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Cour suprême du Canada - Il n’y a pas consentement à une relation sexuelle lorsqu’une femme est inconsciente

26 mai 2011

par Le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes

Les arguments du FAEJ sont accueillis par la majorité de la Cour suprême du Canada.

Toronto, le 27 mai 2011 - La Cour suprême du Canada a rendu aujourd’hui sa décision dans la cause R. c. J.A., une affaire où un homme, accusé d’avoir agressé sexuellement sa conjointe de fait alors qu’elle était inconsciente, soutenait que la plaignante avait consenti « à l’avance » au rapport sexuel. Le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes (FAEJ) est intervenu dans l’appel pour soutenir qu’il ne pouvait exister de consentement « à l’avance » à un rapport sexuel inconscient, un consentement devant toujours être actif, volontaire, continu et concomitant à l’acte sexuel. 

La Cour suprême du Canada en a convenu dans une décision partagée à six juges contre trois.

« La Cour a ainsi validé les avancées égalitaires des vingt dernières années en droit des agressions sexuelles », explique Joanna Birenbaum, directrice du contentieux au FAEJ. « La décision confirme ce qui était déjà clair dans notre Code criminel et ce qui est ou devrait être de l’ordre du sens commun : lorsqu’une femme est inconsciente, elle n’est pas sexuellement disponible. Tout acte sexuel perpétré sur une femme inconsciente, qui est incapable de dire "oui" ou "non", constitue une agression. Il s’agit d’une proposition simple, qui n’a rien de controversé. »

Les faits de cette cause concernent un conjoint violent qui a étranglé la plaignante jusqu’à ce qu’elle perde conscience et qui, alors qu’elle était inconsciente, l’a ligotée et l’a pénétrée par voie anale avec un godemichet, auquel point celle-ci a repris conscience. L’accusé a soutenu que la plaignante avait consenti à la strangulation et avait consenti « à l’avance » aux actes sexuels pratiqués sur son corps durant sa perte de conscience. Le juge de première instance a condamné l’accusé pour agression sexuelle, entre autres chefs d’accusation. La Cour d’appel de l’Ontario a renversé cette condamnation au motif que la plaignante avait consenti à l’avance aux actes sexuels pratiqués sur elle durant son inconscience.

La Cour suprême du Canada a rétabli la déclaration de culpabilité et jugé qu’il fallait « qu’une personne soit consciente pendant toute la durée d’une activité sexuelle pour donner un consentement valable » et que « la définition du consentement » « exige que le plaignant donne un consentement réel et actif à chaque étape de l’activité sexuelle, ce qu’une personne inconsciente est incapable de faire ».

« Cet arrêt offre une protection cruciale aux femmes qui sont les plus vulnérables aux agressions sexuelles », explique l’avocate du FAEJ Elizabeth Sheehy. « Les femmes en état d’inconscience, en raison de l’absorption, volontaire ou non, de drogues ou d’alcool, ou à cause d’une incapacité fonctionnelle, vivent des taux scandaleusement élevés d’agressions sexuelles, souvent avec l’impunité de leurs agresseurs. La décision d’aujourd’hui garantit que les prédateurs ne pourront violer des femmes inconscientes pour ensuite prétendre qu’« elle a dit que c’était correct avant de perdre conscience. »

Me Birenbaum ajoute que « cette décision valide également la loi, prise pour acquise par la plupart sinon l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens, qu’une femme peut dire "non" à un rapport sexuel avec son mari. Le consentement ne peut être pris pour acquis du fait de la relation maritale. Le fait qu’une épouse, ou que toute femme, ait dit « oui » à un moment passé ne constitue pas un consentement perpétuel à des rapports sexuels. Les partenaires sexuels ont l’obligation de s’assurer de manière continuelle d’un consentement réciproque. Les femmes doivent toujours avoir le droit de retirer ce consentement à tout moment. Et le retrait du consentement est simplement impossible lorsqu’une femme est inconsciente. »

Le factum d’intervenant déposé par le FAEJ peut être consulté sur
le site.

 Lire aussi l’analyse des arguments de la Cour suprême par Elizabeth Sheehy

Traduction : Martin Dufresne

Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 mai 2011

Le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes


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