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Déclaration concernant les poursuites intentées contre Dominique Strauss-Kahn aux États-Unis et en France - Des groupes de femmes appellent à la justice dans les causes de violence sexuelle

7 juillet 2011

Nous, les défenderesses soussignées des droits des femmes et des droits humains, nous déclarons solidaires de la femme que nous appelons « Hawa », la plaignante non nommée dans la poursuite pour agression sexuelle récemment intentée contre l’ancien chef du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn. Nous sommes aussi solidaires de Tristane Banon, qui a porté plainte hier contre Strauss-Kahn en France pour avoir tenté de la violer en 2003.

Même si ces deux femmes ne pouvaient être plus différentes – l’une est une journaliste française blanche née dans une famille privilégiée et importante politiquement, l’autre une immigrante à New York, issue d’un des pays les plus pauvres de l’Afrique, et une survivante de la mutilation génitale féminine, comme plus de 90 pour cent des femmes en Guinée, et du mariage des enfants – toutes deux ont eu le courage d’aller de l’avant et de signaler des agressions sexuelles commises à leur encontre par Strauss-Kahn. 

Nous sommes scandalisées par les déclarations des avocats de Strauss-Kahn, les tabloïds, et les fuites provenant des sources anonymes au sein de la poursuite pour tenter de détruire la réputation d’Hawa. Ils ont réussi à insidieusement transférer l’attention des gens du signalement de l’acte de violence sexuelle perpétré par Strauss-Kahn pour mettre le focus sur la personnalité d’Hawa. Les femmes et les filles les plus vulnérables de notre société – celles qui vivent dans des conditions de pauvreté, celles qui sont immigrantes, celles qui n’ont qu’une instruction limitée, celles ayant des antécédents d’exploitation et d’abus sexuels, celles qui vivent en marge de notre ordre social et économique – sont les moins susceptibles de se voir accorder la protection de notre système de justice. Quand une femme fait état d’un cas de violence sexiste, sa réputation ne doit pas être le centre du débat. L’accent devrait être mis sur son plein accès à la justice pour ce qui lui est arrivé, et cela au tribunal.


Tristane Banon est également accusée d’avoir fabriqué son signalement d’une violente tentative de viol de la part de Strauss-Kahn. Ce n’est qu’une question de temps avant que débutent les efforts pour salir également sa réputation. Comme d’innombrables autres victimes d’agression sexuelle, Tristane Banon a été découragée de signaler la tentative de viol. Malgré la possibilité que des éléments probants de la tentative de viol de Tristane Banon par Strauss-Kahn ne puissent être recevables dans la cause d’Hawa, cette affaire demeure un puissant facteur de soutien aux dires d’Hawa. La preuve médicale et médico-légale non contestée de la présence de l’ADN de Strauss-Kahn sur les lieux et sur les vêtements d’Hawa, couplée aux blessures physiques de celle-ci, notamment des rapports de contusions à la zone génitale et de vêtements déchirés, il reste une forte indication qu’il y a eu violence sexuelle. Beaucoup d’entre nous sont des spécialistes en violence conjugale et en agression sexuelle et, à ce titre, avons constaté à plusieurs reprises que les hommes qui commettent des violences sexuelles contre les femmes et les filles sont presque invariablement des agresseurs en série. Poussés par un mélange d’arrogance, d’un sentiment d’être privilégiés et de misogynie, ces hommes poursuivent leurs agressions sur les femmes et les filles parce qu’ils sont rarement tenus responsables.

Nous exhortons la population des États-Unis, de la France, de la Guinée et de tous les autres pays au monde à reconnaître que la violence contre les femmes et les filles constitue un problème endémique et omniprésent, et ce que l’ancien Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan a appelé en 1999 « peut-être la plus honteuse violation des droits humains et la plus répandue ». L’Organisation mondiale de la Santé signale que de 20 à 50 pour cent des femmes et des filles souffrent de la violence sexiste dans le monde. Le Fonds des Nations Unies pour la population a décrit la violence contre les femmes comme « peut-être la violation des droits humains la plus répandue et la plus tolérée par la société ». La violence contre les femmes et les filles se poursuit sans relâche, comme le démontre l’affaire Dominique Strauss-Kahn, parce que les victimes sont blâmées et réduites au silence et les auteurs de ces crimes conservent l’impunité plus souvent qu’autrement.

Nous exhortons la presse de cesser ses attaques diffamatoires irresponsables contre les victimes d’agression sexuelle, qui peuvent leur être psychologiquement préjudiciables et même mortelles. Par exemple, dans de nombreuses sociétés traditionnelles, les femmes qui sont étiquetées « prostituées » – que ce soit vrai ou non – peuvent être mises à mort pour effacer la souillure du soi-disant « honneur » de leur famille. Une telle diffamation pourrait facilement provoquer de nouveaux actes de violence contre elles ; elle doit donc cesser.

Nous appelons le procureur du district de Manhattan, ainsi que les procureurs et les tribunaux du monde entier, à s’assurer qu’Hawa, Tristane Banon et toutes les autres femmes et filles qui ont le courage de se manifester et de porter plainte soient traitées avec sensibilité et respect. Les procureurs doivent comprendre que, vu les exigences de nos systèmes de justice pénale et leur tolérance de longue date de la violence contre les femmes, à l’instar de l’ensemble de la société, ces poursuites sont difficiles à intenter, à plaider et à remporter. Les procureurs doivent anticiper les problèmes de crédibilité et les attaques diffamatoires touchant les victimes les plus vulnérables et marginalisées de telles agressions et se préparer à les comprendre, les défendre et les protéger. Ce sont des causes difficiles, mais elles sont indispensables pour mettre fin à la culture de l’impunité qui perpétue la violence contre les femmes. Au nom d’Hawa, de Tristane et des millions de femmes comme elles dans le monde entier qui ont vécu des formes sexuelles et autres de la violence sexiste et qui méritent le respect, nous exigeons justice.

 Pour ajouter votre signature à la pétition, envoyez un courriel à cette adresse en indiquant que vous voulez signer la pétition.

 Site Equality Now pour voir la liste des signataires.

  • Gloria Steinem

  • La Coalition internationale contre la traite des femmes
  • Le Caucus national des femmes dominicaines
  • Equality Now
  • Hollaback !
  • Prostitution Research and Education
  • Sanctuary for Families
  • The Rebecca Project for Human Rights
  • Choisir la cause des femmes
  • Sisyphe, un regard féministe sur le monde

    Qui sommes-nous :

    
La Coalition internationale contre la traite des femmes (CATW) est une organisation non gouvernementale qui promeut les droits humains des femmes. Elle travaille au niveau international pour combattre l’exploitation sexuelle sous toutes ses formes, notamment la prostitution et la traite des femmes et des enfants, et en particulier des filles. 


    Le Caucus national des femmes dominicaines (NDWC) est une organisation qui traite des questions de défense des droits des femmes à l’échelle nationale et internationale et assure la participation équitable des femmes d’origine dominicaine à tous les aspects de la vie aux États-Unis. NDWC cherche à faire une différence pour les femmes en mettant en place une organisation qui mène des recherches et des analyses de données qui peuvent servir à améliorer nos vies.

    Choisir-la-cause-des-femmes, association féministe présidée par l’avocate Gisèle Halimi qui défend, promeut et diffuse les droits des femmes qui historiquement est à l’origine de la reconnaissance du viol comme crime en France en 1978, qui a lutté victorieusement pour la décriminalisation de l’avortement en 1972 avec le procès de Bobigny, qui défend les droits des femmes et notamment la lutte contre les violences qui leur sont faites et notamment la prostitution au niveau européen avec la Clause de l’Européenne la plus favorisée.

    Equality Now a été fondée en 1992 pour travailler à la protection et à la promotion des droits humains des femmes partout dans le monde. Travaillant avec des organisations nationales de droits humains et des activistes individuelles, Equality Now documente des cas de violence et de discrimination contre les femmes et mobilise des interventions internationales en vue d’appuyer leurs efforts pour faire cesser ces atteintes aux droits humains. 



    Hollaback ! est un mouvement qui vise à mettre fin au harcèlement de rue en utilisant la technologie mobile. En recueillant des comptes rendus et des images de femmes et de personnes LGBTQ d’une manière sécuritaire et susceptible d’être partagée, Hollaback ! Met sur pied une initiative collective pour éradiquer le harcèlement de rue. Hollaback ! rompt le silence qui a perpétué la violence sexuelle au niveau international, affirme que toute violence sexiste est inacceptable et crée un monde où nous avons des choix et, plus important encore, un mode de réaction. 



    Prostitution Research and Education (PRE) mène des recherches sur la prostitution, la pornographie et la traite, et offre des ressources d’éducation et de consultation aux chercheur-es, aux survivant-es, au public et aux décideur-es. L’objectif de PRE est d’abolir l’institution de la prostitution, tout en réclamant des solutions de rechange à la traite et à la prostitution - y compris des soins de santé émotionnelle et physique pour les femmes présentement en prostitution. 



    Sanctuary for Families est le principal organisme sans but lucratif de l’État de New York à se consacrer exclusivement aux besoins des victimes de violence conjugale, des victimes du trafic sexuel et de leurs enfants. Chaque année, Sanctuary aide des milliers de victimes et leurs enfants se bâtir une vie sécuritaire en leur offrant une gamme de services de haute qualité pour répondre à leurs besoins complexes.

    The Rebecca Project for Human Rights préconise la réforme de la justice, la dignité et une refonte des politiques concernant les femmes et les filles vulnérables aux États-Unis et en Afrique. Nous croyons que les femmes et les filles ont le droit de vivre à l’abri de l’inégalité entre les sexes et de la violence et que l’investissement dans leurs qualités de leadership crée des collectivités saines, sûres et fortes.


    Sisyphe, un regard féministe sur le monde, est un site d’analyse, d’information et d’opinion sur l’actualité des femmes partout dans le monde
et sur les droits humains.

    Renseignements et personnes-contact :

    . CATW – Norma Ramos, directrice générale : courriel.

    . Caucus national des femmes dominicaines – Zenaida Mendez : courriel.

    . Choisir la cause des femmes - Gisèle Halimi et Catherine Albertini : courriel.

    . Equality Now – Taina Bien-Aimé : courriel. 
 

    . Hollaback ! – Emily Mai : courriel.

    . Prostitution Research and Education – Melissa Farley, directrice générale : courriel. 
 

    . Sanctuary for Families – Dorchen Leidholdt, directrice - courriel.

    . The Rebecca Project for Human Rights – Malika Saada Saar, directrice générale : courriel.

    . Sisyphe, un regard féministe sur le monde - Micheline Carrier et Élaine Audet : courriel.

    Traduction : Martin Dufresne

    Version originale en anglais.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 7 juillet 2011




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