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Algérie - Réforme d’un système corrompu ou avancée vers la démocratie ?

21 février 2011

par Salima Deramchi, féministe laïque

En ces jours où le vent de la démocratie et de la liberté souffle sur les pays arabes, chacun y va de ses questionnements, de ses explications, de ses projections et de ses comparaisons. On dirait que ces pays ont la même histoire, la même mémoire collective et les mêmes projections dans l’avenir.
On croirait, tout simplement, qu’une véritable union arabe des peuples existe !

Or la diversité du monde arabe, tant historique, idéologique et économique que sur le plan des alliances, n’est plus à démontrer.

Il est une question qui revient trop souvent ces jours-ci : il y a-t-il une jonction entre les formations politiques et citoyennes de la coordination nationale pour le changement et la démocratie et la jeunesse elle-même ?

Bien sûr, on se pose cette question à cause du manque de visibilité du mouvement qui est elle-même liée au nombre de personnes participantes.

Avant toute discussion, il conviendrait de clarifier certaines notions liées aux origines du peuple algérien. Le peuple algérien tire ses origines aussi bien de la berbérité que de l’arabité. La religion musulmane étant rattachée à l’arabité, on a oublié les autres origines qui ont constitué le peuple algérien. L’islam n’est ni une origine, ni une destinée, c’est en fait un choix individuel et une culture collective impulsée par les différents groupes de pouvoir qui ont mené la vie politique algérienne.
Une religion qui a essayé de fomenter une unité et qui a masqué justement que le pays est fait de composantes diverses.

Comment parler de jonction avec les jeunes quand le désenchantement idéologique, la fermentation des problèmes socio-économique et l’installation d’un processus d’islamisation sont le seul vécu de ces jeunes ?

Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils aient perdu espoir.

L’individualisation, la peur pour soi et pour les siens, alimentées par le terrorisme intégriste et un État de non-droit qui laisse libre cours à la loi du plus fort. Cet État hétérogène, dominé par la corruption et le clanisme, a une opposition politique tournée sur elle-même. Ses alliances sont souvent douteuses et fonctionnent sur l’informel et la perpétuation de rumeurs qui, faute de réelles informations, de données concrètes, ne laissent d’autre choix que de vivre dans l’expectative.

Être dans l’expectative ne veut pas dire être dans l’immobilisme. Loin de baisser les bras, ces jeunes luttent à leur manière pour leur liberté. Ne s’engouffrent-ils pas dans les seules brèches qui leurs sont ouvertes ? La harga (fuite sans visa), non vers les pays islamiques mais vers des lieux où la démocratie et la liberté sont des acquis populaires, est leur tentative de sortir de l’immobilisme. Le petit « busniss » leur donne l’illusion de pouvoir devenir milliardaires un jour et cette illusion est entretenue par le pouvoir en place.

Alors, à tous ceux qui se demandent où sont les jeunes, sachez que leur désengagement est à lui seul le paradoxe d’un engagement. Un engagement avec celles et ceux qui, dans leurs luttes, se posent ses questions : au nom de qui faut il agir ? pour qui ? avec qui ?

Les réponses à ses questions ne peuvent se trouver que dans un projet de société réellement démocratique qui prenne en compte les aspirations de ceux et celles au nom de qui il parle.

  • Un projet de société ne peut se contenter de slogans peu à peu vidés de leurs sens.
  • Il doit être tourné vers la liberté et le bien-être des populations. Celui que recherchent les harragas, les rêveurs milliardaires hittistes et toutes celles et ceux qui sont à l’avant-garde des luttes pour la démocratie, l’égalité des droits, la liberté de conscience et le libre choix de disposer de soi et de son corps.
  • Un projet de société doit coupler la responsabilité avec la liberté, l’égalité, la laïcité.
  • Un projet de société doit être transparent sur sa politique, son économie, sa solidarité institutionnelle, son éducation, sa santé, sa culture et surtout sa justice.
  • Il doit se donner comme priorité l’égalité devant la loi de tous les citoyen-ne-s, notamment l’égalité des droits entre les hommes et les femmes.

    Deramchi Salima et Mousli Salima

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 20 février 2011

    Salima Deramchi, féministe laïque


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