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Les membres du Parti québécois doivent préserver l’héritage de René Lévesque

13 septembre 2010

par Mercédez Roberge, présidente du MDN

Lettre ouverte s’adressant aux membres du Parti québécois. Dans le cadre du processus menant à l’adoption du prochain programme du Parti québécois.



Aux membres du Parti québécois.

À compter du 11 septembre, débutera l’examen de la proposition principale qui vous a été soumise par la Conférence nationale des présidentes et présidents (CNPP) de votre parti. De vos congrès de circonscriptions jusqu’au congrès d’avril 2011, vous aurez participé à l’élaboration de votre nouveau programme. Alors que les raisons de se désintéresser de la politique abondent, et que les mœurs politiques sont de plus en plus critiquables et critiquées, un exercice comme celui auquel vous êtes conviés est porteur d’espoir. Malheureusement, l’examen du document qui vous est proposé nous fait retomber bien vite dans la morosité politique dont on cherche tant à sortir.

En 1969, soit pour le 2e programme, votre parti faisait figure de modèle en proposant de contribuer à l’amélioration de la démocratie en remplaçant l’actuel mode de scrutin par une formule proportionnelle. Engagement réitéré par le programme actuel, celui-ci indique toujours qu’il faut « instaurer un mode de scrutin fondé sur la formule proportionnelle compensatoire ». Pourtant, rien de tel ne se retrouve dans la proposition que vous débattrez. Le geste n’est pas banal, puisqu’il ferait officiellement basculer votre parti dans le camp des défenseurs du statu quo. Est-ce vraiment ce que les membres du Parti québécois souhaitent ?

Au chapitre de l’accès à la représentation, la proposition soumise représente aussi un recul puisqu’elle se limite à un timide « favorisera la participation des femmes à la vie politique », et est muette sur la question de la représentation de la diversité ethnoculturelle. Nous sommes bien loin du programme actuel s’engageant à « encourager par des mesures de soutien la participation de groupes traditionnellement sous-représentés dans la vie politique ».

Ces dernières années, le PQ s’était fait de plus en plus discret sur la question du mode de scrutin, et sur les mesures pouvant l’accompagner, reportant même la réforme après l’accession à la souveraineté. Cette année, plutôt que de respecter le programme que vous avez voté en 2005, les membres du caucus du PQ se sont croisé les bras alors qu’il était possible d’agir pour qu’un projet de loi proposant un mode de scrutin à finalité proportionnelle soit déposé avant juin 2010.

Et voilà que la direction du parti cautionne cet immobilisme en ajustant le programme en conséquence, sans égard pour les positions historiques de ses membres. Comment se fait-il que la volonté des membres du Parti québécois n’ait pas été respectée et que l’héritage démocratique de René Lévesque soit tout simplement gommé du projet d’avenir ? Les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, initiés par le Parti Québécois en 2002-2003, auraient pourtant pu amener le PQ à faire avancer le dossier, même en étant dans l’opposition.

L’année 2010 constitue déjà un recul important quant aux positions historiques de votre parti, mais le retrait de tout engagement à remplacer l’actuel mode de scrutin représente une étape jusqu’alors inégalée. Que le PLQ et l’ADQ n’aient pas fait mieux ne change rien au fait que le plus ancien porteur du flambeau est en train de remiser l’idée au vestiaire.

Déjà rejeté par nombre de pays qui l’avaient reçu, comme nous, de leur colonisateur britannique, cet instrument faussement démocratique sera remis en question en Grande-Bretagne. Les raisons, logiques et démocratiques, de remplacer le mode de scrutin actuel par un modèle permettant des résultats proportionnels, ne manquent pas (voir www.democratie-nouvelle.qc.ca/actions ). Mais ne voyez-vous pas une motivation supplémentaire à le faire avant de sembler suivre les pas du colonisateur d’antan ? Toute personne souhaitant que le Québec s’affranchisse de son passé de colonisé, devrait y voir une urgence.

Votre parti ne peut que tirer avantage d’un véritable respect de la volonté populaire. Des alliances avec d’autres partis souverainistes pourraient même vous amener à former un solide gouvernement de coalition, plutôt que d’être affaibli par un statut minoritaire. Les distorsions causées par le système électoral actuel affectant tous les partis, il n’y a que deux résultats possibles pour les prochaines élections générales : le PQ obtiendra soit une représentation supérieure, soit une représentation inférieure au pourcentage de votes qu’il aura reçu. L’issue d’un référendum ne pourrait qu’être affectée par la manière dont le pouvoir aura été obtenu au préalable. Comment imaginer atteindre la souveraineté si la population n’a pas vraiment voté pour le parti qui la défend ?

L’héritage laissé, particulièrement par messieurs René Lévesque et Robert Burns, et maintenu à bout de bras par monsieur Jean-Pierre Charbonneau, est en péril. Comme membres, il vous appartient de le préserver et de rectifier le tir pour que votre parti demeure le modèle démocratique que vous souhaitez qu’il soit.

Mercédez Roberge, présidente du Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN)

Mis en ligne sur Sisyphe, le 11 septembre 2010

Mercédez Roberge, présidente du MDN


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