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La lapidation, forme ultime du contrôle des femmes

27 septembre 2010

par Ana Pak, féministe laïque

Pendant longtemps, la lapidation m’a fait tellement horreur et elle m’effrayait au point que je n’osais m’arrêter pour savoir qui était lapidé, et pourquoi.

De loin, je soutenais des actions contre la lapidation, je signais des pétitions, sans vouloir comprendre son mécanisme de près.

Ce fut en 2008 avec la lapidation d’Esha, une enfant somalienne, que j’ai compris que cette chose était encore plus abominable que je ne pouvais l’imaginer ! Esha m’habitera toujours. Pour elle et pour toutes les petites filles qui risquent être lapidées, il faut exiger l’abolition de ce crime.

Alors, j’ai commencé à confronter de près la réalité de la lapidation. Au musée du Louvre, deux œuvres, dont une de Nicolas Poussin inspirée de la Bible, mettent en scène cette barbarie. Les deux tableaux montrent une jeune femme à terre et des hommes lui jetant des pierres. L’une gît par terre, seule, brisée, accroupie et déshumanisée, les hommes sont debout en meute déchaînée.

Qui la lapidation vise-t-elle d’abord ?

Depuis les années 80, le nombre des pays musulmans qui calquent leurs lois sur le modèle de l’Arabie Saoudite et s’empressent d’appliquer la charia dans leur code pénal est en augmentation. Il ne faut pas chercher longtemps pour s’apercevoir que la lapidation concerne à 99% des femmes. Dans ces pays majoritairement misogynes, les hommes s’appuient sur des lois religieuses archaïques afin de contrôler les femmes.

La première chose que font les intégristes en prenant le pouvoir dans un pays, c’est d’aller chercher une femme pour la punir et la lapider ! dit Ali Erishe. (1)

Souvenons-nous d’Amina, Nigérienne, accusée d’adultère et condamnée en 2003 à cette mort atroce parce qu’elle avait osé avoir un enfant hors du mariage ! (2)

Souvenons-nous de Muktar, 18 ans, condamnée par la justice tribale du Pakistan à un viol collectif, en 2004, uniquement parce que son frère de 12 ans avait été vu en compagnie d’une jeune fille qui appartenait à une caste plus élevée. Dans ce même pays, les femmes qui veulent choisir leurs relations amoureuses subissent les pires punitions !

Souvenons-nous de Doa, Kurde yézidie,lapidée en Irak en 2007 par des centaines d’hommes, dont ses frères. Elle était étudiante en art et accusée d’être amoureuse… Puis en 2008, la petite Somalienne, Esha, 13 ans, que j’ai mentionnée plus haut, accusée d’adultère, après avoir subie un triple viol. Elle avait osé porter plainte contre ses violeurs, la justice islamiste l’avait condamnée à mort par lapidation !(3)

Cette pratique gagne du terrain en Somalie, au Nigeria dans les États du Nord, au Soudan, en Afghanistan, au Yémen, aux Émirats Arabes Unis, voire au Kurdistan irakien, dans des populations non musulmanes : dans la communauté yézidi, une jeune fille a été lapidée récemment à la demande de son oncle car elle était coupable d’aimer un musulman !

Et aujourd’hui, avec Sakineh, en Iran, les cris de toutes ces femmes et fillettes lapidées arrivent aux oreilles du monde ! Tant que cette barbarie ne cessera pas, les cris de ces femmes doivent sortir de nos gorges et troubler le sommeil de leurs assassins !

La lapidation est la forme ultime de contrôle de la société sur la sexualité féminine et la liberté individuelle ! Ce contrôle commence au moment où la société voile les femmes et finit lorsqu’elle les massacre au moyen de pierres. (En latin, lapidation signifie massacrer). Combien de temps faudra-t-il pour que ces crimes soient extirpés des codes et des mœurs, non seulement en Iran, mais dans tous les pays où les hommes les ont imposés.

Et que pouvons-nous faire d’autre que vomir lorsque, plus près de nous, et il y a seulement quelques jours, le directeur du Centre islamique de Genève, le célèbre Hani Ramadan (frère de Tarik), a priori irrité par la mobilisation contre la peine de mort et surtout contre la lapidation de Sakineh, déclare : « La condamnation à la lapidation a un but dissuasif… » ! Ouf ! Tarik Ramadan n’a pas dénoncé publiquement la prise de position de son cher frère.

Le mécanisme

La femme ou l’homme adultère, c’est-à-dire coupable de relations sexuelles hors mariage, ce qui peut même être le cas d’un viol pour les femmes, est revêtu-e d’un linceul et enterrés-e dans un trou rempli de terre, l’homme jusqu’à la taille avec les bras dégagés, la femme jusqu’au-dessus des seins les bras attachés, et ils sont ensuite lapidés ! La femme ne pourra objectivement pas s’échapper, tandis que des hommes se sont parfois échappés, gagnant ainsi la liberté.

Ensuit, des hommes se précipitent pour jeter des pierres, car ce sont presque toujours des hommes qui lapident des femmes. Pas de trop grosses pierres. Car il ne faut pas tuer trop vite ! Il faut faire durer l’agonie, le supplice ! Et le supplice dure aussi longtemps que s’entendent les râles de la condamnée à mort. Les hommes retirent alors un linceul rougi qui contient une bouillie humaine faite de sang, de chairs, d’os et de matière cérébrale.

En Iran, depuis les années 2000, des féministes sont à l’origine d’une campagne contre la lapidation. Et récemment, en Afghanistan, des femmes ont lancé la campagne des « 50% ». Elles organisent des manifestations, recueillent des pétitions, et demandent aux femmes d’écrire des lettres au président Karzaï, pour en finir avec la lapidation, cette pratique et cette idéologie. On lit sur leur pancarte : « La loi oui, la régression non ! ».

Cet acte barbare, venu du fond obscur de l’histoire des hommes et pratiquée en tant que tradition, religion ou législation, ne vise en réalité que les femmes. Il faut continuer de faire des pressions jusqu’à ce qu’elles aboutissent à des lois internationales qui sanctionnent les pays ou les individus qui pratiquent cette barbarie patriarco-phallocentrique !

La peine de mort, quelle que soit sa forme, doit être abolie !

Septembre 2010

Notes

1. Néerlandaise d’origine somalienne et obligée de quitté l’Europe pour les USA, car l’on ne peut assurer sa sécurité !
2. L’Association Femmes Solidaires avait mené une importante action de soutien à cette époque.
3. Les cinquante hommes qui l’ont lapidée l’avaient déterrée trois fois pour s’assurer s’ils avaient enfin réussi à l’assassiner.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 septembre 2010

Ana Pak, féministe laïque


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