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Lettre aux député-es de la Chambre des Communes et au ministre fédéral de la Justice
Pour la protection des personnes prostituées : pénaliser "clients" et proxénètes
Lettre à signer

18 mars 2011

par Sisyphe

À la fin de septembre 2010, un jugement de la Cour supérieure de l’Ontario a déclaré inconstitutionnelles les lois canadiennes concernant la prostitution en affirmant qu’elles sont la cause de la violence à l’égard des personnes prostituées. (Lire cette analyse de la décision que propose une juge). La juge Himel a donc adopté le point de vue de l’industrie du sexe. À toutes fins utiles, ce jugement veut légaliser la prostitution et le proxénétisme. Le ministre canadien de la Justice, l’Honorable Rob Nicholson, a décidé de porter cette décision en appel et il a jusqu’au 29 avril 2011 pour le faire. Quel que soit le résultat de cet appel, ce jugement se rendra sans doute devant la Cour suprême du Canada, et alors, la décision sans appel du plus haut tribunal du pays touchera les populations de toutes les provinces.

Les tribunaux invoquent volontiers des consensus, présumés ou réels, pour justifier leurs décisions, parfois ils interprètent le silence comme un acquiescement. Or, il n’y a pas de consensus sur le jugement Himel, et il faut le faire savoir clairement, publiquement et en grand nombre. Les personnes prostituées ne seront pas mieux protégées quand les proxénètes seront libres d’organiser leur "mise en marché" et les "clients" prostitueurs d’accroître leur demande pour cette forme extrême d’exploitation sexuelle. Les député-es de la Chambre des communes ont le pouvoir de prendre des décisions au nom de la population. Ils peuvent faire pression sur le gouvernement afin qu’il modifie le Code criminel de manière à protéger véritablement les personnes prostituées. Pour assurer cette protection, il faut dépénaliser les personnes prostituées, pénaliser les agents de cette exploitation, c’est-à-dire les "clients" prostitueurs, et renforcer les mesures contre les proxénètes. Il est inacceptable que les victimes d’exploitation dans la prostitution soient poursuivies et tout autant que ceux qui les exploitent agissent en toute impunité. C’est comme si l’on poursuivait des femmes violées et on laissait leurs agresseurs agir à leur guise.

Voici ci-dessous et en fichier word téléchargeable une lettre que vous pouvez expédier par la poste ou par courriel à votre député-e et au ministre fédéral de la Justice.

Lettre aux députés
sur la prostitution

Pour trouver les nom et coordonnées de votre député-e, allez à cette adresse et inscrivez simplement votre code postal dans la fenêtre à cet usage : http://3.ly/Y7ZX. L’adresse postale : Chambre des Communes, Ottawa K1A 0A6.

L’adresse courriel du ministre de la Justice, Robert Douglas Nicholson, est webadmin@justice.gc.ca.

L’Honorable Robert Douglas Nicholson
Ministre de la Justice et Procureur général du Canada
Édifice commémoratif de l’Est
284, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
Canada K1A 0H8

Il n’est pas nécessaire d’affranchir les lettres adressées aux membres du Parlement du Canada.

Vous pouvez aussi signer en ligne (voir la manière de procéder plus bas en rouge) la lettre ci-dessous et nous expédierons l’ensemble des signatures au ministre de la Justice, ainsi qu’à tous les chefs de partis au Parlement d’Ottawa, le 5 avril 2011. On peut transmettre cette lettre, en l’adaptant selon ses besoins, à nos connaissances et ami-es, les invitant à l’expédier à leur député-e et à l’afficher sur leurs sites et sur leur page Facebook, ou à y afficher un lien vers cette url (http://sisyphe.org/spip.php?article3738).

 Écrire à Sisyphe.


Lettre aux député-es de la Chambre des Communes et au ministre canadien de la Justice

"Décriminalisez les personnes prostituées et criminalisez ceux qui les exploitent ("clients" et proxénètes)"

L’Honorable Robert Douglas Nicholson
Ministre de la Justice et Procureur général du Canada
Édifice commémoratif de l’Est
284, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
Canada K1A 0H8

Monsieur le ministre (ou Madame la députée ou
Monsieur le député),

Je veux exprimer mon désaccord concernant la décision de la juge Himel de la Cour supérieure de l’Ontario d’abolir les lois actuelles sur la prostitution qu’elle considère anticonstitutionnelles. Cette décision revient à légaliser complètement la prostitution, une forme de violence et d’exploitation sexuelle extrême, et à décriminaliser le proxénétisme en faisant de la vente du sexe un commerce comme un autre. Je vous demande, Monsieur le ministre de la Justice (Monsieur le député ou Madame la députée), de contester cette décision et de modifier le Code criminel de manière à protéger véritablement les personnes prostituées, à les aider à quitter cette condition et à poursuivre ceux qui les exploitent, "clients" prostitueurs et proxénètes.

Je considère que la prostitution n’est ni un métier ni un choix, elle témoigne plutôt de l’absence de choix. Elle est un système d’exploitation sexuelle extrême qui va à l’encontre de l’égalité des sexes et de l’intégrité de la personne humaine. Le sexe n’est pas un produit de consommation qu’il faut soumettre aux lois du marché, il est une composante des relations humaines qui se fondent sur l’égalité, le respect, la dignité et l’intégrité des partenaires. C’est la prostitution elle-même qui fait violence aux personnes prostituées, ce sont les "clients" prostitueurs et les proxénètes qui en sont les agents. Si l’on veut protéger les personnes prostituées, il faut donc créer les conditions favorables à l’élimination de cette forme de violence et non proposer des accommodements qui tendent à la normaliser. "Réduire les méfaits" de la prostitution ne suffit pas, la prostitution est elle-même un méfait qui met en danger la sécurité des femmes et des enfants et l’égalité des femmes et des hommes.

La légalisation de la prostitution et du proxénétisme, comme le propose le jugement Himel, ne protègera pas davantage les femmes, les adolescentes et les enfants de cette industrie dominée par le crime organisé. D’autres pays en ont fait l’expérience. La création de bordels rendra les femmes prostituées davantage prisonnières de la violence des proxénètes et des "clients" prostitueurs. Ces derniers verront légitimée leur prétention à détenir tous les droits du moment qu’ils paient et à fixer les règles de l’exploitation, qu’elle se pratique dans des bordels ou ailleurs. En plus de protéger ces exploiteurs, le fait de légaliser la prostitution légitimerait l’achat de sexe et accroîtrait la demande, qui est à l’origine du système de la prostitution. L’ensemble des femmes, des adolescent-es et des enfants, en particulier ceux des milieux plus fragiles sur le plan socio-économique, seront plus vulnérables à l’exploitation. La légalisation de la prostitution accroîtrait aussi le trafic sexuel qui exploite déjà les femmes et les enfants des sociétés les plus pauvres du monde. Les pays qui ont légalisé ou décriminalisé la prostitution (Nouvelle-Zélande, Australie, Pays-Bas, etc.) ont vu croître l’acceptation de l’exploitation sexuelle comme phénomène "normal", ainsi que la traite des êtres humains, l’apparition de bordels illégaux et l’activité du crime organisé. Est-ce cela que vous voulez pour le Canada, Monsieur le ministre, Madame la députée, Monsieur le député ?

Je m’attends plutôt à ce que vous interveniez dans ce dossier crucial en défendant l’égalité des sexes, ainsi que la sécurité et l’intégrité des personnes. Je vous demande, membres du Parlement du Canada, de suivre l’exemple de pays comme la Suède, la Norvège, l’Islande et autres, qui ont vu une réduction de la prostitution à la suite de la pénalisation des "clients" prostitueurs, de décriminaliser les femmes prostituées et d’offrir à ces dernières diverses mesures sociales. Vous avez le pouvoir, si vous le voulez, de protéger les femmes et les jeunes vulnérables face à la prostitution, d’aider ceux et celles qui veulent quitter cette condition, en modifiant en ce sens le Code criminel. Il est inacceptable que les victimes de ce système d’exploitation sexuelle soient poursuivies alors que ceux qui tirent profit de cette exploitation agissent en toute impunité. C’est comme si l’on poursuivait les femmes violées et laissaient leurs agresseurs libres de se comporter comme ils l’entendent.

Tout en responsabilisant les hommes prostitueurs et les proxénètes par mesures légales, le gouvernement canadien pourrait lancer une campagne nationale d’information et d’éducation sur les causes et les conséquences de la prostitution et de la traite des personnes à des fins sexuelles. À l’exemple de la Suède, le gouvernement pourrait en outre offrir de l’aide aux hommes prostitueurs qui éprouvent des difficultés à rompre avec ce mode de comportement, puisque les "clients" prostitueurs sont le chaînon principal du système prostitutionnel. Il importe de bien faire comprendre à la population, et en particulier aux prostitueurs et aux proxénètes, que le Canada ne tolère aucune forme d’exploitation sexuelle, encore moins les formes extrêmes que sont la prostitution et le trafic des personnes. Cela suppose que vous preniez position fermement contre l’exigence masculine d’un accès sexuel monnayé au corps des femmes et des jeunes, exigence qui sous-tend la tolérance actuelle à l’égard du système prostitutionnel.

Je vous rappelle, Monsieur le ministre, Madame la députée, Monsieur le député, que la majorité des personnes aujourd’hui prostituées adultes ont connu leurs premières expériences de prostitution vers l’âge de 13 ans et même plus jeunes. De plus, plusieurs études indiquent que la demande des prostitueurs pour l’achat de rapports sexuels avec des adolescent-es et même des enfants de plus en plus jeunes augmente sans cesse, et cette tendance fait croître aussi la traite des personnes à des fins sexuelles à l’échelle internationale. C’est donc pour la protection et l’avenir tant des jeunes que des femmes prostituées adultes, de toutes les femmes et de l’ensemble de la société que nous vous demandons de criminaliser l’achat d’actes sexuels. Nous rappelons que le gouvernement du Canada a signé des conventions internationales contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes, l’exploitation sexuelle comprise. Il serait temps qu’il les respecte.

J’espère, Monsieur le ministre, Madame la députée, Monsieur le député, recevoir une réponse à cette lettre.

 Écrire prénom, nom, signature et adresse pour expédition par la poste ou par courriel.

 Pour télécharger cette lettre et l’imprimer, cliquez sur le fichier word ci-dessous.

Lettre aux députés
sur la prostitution

 Pour signer en ligne dans cette page

Complétez le petit formulaire à gauche en bas de cette page en indiquant sur la première ligne, à la suite de vos prénom et nom (pas d’initiales), votre profession (ou nom de votre groupe), la ville de résidence et la province du Canada. (Exemple : Micheline Carrier, éditrice, Montréal, Qc). NOTA BENE : l’adresse courriel n’apparaîtra pas dans la page et vous recevrez un message automatique demandant de confirmer votre signature avant qu’elle ne soit publiée dans cette page. Nous nous verrons dans l’obligation de supprimer toute signature non conforme (par exemple, celles ne contenant qu’un prénom ou un nom). Merci de ne pas indiquer l’url de sites web (même si le formulaire intégré au site le suggère). Nous transmettrons ces signatures au ministre de la Justice du Canada et à tous les chefs de partis à la Chambre des Communes.


Pour s’informer

 Dans le menu de gauche, on peut lire plusieurs articles sur le jugement Himel. On peut lire aussi dans une autre rubrique l’article de Richard Poulin intitulé « La légalisation de la prostitution et ses effets sur la traite des femmes et des enfants », qui anticipait en quelque sorte une telle décision judiciaire.

Événements

 La CLES présente le 24 janvier à l’UQAM un panel sur les conséquences du jugement Himel. La CLES organise aussi un tribunal populaire sur l’exploitation sexuelle commerciale, du 18 au 20 mars 2011.

Lectures

 "S’unir contre la banalisation de la prostitution - Un défi pour la décennie",
par Johanne Jutras
 "Mes craintes face aux pressions pour dissimuler la prostitution derrière des portes closes", par Rebecca Mott, écrivaine. L’auteure a été dans la prostitution dès l’âge de 14 ans jusqu’à 27 ans. Elle parle en connaissance de cause.
 "Mary-Lou et Bernadette", par Pierre Foglia, La Presse
 "La prostitution menace le patrimoine humain", par Wassyla Tamzali, avocate et directrice du Collectif Maghreb Égalité
 "Moi, si j’étais un homme" (article sur les prostitueurs).
 "Dix raisons de ne pas légaliser la prostitution", par Janice G. Raymond
 Des témoignages de femmes prostituées.

 De nombreux articles dans cette rubrique et ses sous-rubriques.

(English version here).

Mis en ligne sur Sisyphe, le 4 janvier 2011

Sisyphe


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