour les dirigeantes et les dirigeants qui devront se doter de politiques internes. Il fournit un cadre général à l’intérieur duquel ils devront agir, et cela, sous l’égide de la ministre de la Justice. À notre avis, c’est la meilleure façon de gérer les demandes d’accommodement », a souligné la présidente.

Le Conseil juge par ailleurs essentiel que ces politiques et ces directives soient connues du personnel et des usagers. Éduquer, informer, la fonction pédagogique du projet de loi no 94 est fondamentale. La transparence des mesures en place contribuera à une meilleure connaissance des droits et des devoirs de chacune et de chacun, dans le respect des valeurs québécoises fondamentales, et à une plus grande tolérance vis-à-vis des différences culturelles et religieuses.

Ainsi, le Conseil propose d’ajouter 3 éléments à l’article 7 : l’obligation d’adopter des mesures, qu’elles soient rendues publiques, et cela, dans un délai fixé par la loi.

Débat sur la laïcité

Le projet de loi no 94 ne permet nullement de faire l’économie d’un débat de fond sur la laïcité au Québec. En effet, le projet de loi ne règle en rien le problème de la laïcité et l’importance pour le gouvernement de prendre position et action afin que le visage de l’État reflète ses valeurs communes. « Dans cette perspective, le Conseil fera connaître son opinion sur ces questions et déposera un avis au gouvernement d’ici les prochains mois », a conclu la présidente.

COMMENTAIRES ET SUGGESTIONS

Au regard du projet de loi no 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements, le Conseil du statut de la femme formule les suggestions et les commentaires suivants :

1. Ajouter à la fin de l’article 4 les mots « et de ne pas apparaître associé à une religion donnée ». Cette disposition se lirait ainsi comme suit :

Tout accommodement doit respecter la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q, chapitre C-12), notamment le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes et le principe de la neutralité religieuse de l’État, selon lequel l’État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière et de ne pas apparaître associé à une religion donnée.

2. Introduire trois éléments à l’article 7 : l’obligation d’adopter des mesures, qu’elles soient rendues publiques, et cela, dans un délai fixé par la loi. Un second paragraphe pourrait être ajouté et se lire ainsi :

À cette fin, elle est tenue d’adopter et de rendre publiques, en application de la présente loi, les directives internes, instructions, procédures ou méthodes nécessaires au traitement des demandes d’accommodement, et cela, dans un délai de X temps suivant sa sanction.

3. Enfin, le Conseil invite le gouvernement à tenir un débat de fond sur la laïcité et, subséquemment, à prendre position et action afin que le visage de l’État reflète les valeurs communes car, d’une part, le projet de loi ne statue nullement sur les limites de la laïcité au Québec et, d’autre part, il est silencieux quant à la possibilité de porter ou non tout autre signe religieux ; il propose seulement que la prestation de services publics se fasse à visage découvert.

 Source : Conseil du statut de la femme

Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 mai 2010

le Conseil du statut de la femme du Québec


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