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Affaire DSK - La négation du crime de viol

3 septembre 2011

par Dre Michèle Dayras, présidente de SOS-SEXISME

Je ne trouve pas les mots exacts pour traduire les sentiments que j’ai ressentis à la lecture des conclusions du procureur Cyrus Vance Jr : stupéfaction, incrédulité, bouleversement, consternation. Une envie de hurler m’a submergée devant une telle injustice faites à toutes les femmes qui ont été, sont ou seront violées.

Alors que l’on nous présente les États-Unis comme une démocratie exemplaire qui se veut le modèle à exporter, dans laquelle chaque citoyen-ne aurait des droits égaux, que constatons-nous ? Dominique Strauss-Kahn est libre ; la justice américaine lui rend son passeport, comme si rien ne s’était passé. Et Madame Diallo n’a même pas droit à un procès équitable.

Pourtant le procureur de New York n’ignore pas qu’il y a eu des faits de violences sexuelles susceptibles de relever du crime de viol, passible de quinze années de prison.

Les membres de l’équipe du Sofitel qui ont recueilli et soutenu Nafissatou Diallo et lui ont conseillé de porter plainte, la directrice du Centre d’accueil des femmes victimes de violences sexuelles qui l’a écoutée et entendue, la psychothérapeute qui l’a expertisée, les médecins qui l’ont examinée, le Grand Jury qui l’a auditionnée, tous savent que Nafissatou a subi un viol.

Alors, qu’est-ce qui (Qui ?) a fait reculer le procureur ? Quelle force (Quel discours ?) à la fois habile, insidieuse et subversive, l’a conduit à ne plus protéger la victime - qu’il persistait à cacher - et à se muer en simili-défenseur du présumé coupable ?

Serait-ce la solidarité masculine que l’on appelle fraternité ? Ou son désir de ne pas nuire à sa carrière personnelle, en évitant le risque de perdre un procès trop médiatisé qui pourrait gêner sa réélection ?

Pourquoi a-t-il laissé organiser des fuites qui ont fait le bonheur de la partie adverse ? Était-il normal que la femme d’un des avocats de l’accusé soit membre de son équipe ? N’aurait-elle pas du être écartée provisoirement, pour une plus grande transparence ?

Qui a incité - ou obligé - le directeur du Sofitel de New-York à démissionner de son poste ?

Pourquoi le procureur, dont le comportement actuel envers DSK tendrait à prouver qu’il l’a a inculpé à tort, ne va-t-il pas jusqu’au bout de sa logique, de ses contradictions, de sa duplicité ou de sa trahison, en poursuivant Madame Diallo en vertu de la loi états-unienne qui punit la « dénonciation calomnieuse » ? Qu’il assume ses choix jusqu’au bout, pour prouver son impartialité !

Quel rôle a tenu le puissant lobby juif américain qui siège à New-York, dans la libération totale et sans condition de DSK ? On sait que les candidat-e-s à la Présidentielle (tels Barak Hossein Obama ou Hilary Rhodam-Clinton) et toute personne désirant avoir un destin politique, doivent faire allégeance à ce lobby et à travers lui, à l’Etat d’Israël. La judéité de DSK se révélera-t-elle un atout positif pour la réélection du procureur Vance, qui représente la ville de NY dans ce conflit ?

De cette affaire - opaque malgré sa médiatisation - DSK sort « blanchi » selon les médias français. Certains affirment même que la décision de justice équivaut à un « non-lieu ». Bien que tout ceci soit faux*, cette vision des choses fait son chemin dans l’opinion publique moutonnière.

En effet, depuis l’abandon des charges contre l’idole du PS, la France s’immerge, sans complexe, dans l’ère Strauss-Kahnienne. On se congratule et on se félicite du retour imminent de notre Sauveur national. On perçoit déjà le souffle vital qui, dès son arrivée, va revigorer notre pays en pleine déconfiture. On espère qu’il va se ‘reconstruire’ après cette « épreuve terrible et injuste », comme il la qualifie lui-même. On pense à son avenir, qu’on lui souhaite radieux (à 62 ans, l’avenir est surtout derrière lui…), mais jamais, jamais, on n’entend un mot de soutien, une parole de solidarité, ou une phrase déplorant le calvaire vécu par Madame Diallo et sa fille adolescente. (Il en est de même vis-à-vis de Tristane Banon, autre victime présumée des débordements de ce prédateur sexuel).

La victime dérange ; on préfère la nier, l’oublier, l’effacer, sauf à la rendre seule responsable de tous les maux. Ce manque d’empathie envers cette jeune femme m’est absolument intolérable ! Entendre une Française dire que « beaucoup de maris trompent leur femme ; ce n’est pas pour ça qu’on doit les mettre en prison » me désespère ! Comment peut-on faire l’amalgame entre un adultère et un crime de viol ? Les traîtresses qui soutiennent les violeurs, fussent-ils leurs compagnons, sont complices de criminels et ne sont pas dignes de considération.

La vie de Nafissatou a été ruinée par un acte sexuel bestial, méprisant et haineux - le viol - qui ne se réfère à aucune pulsion masculine, mises à part celles de domination et de prise de pouvoir sur un être humain, une femme que le hasard a placée à portée de sperme (des centenaires ont été violées dans les hospices).

Quand il empêche Madame Diallo d’accéder à une procédure pénale normale, Cyrus Vance porte atteinte à sa dignité, altère un peu plus sa résistance psychologique et freine son processus de reconstruction. De cela, il est certainement conscient.

Cette gestion désastreuse de la plainte d’une femme immigrée, courageuse et fière, exprime de façon criante le peu d’importance et de considération que la société patriarcale, hétérosexuée, américaine, porte à ses victimes. Elle entraîne un brutal retour en arrière qui annule les avancées obtenues, après des décennies de luttes féministes, pour criminaliser le viol.

En 2011, aux États-Unis comme ailleurs, les droits des femmes reculent et les violences à leur encontre augmentent. C’est la conjonction de la mondialisation de l’économie de marché, de la montée en puissance des religions monothéistes misogynes, de l’extension planétaire des conflits armés, du réchauffement climatique et de la surpopulation - avec les famines et les mouvements de migration qui en découlent - qui fait des femmes les premières victimes.

Mais il ne faut pas oublier le sexisme qui tue chaque seconde, quelque part dans le monde. Si des biologistes étudient actuellement la « guerre de sexes » chez les animaux, ils évitent soigneusement de parler de celle - d’autant plus gravissime qu’elle est volontairement occultée - qui se déroule chez les humains. Cette guerre, qui ne dit pas son nom, a pour manifestation principale le viol des femmes. En fonction du contexte - conflits armés ou paix - les hommes les considèrent comme un territoire à conquérir, le repos du guerrier, un simple butin ou une monnaie d’échange.

La décision du procureur Vance à l’égard de DSK n’a pas simplement une portée nationale. Elle interfère sur la vie des femmes du monde entier. Par médias interposés, elles apprennent qu’à l’avenir, quels que soient leur détermination, leur courage, leur volonté et leur désir de voir reconnaître leur statut de victime du crime de viol, il sera vain pour elles de porter plainte car leur parole ne sera pas écoutée et la voie se révèlera sans issue (sauf, peut-être, pour celles déclarées « pures » dans tous les sens du terme ?).

Les violeurs ont de beaux jours devant eux !

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* Note de Sisyphe - En effet, Dominique Strauss-Kahn n’a pas été acquitté ou "blanchi" puisqu’il n’y a pas eu de procès, qui aurait tranché entre la version de la présumée victime et celle du présumé agresseur : les charges ont été abandonnées. Il est donc abusif de dire que DSK a été "blanchi". Aussi abusif de dire qu’il n’y a pas eu de viol, la victime et son avocat ayant été privés de l’occasion d’en faire la preuve.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 août 2011

Dre Michèle Dayras, présidente de SOS-SEXISME


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