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Le mensonge comme arme de guerre

31 mars 2003

par Élaine Audet et Micheline Carrier

On ne peut s’empêcher de se demander pourquoi il n’y a pas plus de militaires qui « refusent de la faire », comme le chante Boris Vian. Une guerre illégale, illégitime contre un pays souverain, condamnée par le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale des Nations-Unies et l’opinion publique internationale. Pourquoi sont-ils encore si nombreux à obéir, à marcher au pas, à croire ce qu’on leur dit sans voir ce qu’on leur cache ?

On peut aussi se demander pourquoi un pays veut encore en envahir un autre alors que toute l’histoire du monde montre que les peuples envahis finissent toujours par chasser les envahisseurs quelles que soient la durée ou la dureté de la résistance nécessaire pour y arriver. C’est à cette détermination que les Anglo-américains sont en butte, eux qui croyaient être accueillis en libérateurs et voir la défense militaire irakienne s’écrouler comme un château de cartes.

***

On n’a pu établir à ce jour aucun lien entre l’Irak et Al Qaeda, ni que ce pays possédait des armes chimiques et de destruction massive, ni que ses fusées avaient une portée suffisante pour atteindre les États-Unis. On peut même présumer que l’Irak, affaibli et appauvri par la guerre du Golfe en 1991, les attaques américaines répétées depuis ainsi qu’un embargo dévastateur n’a tout simplement pas les moyens de posséder de telles armes. À moins que quelque riche pays, ami de circonstance, lui en ait jadis fait cadeau, par exemple, du temps de la guerre contre l’Iran…

Pourtant, sans aucune preuve, l’administration Bush n’a cessé de déclarer le contraire pour justifier, à l’encontre du droit international, la "légitime défense" et sa politique d’invasion préventive. Tel est, en ce moment, « l’axe » de la désinformation et du mensonge et il ne date pas d’hier.

On connaît les nombreux mensonges de la guerre du Golfe en 1991 avec ses scènes préalablement filmées en studio, les déclarations de l’ambassadrice américaine en Irak assurant Saddam Hussein de la neutralité des États-Unis en cas d’invasion du Koweït, la minimisation du nombre des victimes dans les deux camps et l’exagération de la puissance militaire irakienne, etc. Sans compter les fausses promesses faites aux Chiites et aux Kurdes en cas de soulèvement contre Saddam Hussein, alors que les États-Unis les ont laissés se faire massacrer par l’armée irakienne en décrétant l’armistice, sans entrer dans Bagdad, laissant le dictateur au pouvoir pour y maintenir l’ordre dans un pays en ruines.

C’est sans aucun doute l’Arabie saoudite qui a eu droit à la pire imposture de la part des États-Unis. Voulant obtenir la collaboration de ce pays et y établir leurs bases militaires, les États-Unis ont présenté à ses dirigeants des photos, prétendument prises des airs par des avions espions, montrant les troupes irakiennes massées à leur frontière prêtes pour l’invasion. Jamais les journalistes n’ont pu avoir accès à ces photos et il ne fait aucun doute aujourd’hui qu’il s’agissait de photos truquées.

Le plus grand mensonge de l’histoire

Personne n’est à l’abri des mensonges de l’administration américaine, ni ses propres soldats que le gouvernement états-unien expose froidement aux effets de la radioactivité depuis les années 50 et les essais atomiques dans le désert du Nevada jusqu’à la guerre du Golfe et l’intervention en Bosnie, ni ses alliés, ni l’opinion publique internationale. L’empire ne recule ni devant le chantage ni devant l’intimidation pour servir ses propres intérêts et assouvir son désir de dominer le monde.

Il est maintenant prouvé que bien avant le 11 septembre 2001, les États-Unis avaient déjà décidé d’envahir l’Afghanistan et l’Irak et s’entraînaient. Les attentats contre les Tours du World Trade Center et le Pentagone leur ont fourni le prétexte qu’ils attendaient. Depuis plusieurs années, des proches de la Maison-Blanche incitaient les présidents successifs à attaquer l’Irak. Deux d’entre eux, Paul Wolfowitz et Richard Perle, avaient écrit à Clinton en janvier 1998 une lettre ouverte dans un hebdomaire exigeant que les Etats-Unis attaquent Bagdad. "Nous croyons que l’Amérique a le droit, selon les présentes résolutions du Conseil de sécurité, de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris la guerre, pour défendre nos intérêts vitaux dans le Golfe." (1) Dick Cheney et Donald Rumsfeld avaient co-signé cette lettre.

À la suite des attentats du 11 septembre 2001, on a eu droit à des explications bourrées d’incohérences, de contradictions et sans doute au plus cynique et haïssable mensonge de l’histoire. Un an et demi et deux invasions militaires plus tard, l’administration Bush n’a toujours pu fournir de preuves sur ces attentats dont l’auteur présumé, Ben Laden, a disparu miraculeusement dans la nature.

Avant de convaincre le monde entier de son droit d’utiliser la force contre l’Irak, le président George W. Bush a commencé par intoxiquer son propre peuple en le persuadant de la noblesse d’aller vaincre le Mal aux quatre coins du monde et d’y instaurer la démocratie. Un peuple peu difficile à convaincre puisque persuadé depuis toujours de la "mission" salvatrice et quasi-divine des Etats-Unis. Les mensonges de l’administration américaine, répétés à satiété, ont pour objectif de détourner l’attention des véritables mobiles de cette guerre : 1. contrôler le pétrole et d’autres ressources du Moyen-Orient afin de mettre au pas les concurrents européens et asiatiques des Etats-Unis et de sauver économie américaine en faillite ; 2. imposer le nouvel "ordre" américain au Moyen-Orient dont l’instabilité est considérée par les Etats-Unis comme la cause du terrorisme. (2)

La Maison-Blanche a fait croire à la population que Saddam Hussein tomberait rapidement et que le peuple irakien accueillerait les soldats britanniques et américains comme des libérateurs. "(…) De toutes les armes "intelligentes" utilisées pour les conflits modernes, écrit Jérôme Garcin, dans le Nouvel Observateur, les mots sont les plus redoutables : ils camouflent l’horreur, ils détournent du réel, ils inventent une bataille virtuelle - ce sont les compléments directs de la désinformation".(3)

La plupart des médias continuent à relayer de l’information non attestée en provenance des porte-parole anglo-américains, une information qui tend à rendre l’armée irakienne responsable de toutes les infamies. On l’accuse de la famine et de la pénurie d’eau potable, de l’exécution des quatre prisonniers américains montrés à la télévision ou de l’envoi de ses propres fusées sur les populations civiles. Dans cette guerre de désinformation, ce que l’on tait est aussi important que ce que l’on dit. Une propagande mensongère qui jusqu’à maintenant a eu le résultat imprévu de renforcer la solidarité du peuple irakien contre les envahisseurs et de galvaniser les forces qui luttent pour la paix à travers le monde.

Les médias canadiens ne font pas exception. Ils font partie de l’entreprise de propagande. Ce semble être le cas de RDI.

Des experts militaires à la rescousse des agresseurs à RDI

RDI, la chaîne canadienne francophone d’information continue semble se limiter de plus en plus à relayer sans la moindre critique le discours militariste états-unien comme si elle avait reçu des consignes en ce sens. Elle participe ainsi à la désinformation et à la guerre aux côtés des envahisseurs.

Au lieu des experts habituels en études stratégiques et diplomatiques, RDI fait appel de plus en plus en plus à des militaires qui n’analysent que les aspects techniques de la guerre, d’un point de vue pro-guerre, bien sûr. Ces experts s’identifient souvent aux agresseurs anglo-américains. Le 25 mars, l’un d’eux s’est trahi en laissant échapper l’expression "nos troupes" !

Le lieutenant-colonel Rémi Landry s’indigne que, face à une attaque si disproportionnée envers leur pays, les forces irakiennes utilisent des techniques non-conventionnelles de guérilla urbaine qu’il qualifie d’ « actes terroristes ». Un autre jour, lorsque les porte-parole états-uniens disent avoir découvert dans une maison des combinaisons et des masques à gaz contre les armes chimiques, M. Landry déclare que ce n’est sûrement pas pour se protéger d’une attaque chimique de la part des forces anglo-américaines que l’armée irakienne a besoin de telles combinaisons, puisque les États-Unis ont signé la convention internationale contre l’utilisation de telles armes ! Naïveté ou mauvaise foi ?

Lors de la Guerre du Golfe, les États-Unis ont utilisé des bombes à uranium appauvri, causant parmi leurs propres militaires plus de 10 000 décès à ce jour, alors que quelque 183 000 personnes sont atteintes de ce qu’on a appelé le « syndrome de la guerre du Golfe ». Le Pentagone n’a pas protégé ses propres forces armées de la haute toxicité des armes utilisées contre l’Irak et a cherché par tous les moyens et tous les mensonges à cacher au public les conséquences néfastes d’une telle utilisation. L’uranium appauvri, fabriqué à partir de déchets nucléaires, peut tout percer et reste radioactif pendant 4 milliards d’années. En Irak, il aurait fait des centaines de milliers de morts et chaque jour un à deux enfants naissent avec des malformations causées par la radioactivité.

Bien sûr, ceux qui croyaient écraser l’Irak en une guerre rapide parce que le peuple irakien, reconnaissant, leur tomberait dans les bras, ont de quoi s’inquiéter. Les Irakiens, hommes et femmes, non seulement ne se rendent pas à l’envahisseur ni ne fuient vers les pays limitrophes, mais ils rentrent par milliers en Irak pour lutter aux côtés de leurs compatriotes afin de libérer leur pays. Alors, tous les moyens sont bons du côté des envahisseurs pour camoufler leurs bavures et leurs erreurs, la première erreur étant d’avoir déclenché cette guerre, et la seconde, de se croire invincibles.

Sources

1. "Dans les coulisses de l’empire américain. Comment les faucons ont imposé leur guerre", par Vincent Jauvert, Le Nouvel Observateur, 27 mars 2003, no 2003-Enquête
2. Ibidem
3. "Les mots pour ne pas la dire", par Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur, 27 mars 2003, no 2003-Dossier
Aussi
cyberpresse
manipulation
Vigirak
nucléaire
uranium appauvri
Dixit Laurent Laplante

Élaine Audet et Micheline Carrier


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