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Ouverte à la sexualité, mais contre la prostitution

29 octobre 2010

par Daniela Caruso

En réponse à l’article "Feminists split over judicial decision overturning some legal restraints on prostitution" ("Les féministes sont divisées au sujet du jugement abrogeant certaines contraintes juridiques concernant la prostitution"), Toronto Star, le 10 octobre 2010.



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En tant que féministe ouverte à la sexualité, je suis extrêmement déçue et attristée que le féminisme ait à ce point perdu sa voie.

Si un homme approche n’importe quelle femme en Ontario et lui demande : « Combien ? », nous n’avons pas le droit d’être offensée, car ce qu’il fait est non seulement parfaitement légal, mais a également l’approbation d’un grand nombre de soi-disant féministes. Les hommes sont encouragés à considérer les femmes comme des marchandises qu’ils peuvent louer. Comment des féministes ont-elles pu trahir les femmes de la sorte ?

Si prostituer les femmes, c’est comme n’importe quel autre travail, pourquoi la grande majorité des femmes prostituées ont-elles, dans une proportion allant de 65 à 90 pour cent, survécu à un inceste ou à d’autres abus sexuels dans l’enfance avant d’entrer dans l’industrie ? (1) Mon emploi de bureau actuel ne comprend pas l’accès à trois « boutons de panique » pour appeler à l’aide, comme le font certaines maisons closes.

Si la prostitution est uniquement une forme saine d’expression personnelle pour les femmes, pourquoi des chercheures ont-elles constaté que 2 femmes sur 3 dans l’industrie du sexe vivaient un syndrome de stress post-traumatique ? (2)

Comme l’a dit avec éloquence une Canadienne ayant déjà été prostituée, il est absurde de laisser une minorité de femmes en prostitution tenir un discours de « libre choix » aux dépens de la majorité des femmes qui se trouvent là, piégées dans un cercle vicieux d’oppression, de négligence, de sévices et de traites des personnes. (3)

La pédophilie et le meurtre ont toujours existé eux aussi. Devrions-nous simplement les dépénaliser puisque nous savons qu’ils vont se produire de toute façon ?

Les prostituées sacrées de l’ancienne Mésopotamie n’étaient pas des objets sexuels déshumanisés. Les femmes et les hommes y vivaient un rite sexuel qu’ils considéraient comme sacré et mystérieux - il en était de leur devoir sacré envers la déesse. (4)

Le sentiment qu’ont les hommes de leur droit à acheter le corps des femmes pour leur plaisir sexuel est un symptôme d’une société qui considère les femmes comme une marchandise à louer. Dépénalisons la ressource (principalement constituée de femmes) et pénalisons la demande (principalement issue d’hommes) afin d’aider les femmes les plus en difficulté et marginalisées à quitter ce « travail » déshumanisant, et d’enfin pouvoir faire rendre des comptes aux hommes qui créent cette demande.

Cette approche, qualifiée de modèle nordique ou suédois, a réussi à réduire dans ce pays l’incidence de la traite des êtres humains ainsi que la criminalité organisée.

Daniela Caruso, North York

 Publiée dans The Toronto Star, le 11 octobre 2010, dans la section Opinions/Letters, sous le titre de "Feminism loses its way on prostitution".

1. Lien.
2. Ariel Levy, Female Chauvinist Pigs : Women & the Rise of Raunch Culture, p. 181. Aussi.
3. Voir site.
4. Merlin Stone, « Quand Dieu était femme », Prologue, 1984, Montréal, et lien.
5. “Prostitution Ban Huge Success in Sweden”.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 29 octobre 2010

Daniela Caruso


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