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Les voix féministes : une nouvelle vague sur les ondes radiophoniques ?

27 septembre 2010

par Kristen Larocque, Directrice des Communications, Girls Action Foundation

Vous vous dites peut-être : « De la radio ! Vraiment ? Mais nous sommes en 2010 ! ». C’est vrai, et si vous faites une petite recherche en tappant « Émisson Radio Féministe, Canada », dans Google, vous serez surprises du très peu de résultats existants ! Pourtant, il y a plusieurs émissions de radio qui abordent par moment des sujets en lien avec le féminisme, mais ce n’est pas fréquent, et certainement pas assez répandu pour en voir les traces sur Internet. Éduquer les médias populaires et révolutionner leur contenu n’est pas une tâche facile, mais il existe cependant plusieurs façons de faire entendre les voix féministes. Heureusement, des co-ops médias, des radios communautaires et universitaires comblent le vide en allouant du temps d’antenne pour des émissions à contenu féministe. À travers notre Réseau national (1), nous avons rencontré des filles et des jeunes femmes qui utilisent la radio comme voie de transmission. Est-ce un mouvement qui prend de l’ampleur ?

Lors de la rencontre régionale de Vancouver (2) organisée par Filles d’action au printemps dernier, nous avons rencontré des membres du collectif The F Word Feminist Media Collective (3), un groupe non hiérarchique de femmes bénévoles qui ont en commun des principes et des pratiques féministes et de justice sociale. Les filles du collectif utilisent les blogues et leur émission de radio (la seule émission d’une heure au contenu entièrement féministe en Colombie Britannique !) pour explorer une variété d’aspects du féminisme à travers l’humour, la discussion et des entrevues. En diffusant leur émission au moyen de la Co-op radio de Vancouver, cela leur permet de « (s’) éloigner de la culture d’expert en accueillant une variété d’invitées et de femmes de la communauté... nous basons notre discours sur le vécu des filles et des femmes afin de porter un regard critique sur la façon dont nous créons et rapportons les médias, » affirme Leslie Wilkin, co-animatrice et co-productrice de The F Word.

Selon Leslie, il est important d’entendre des voix féministes sur les ondes radio pour « vraiment remettre en question ce qui se passe et affirmer que nous avons encore beaucoup de difficultés et encore du chemin à faire, mais aussi pour célébrer ce que les femmes ont fait, ce que les femmes font aujourd’hui et comment le féminisme se transforme dans sa troisième vague (4). Le discours féministe est devenu plus large et plus diversifié en ce qui concerne les identités qui se chevauchent, le racisme, l’identité homosexuelle, élargissant le dialogue sur le féminisme en s’éloignant de l’idée que nous sommes un mouvement homogène et que nous avons toutes les mêmes croyances...que nous sommes prises dans les années ’80. La radio est vraiment un bon espace pour diffuser ces messages. »

The F Word espère aussi inspirer des groupes de jeunes femmes à créer leur propre émission de radio dans leur communauté. « Les femmes et les filles sont encore très silencieuses et opprimées dans les médias. La radio est un moyen de se réapproprier cet espace. Ça peut vraiment renforcer notre pouvoir d’agir et contribuer au dialogue sur la justice sociale. »

Et quels sont ses conseils pour les filles et jeunes femmes qui veulent créer leur propre émission de radio ? « Allez-y ! Joignez-vous à des femmes qui partagent vos valeurs. Faites un projet en groupe afin de rendre l’expérience moins intimidante...s’il existe une radio co-op, communautaire ou universitaire dans votre région, ce sont de bons endroits pour proposer une émission d’une heure chaque mois, ou contactez une émission qui a une perspective féministe et demandez-leur s’ils peuvent vous allouer un segment de 10 minutes. Une autre option est de faire du podcasting, un médium fantastique. Téléchargez un programme tel qu’Audacity (5) et faites des essais en enregistrant votre voix. Connectez-vous à un réseau de podcast ou diffusez-les à travers votre page Facebook et Myspace. S’habituer et se sentir à l’aise d’entendre sa propre voix parler de ses croyances féministes est en soi très puissant. »

Fait intéressant, l’un des conseils de Leslie - d’avoir un segment de 10 minutes dans une émission féministe - a déjà été mis à profit à l’autre bout du pays. C’est de cette façon que 5 filles de 9 à 17 ans du Centre Filles du YWCA de Québec (6) ont réussi à animer, produire et gérer leur propre émission mensuelle d’une heure, Radio Centre Filles sur les ondes de leur radio communautaire locale.

En 2008, après un atelier dirigé par l’équipe dynamique du Magazine Authentik (7), les filles ont été inspirées à explorer différentes manières de créer leur propre média à travers un médium qui n’a pas traditionnellement beaucoup de présence féminine. Ayant choisi la radio, elles ont formé un « comité radio », dirigé par les filles et pour les filles, sous la supervision de Valérie Beaudoin, coordonnatrice du programme en leadership féminin au YWCA de Québec. Le comité a ainsi conçu un plan d’action incluant la vision globale de l’émission, le choix des sujets, la musique et la liste d’invitées.

Ayant eu vent de leur initiative, Monique Foley, animatrice de l’émission féministe « Mes amies de filles », sur les ondes de la radio communautaire de la Ville de Québec, a interviewé les filles pour ensuite les inviter à animer un court segment pendant son émission. Elle fut tellement impressionnée par le contenu, la discipline et les habiletés des filles qu’elle leur a allouées une heure complète chaque mois. L’impact de l’émission est phénoménal. Selon Valérie, les professeurs et les parents ont remarqué une augmentation de l’estime de soi chez les participantes, entre autre au niveau de leurs performances académiques. Ils ont remarqué que les filles se tenaient au courant des dernières nouvelles et événements, s’intéressaient aux impacts de telles ou telles nouvelles lois et proposaient un regard critique sur les commentaires et les comportements des vedettes.

Au sujet de l’importance d’entendre les voix des filles à la radio, Valérie croit que « nous devons partager l’histoire des femmes avec les filles. Si on ne veut pas reculer et on ne veut pas perdre les acquis, il faut absolument teinter notre discours de féminisme auprès des jeunes filles. » D’après elle, les filles d’aujourd’hui font face à des choses qui font peur et il est d’autant plus important pour elles de comprendre les idéaux féministes, d’en parler dans leurs mots, de réaliser qu’il y a encore beaucoup de travail à faire et de développer le respect de soi afin de pouvoir faire face à toutes formes de violence. Utiliser leurs propres mots pour parler du leadership féminin tel qu’elles le voient, basé sur leur vécu, peut démystifier le discours féministe et permettre aux rêves des autres filles de prendre forme. Il est aussi important pour les garçons d’entendre et de comprendre le monde, les peurs et les rêves des filles ».

Pour les filles qui souhaitent créer leur propre émission, Valérie suggère de visiter une station de radio locale. Selon elle, « il n’y a vraiment rien de mieux que de voir de ses propres yeux comment cela fonctionne. Peut-être que les filles ne vont pas accrocher mais peut être que oui. Et si oui, il faut foncer. Il faut y croire pour réaliser ses rêves. C’est aussi une question d’esprit et de travail d’équipe. Il est donc conseillé de partir un comité, trouver unE mentorE ou une animatrice qui peut vous épauler dans les démarches. Par la suite, il faut travailler fort, persévérer et ne jamais abandonner ». Radio Centre Filles souhaite maintenant joindre ses forces à d’autres émissions de radio réalisées par les filles à travers le pays. Elles invitent celles qui sont intéressées à lancer leur propre émission de radio de les contacter (8) pour du soutien et qui sait, pour collaborer ensemble.

Alors, y a-t-il un futur pour la radio féministe ? Si nous prenons en considération que l’université Simon Fraser en Colombie Britannique offre maintenant une cours intitulé "L’écriture pirate : Stratégies radiophoniques pour une conscience féministe", nous pouvons dire que l’avenir s’annonce positif et ce, avec ou sans l’aide des médias populaires. Soyons à l’affût des émissions à travers le pays qui donnent la parole aux filles et aux femmes de tous âges ; elles ont des questions à poser, des points de vue à divulguer et des opinions à partager.

L’émission "The F Word radio" est diffusée en direct chaque samedi de 8h à 9h, heure de l’ouest sur les ondes de Vancouver’s Co-op radio 102.7 FM (9). Vous pouvez également écouter les podcasts sur le site de Rabble (10). Visitez le site Internet afin d’en savoir plus sur sa programmation et le nouveau projet Youth Media Project. (11)

Radio Centre Filles est diffusé chaque deuxième mercredi du mois sur CKIA 88.3 FM (12), Radio Basse-Ville à Quebec et à 18h à l’émission "Mes amies de filles".

Jetez un coup d’oeil au zine de Filles d’action Cocktail Créatif (13) pour des conseils et des astuces sur les arts médiatiques. Inspiration garantie !

* La Fondation filles d’action est un organisme de bienfaisance national. Elle crée et soutient des programmes pour filles partout au Canada. Visitez son site et inscrivez-vous.

Notes

1. Réseau national.
2. Rencontres régionales.
3. The F Word Feminist Media Collective.
4. Troisième vague.
5. Audacity..
6. YWCA de Québec.
7. Magazine Authentik.
8. Courriel.
9. Vancouver’s Co-op Radio.
10. Rabble.ca
11. Youth Media Project.
12. CKIA 88.3 FM.
13. Cocktail Créatif.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 septembre 2010

Kristen Larocque, Directrice des Communications, Girls Action Foundation


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