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Décriminaliser totalement la prostitution sape le travail pour l’égalité des sexes - Exigeons le changement

4 novembre 2010

par Rebecca Mott, survivante et écrivaine

On trouvera ci-dessous des faits sur la prostitution issus d’un tract préparé par la campagne « Exigeons le changement ! », lancée par le groupe de revendication du droit au logement Object and Eaves Housing, à Londres.

Lentement et très soigneusement, je commence à mettre en place une section d’« Exigeons le changement ! », ici, dans la région de Manchester.

J’ai besoin de faire davantage contre les pressions pour placer la prostitution à l’intérieur sous prétexte de minimiser la violence et la dégradation.

J’ai besoin d’être avec des gens qui partagent cette priorité et qui veulent de vrais changements pour les femmes et les filles prostituées.

J’en ai besoin pour ma douleur : la frustration et la rage me rendent malade.

Je ne supporte pas de rester inactive alors que des femmes et des filles sont violées, torturées, mentalement maltraitées et assassinées.

Si ce projet vous intéresse, contactez-moi s’il-vous-plaît (voir à la fin de cette page).

FAIT 1 : La prostitution n’est pas une question de « choix » - la plupart des femmes entrent en prostitution en raison de leur manque de choix et beaucoup sont contraintes par des proxénètes ou des trafiquants.

75% des femmes en prostitution y sont entrées avant d’être majeures (Melrose, 2002) ; 70% d’entre elles ont passé du temps en établissements de jeunes et 45% déclarent avoir subi des violences sexuelles pendant leur enfance (Home Office, 2006). Arrivées en prostitution, 9 des 10 femmes interrogées souhaitent la quitter, mais se sentent incapables de le faire (Farley et al., 2003).

Ce sont les hommes acheteurs de sexe qui exercent le libre choix, et c’est ce « choix » d’acheter des femmes et des filles vulnérables qui accroît le marché de la prostitution et nourrit la traite des personnes aux fins d’exploitation sexuelle.

Fait 2 : La prostitution n’est pas une question de sexe mais d’exploitation, de violence et de maltraitance.

Plus de la moitié des femmes en prostitution au Royaume-Uni ont été violées ou ont subi de graves agressions sexuelles de la part des proxénètes et des prostitueurs (« clients »). On estime que jusqu’à 95% des femmes en prostitution de rue ont des problèmes de toxicomanie (Home Office 2004), et 68% des femmes en prostitution répondent aux critères d’un stress post-traumatique du même ordre que les victimes de torture vues en traitement (Farley et al., 2003.)

« Je “gelais” mes émotions ... En fait, je quittais mon corps pour aller ailleurs avec mes pensées et mes sentiments jusqu’à ce qu’il débarque de sur moi et que ce soit terminé. Je ne sais pas comment l’expliquer, sauf que je ressentais cela comme un viol. C’était un viol pour moi. » (Survivante de la prostitution, dans Farley, 2003)

FAIT 3 : La prostitution est nuisible en soi : la légalisation ou la décriminalisation complète de l’ensemble de l’industrie ne supprime pas le tort créé par la prostitution – elle rend simplement ce tort légal.

La légalisation ou la décriminalisation complète de l’industrie ne résout pas les séquelles psychologiques et physiques à long terme qu’entraînent des relations sexuelles non désirées et souvent violentes et maltraitantes plusieurs fois par jour et l’obligation d’agir comme si vous aimiez cela. Pour résister à cela, les femmes en prostitution disent devoir se dissocier mentalement, vivre une “scission” mentale de ces situations, souvent en utilisant des drogues et de l’alcool pour occulter la réalité.

La légalisation ou décriminalisation complète de l’industrie n’assure pas plus de sécurité aux femmes. Au contraire, elle favorise le développement d’une industrie multimilliardaire qui tire profit d’une violence exercée contre les femmes et les filles vulnérables.

FAIT 4 : La prostitution n’a pas besoin d’être légalisée ou décriminalisée totalement pour fournir une meilleure protection pour les femmes.

Une attitude de sympathie de la part de la police devrait être la norme pour toutes les femmes qui portent plainte pour viol ou pour violence indépendamment de qui elles sont ou ce qu’elles font dans la vie. Il n’est pas nécessaire de légaliser l’industrie du sexe pour étendre aux femmes en prostitution des droits et des services aussi fondamentaux. En fait, la légalisation sert seulement à l’expansion d’une industrie dans laquelle la violence contre les femmes est à son stade le plus extrême.

FAIT 5 : Il est largement admis que les personnes qui se vendent ou qui sont vendues pour un usage sexuel devrait être complètement dépénalisées.

Il est complètement immoral de pénaliser les personnes utilisées par l’industrie du sexe pour l’exploitation à laquelle ces personnes sont confrontées. Cela signifie qu’il faut effacer tous les casiers judiciaires et ordonnances restrictives dues au fait d’avoir été engagées dans la prostitution. « Exigeons le changement ! » appelle à une pénalisation de l’achat d’actes sexuels pour contrer la demande de prostitution qui accroît l’emprise de l’industrie en attirant plus de femmes et d’enfants en prostitution et en attisant la traite aux fins d’exploitation sexuelle.

FAIT 6 : Traiter la prostitution comme un travail ordinaire ne supprime pas la stigmatisation.

Normaliser la prostitution rend invisibles la maltraitance, la violence et l’exploitation et transforme les proxénètes et les prostitueurs en hommes d’affaires et en consommateurs légitimes. Le fait de légitimer la prostitution comme « simple travail » ne tient pas compte de la violence, de la pauvreté et de la marginalisation, qui poussent les femmes à la prostitution, et signifie la fin de tous services de soutien pour aider des femmes à quitter la prostitution - pourquoi aurait-on besoin de stratégies de sortie d’un emploi “normal” ?

FAIT 7 : Légaliser la prostitution à l’intérieur ne crée pas plus de sécurité pour les femmes.

Peu importe où la prostitution a lieu, les risques de préjudices graves sont toujours présents. Le British Medical Journal signalait en 2001 que 48% des femmes prostituées à l’intérieur ont subi des violences de la part des acheteurs de sexe. En plus de la violence physique, les femmes prostituées à l’intérieur signalent des niveaux élevés de coercition et de contrôle de la part des proxénètes et des propriétaires de bordels, notamment sous forme de pressions ou d’ordres de ne pas utiliser de préservatifs, de recevoir plus de clients que les femmes prostituées dans la rue, de payer des frais gonflés et des amendes, et de devoir vivre des relations sexuelles avec les proxénètes ou les propriétaires, ou leurs amis. Voici ce qu’en disent les parents de Marnie Frey, une jeune femme en situation de prostitution assassinée (à Vancouver) :

    « Croire que le mieux que nous pouvons faire pour ces femmes est de leur donner un endroit sûr où vendre leur corps est une blague. Il n’y a rien de tel qu’un “endroit propre et sûr” où être maltraitée. Il est débile pour un homme de penser qu’il est en droit d’acheter le corps d’une femme ... Marnie n’a pas choisi la prostitution ; ce dont ses toxicomanies qui l’ont fait, et tout homme qui a acheté son corps pour une gratification sexuelle devrait être emprisonné pour avoir exploité son désespoir. "(Lynn & Rick Frey, 2008).

FAIT 8 : Légaliser la prostitution ou dépénaliser l’ensemble de cette industrie adresse aux nouvelles générations de garçons et d’hommes le message que les femmes sont des objets à usage sexuel et que la prostitution est un plaisir inoffensif.

Est-ce ce que nous voulons ? Que des générations de garçons grandissent en pensant que c’est normal que les hommes aient des droits sur les femmes considérées marchandises sexuelles ? Quel est le sens de nos efforts pour combattre le harcèlement sexuel et la violence des hommes à domicile, au travail et dans les rues si les hommes peuvent acheter le droit de commettre ces mêmes actes contre les femmes et les enfants dans la prostitution ?

La légalisation ou la décriminalisation de l’ensemble de l’industrie de la prostitution normalise une forme extrême de subordination sexuelle, elle légitime l’existence d’une sous-classe des femmes, elle renforce la domination masculine, et sape les luttes pour l’égalité entre les sexes. Il est temps de commencer à contrer les attitudes qui disent qu’il est acceptable de voir et de traiter les femmes comme des objets sexuels, en s’attaquant à la demande d’exploitation sexuelle commerciale.

FAIT 9 : Légaliser ou décriminaliser toute l’industrie développe la prostitution et la traite aux fins d’exploitation sexuelle.

La légalisation et la décriminalisation complète donnent le feu vert aux proxénètes et aux trafiquants en facilitant leurs activités. En Nouvelle-Zélande, la décriminalisation complète a conduit à une expansion du secteur illégal qui occupe aujourd’hui 80% de l’industrie (Instone et Margerison, 2007). Pour le maire d’Amsterdam, « il est impossible de créer une zone sécuritaire et contrôlable pour les femmes qui ne soit pas vulnérable aux attaques du crime organisé » (Bindel et Kelly, 2004).

FAIT 10 : S’attaquer à la demande de prostitution fait diminuer la prostitution et la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

Pénaliser l’achat de sexe tout en dépénalisant les personnes qui vendent des actes sexuels et en offrant des services de soutien aux personnes en prostitution est la seule façon viable de travailler à mettre fin à cette industrie d’exploitation.

Criminaliser l’achat d’actes sexuels force les prostitueurs à assumer la responsabilité de leurs actes et émet un message clair à l’effet qu’il est inacceptable de traiter les femmes comme des marchandises à acheter et de les vendre pour utilisation sexuelle.

Plusieurs pays à travers le monde, y compris la Suède, la Norvège, l’Islande, la Lituanie, la Corée du Sud et le Cambodge ont introduit avec succès des lois qui s’en prennent à la demande d’actes sexuels. En Suède, où cette loi est en vigueur depuis 1999, on a observé une réduction significative de la traite et de la prostitution, avec une pause dans le recrutement de nouvelles femmes (Baklinski, 2007). La Suède n’est plus une destination attrayante pour les trafiquants, et le nombre d’hommes qui achètent des services sexuels a beaucoup diminué – il est clair que la loi a un effet dissuasif (Ekberg, 2008).

Vous souhaitez vous engager dans le travail de sensibilisation à la réalité de la prostitution comme exploitation et d’exhortation du gouvernement à adopter le modèle « nordique » pour freiner la demande ?

Rendez vous sur notre page GET INVOLVED (Engagez-vous)

Téléchargez notre Fiche d’information PROSTITUTION : RÉALITÉ OU FICTION en format pdf.

Références

. Baklinski, Thaddeus (2007), "Swedish Prostitution Ban An Apparent Enormous Success".
. Bindel, Julie and Kelly, Liz (2004), A Critical Examination of Responses to Prostitution in Four Countries : Victoria-Australia, Ireland, The Netherlands, Sweden. Child and Woman Abuse Studies Unit, London Metropolitan University.
. Ekberg, Gunilla (2008), “Summary of Speech given at a conference organised by the Coalition Against Trafficking in Women Asia-Pacific” (CATW AP), April 25 2008, Manila, the Philippines.
. Farley, M. (2003). "Prostitution and Trafficking in Nine Countries : An Update on Violence and Posttraumatic Stress Disorder. Journal of Trauma Practice", Vol. 2, No. 3/4, 2003, pp.33-74.
. Frey, Lynne and Rick Frey (2008), "Not in My Daughter’s Name". Philadelphia : The Haworth Press Inc.
. Home Office (2006), "A coordinated prostitution strategy and a summary of responses to ‘Paying the price’ ". London : UK Government.
. Home Office (2004), "Solutions and strategies : Drug problems and street sex markets". London : UK Government.
. Inston, Tighe and Margerison, Ruth (2007), "Shadow Report for the CEDAW Committee on New Zealand”, Coalition Against Trafficking in Women New Zealand (CATW NZ)
. Melrose, M. (2002), "Ties that bind – Young People and the Prostitution Labour Market in Britain", presented at Fourth Feminist Research Conference, Bologna : September 2000.
. Ramsay, R. et al (1993). "Psychiatric Morbidity in Survivors of Organized State Violence Including Torture". 162:55-59, British Journal of Psychiatry.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 29 octobre 2010

Rebecca Mott, survivante et écrivaine


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