source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3929 -



Banalisation de l’industrie du sexe et éducation des jeunes

29 juin 2011

par Katherine Hébert-Metthé, MA en Études féministes

Chaque jour, mes amies et moi ainsi que de nombreuses citoyennes sommes confrontées aux multiples manifestations sexistes qui se retrouvent dans notre environnement. De la dernière publicité télévisée de bière, où la femme est textuellement nommée comme une « chose », au statut de salope que nous accordent de nombreux graffiti et chansons populaires ; des sifflements et commentaires, que nous lancent les hommes sur la rue, aux bars de danseuses nues où les offres promotionnelles sur les femmes se rapprochent de celles faites sur les « burgers » au McDonald, la violence envers les femmes est banalisée et, de ce fait, enseignée aux plus jeunes comme étant normale et légitime.

Alors que le ministère de la Sécurité publique du Québec continue de financer des projets visant à combattre l’exploitation sexuelle et la traite des enfants (budget 2010-11 : 1 845 600$), les médias (journaux, télévision, etc.) ne se gênent pas pour faire la promotion de l’industrie du sexe, une industrie basée en grande partie sur l’exploitation sexuelle des femmes. En tant que consultante sur un projet visant à prévenir l’exploitation sexuelle des jeunes filles dans Côte-des-Neiges et Notre-Dame-de-Grâce, je ne peux que m’insurger contre la banalisation de cette industrie.

Lors de la fin de semaine de la Formule 1, l’édition week-end du journal Métro fait la promotion de la danse poteau, une danse qui permet aux filles de « faire du sport sans aller au gym » tout en faisant « un bonus pour leurs chums ». Loin de faire la promotion de l’autonomie sexuelle des jeunes femmes, on leur lance comme message qu’une danse sexy, c’est ce que les garçons veulent et attendent d’elles. Sur la même page, une capsule révèle « un site pour s’y retrouver (…) parmi la multitude d’offres de danse contact ». L’article va jusqu’à nommer les noms de deux danseuses qu’ils considèrent « ben bonnes ». Le prix d’une danse contact y est également indiqué. Ce journal se retrouve entre les mains de milliers de jeunes qui prennent le métro pour aller à l’école chaque jour.

Le message que reçoivent les garçons est qu’il est légitime et normal d’acheter une femme et de la soumette à ses fantasmes sexuels.

Face à ce phénomène, j’en profite pour faire réfléchir mes élèves sur la nature du consentement sexuel lorsque l’argent entre en compte. Plusieurs réalisent que, dans ce type de rapport, une des deux personnes ne désire pas nécessairement les actes sexuels dans lesquels elle s’engage. Je leur demande alors : « Si l’on enlève l’argent, comment appelle-t-on un acte sexuel non désiré ? ». « Une agression, un viol », me répond-t-on. Est-ce que l’argent peut tout acheter, même le consentement à la sexualité ? C’est ce à quoi nous devons réfléchir ensemble en tant que société puisque lorsque l’on banalise l’industrie du sexe, il est difficile de faire un travail d’éducation à une sexualité égalitaire, c’est-à-dire où l’on est connecté à nos désirs et à l’écoute de l’autre, avec les jeunes.

Derrière la promotion de cette industrie se cache un mythe persistant, celui que les hommes ont des besoins sexuels irrépressibles. Ce mythe n’a pourtant aucune base biologique : « Il est le résultat du rapport à la sexualité conditionné par les constructions sociales qui veulent que les désirs masculins soient incontrôlables et doivent, par conséquent, s’actualiser, et ce, peu importe la façon et si les femmes en ont réellement envie. Aux femmes, on leur apprend à réprimer leurs désirs au profit de ceux des hommes à qui elles doivent plaire à tout prix et on les responsabilise des actes de violence dont elles sont victimes prétextant qu’elles provoquent le désir des hommes. » (1, 2).

Les résultats préliminaires d’une recherche menée par Rhéa Jean, docteure en philosophie, divulgués lors du Tribunal populaire sur l’exploitation sexuelle commerciale organisé par la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES) à l’UQAM du 18-20 mars 2011, révèlent les coordonnées de 353 lieux d’exploitation sexuelle à Montréal, un chiffre considéré bien en deçà de la réalité. Est-ce vraiment l’avenir que nous voulons offrir à nos enfants ?

Heureusement, le Secrétariat à la condition féminine, le Conseil du statut de la femme ainsi que plusieurs organismes féministes, comme les Centre d’aide et de luttes contre les agressions à caractère sexuel et la CLES, continuent de se battre contre les violences sexuelles et pour l’égalité entre les femmes et les hommes au Québec et dans le monde.

Notes

1. Hernandez, H. et Claude, E. (2009). « Oui, nous voulons être libres ! Mais libres de quoi ? » dans Anarchisme, féminisme contre le système prostitutionnel, Éditions du Monde Libertaire, Paris.
2. Legardinier, C. et Bouamama, S (2006). Les clients de la prostitution : l’enquête. http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2294

L’auteure
Katherine Hébert-Metthé détient une maîtrise en Études féministes et Développement international. Elle participe à la Table jeunesse de Côte-des-Neiges et de Prévention CDN-NDG (Montréal).

Pour plus d’information : Courriel.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 29 juin 2011

Katherine Hébert-Metthé, MA en Études féministes


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3929 -