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Prostitution et viol - Dommages collatéraux

1er octobre 2011

par Rebecca Mott, survivante et écrivaine

Inspiré par et dédié à Denise Marshall



Une notion terrible veut que la prévention du viol soit l’une des principales raisons d’avoir une classe prostituée.

À condition de définir la classe prostituée comme composée d’êtres sous-humains qu’il est impossible de violer, a fortiori de torturer sexuellement.

À condition de faire le choix de dire que le viol arrive seulement aux femmes et aux filles « véritables » qui sont en dehors de l’industrie du sexe.

À condition de penser que le viol est un crime de passion sexuelle et de manque de contrôle – et non un crime planifié, commis pour contrôler et avilir.

À condition de penser que les personnes prostituées aiment beaucoup la violence, de par leur nature.

Si vous croyez tout cela, alors peut-être que oui, disposer d’une classe prostituée énorme contribue à prévenir le viol.

Mais en réalité, la grande majorité des violences sexuelles faites aux personnes prostituées est rendue invisible à cause de cette notion terrible.

Elles se font dire, sont amenées à ressentir, sont endoctrinées et réduites à croire qu’il leur est presque impossible d’être violées.

Il existe une expression épouvantable qui résume assez bien cette notion : « Ce n’est pas du viol, c’est plutôt comme du vol à l’étalage. »

L’industrie du sexe et ses consommateurs savent que c’est le rôle et le but des prostituées de n’être qu’un simple réceptacle pour n’importe quelle violence sexuelle.

Si la prostituée se plaint, ou agit comme si elle n’en veut pas, si elle se retire de peur ou de dégoût, si elle perd conscience – cela n’est pas classé comme du viol, mais simplement comme un retrait de produits pour le consommateur.

On s’attend à ce que la prostituée accepte tout et n’importe quel fantasme sexuel sadique que veulent les prostitueurs. Si ces actes étaient faits à des personnes non prostituées, on parlerait de viols, de torture sexuelle, mais là, on appelle ces actes son rôle, sa fin, son travail.

On constate partout l’absence de souci pour les personnes prostituées.

On s’indigne des viols dans les guerres, mais on ne ferme pas les bordels dans les zones de guerre.

On se demande si la pornographie générale contribue à une sexualité détachée et plus violente des jeunes hommes, mais on considère que la violence exercée dans cette porno générale est soit simplement mimée, soit faite à des femmes de plastique qui ne ressentent ni douleur, ni avilissement.

On s’indigne des viols collectifs infligés à des femmes non prostituées, mais on se préoccupe peu ou pas de ce que ces viols sont pratique courante dans plusieurs aspects de l’industrie du sexe.

Mais il y a plus, et pour moi c’est le plus grave : de nombreux prostitueurs et profiteurs qui imposent une sexualité sadique aux personnes prostituées ne violeraient jamais ou ne feraient jamais de mal aux non-prostituées.

Beaucoup de ces hommes violents et haineux parleront avec dégoût et indignation des « véritables » violeurs, des « véritables » agresseurs sexuels de jeunes – et c’est souvent en torturant la prostituée qu’ils se livreront à une diatribe sur la nécessité de pendre les violeurs.

Les prostitueurs croient qu’il est impossible de violer une prostituée ; les producteurs et les consommateurs de pornographie ont la conviction que ce n’est pas de la violence sexuelle, mais simplement des fantasmes.

Donc, alors même que la classe prostituée est violée, torturée sexuellement et avilie jusqu’au point de vouloir mourir, on leur dit, on leur fait ressentir, on les endoctrine à l’effet que c’est sans importance.

Les femmes de la classe prostituée devraient se contenter de sourire et tenir bon.

En se réjouissant qu’elles préviennent le viol des femmes « véritables ».

Texte original : Collateral Damage

Traduction : Martin Dufresne, relue par Michele Briand

Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 septembre 2011

Rebecca Mott, survivante et écrivaine


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