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Guy Turcotte doit demeurer en détention, selon le psychiatre traitant
15 novembre 2011
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Le psychiatre qui a examiné Guy Turcotte estime que celui-ci doit demeurer en détention à l’Institut Philippe-Pinel pour au moins une année.
« Je ne peux pas me porter garant des sorties seules de M. Turcotte », a dit le docteur Pierre Rochette, lors de sa comparution hier matin devant les membres de la Commission d’examen des troubles mentaux, à Montréal.
Selon lui, les spécialistes ont toujours du mal à comprendre les gestes commis par l’ex-cardiologue Turcotte, qui a avoué avoir tué ses deux jeunes enfants en février 2009. Le docteur Rochette estime qu’il y a toujours un « chaînon manquant » entre sa personnalité et les gestes posés.
En après-midi, les témoignages de l’ex-femme de Guy Turcotte, Isabelle Gaston, ainsi que de la mère et du frère de celle-ci ont eu pour effet de transformer l’audience en pièce de théâtre dramatique. Mme Gaston a livré un témoignage bouleversant que les commissaires ont interrompu à plusieurs reprises, l’estimant irrecevable.
Les commissaires n’ont pas laissé Isabelle Gaston présenter une vidéo, parce que celle-ci contenait des images des enfants. Ils ne voulaient n’entendre qu’elle.
Elle a fait une longue déclaration dans laquelle elle a dit : « Messieurs les commissaires, vous avez l’obligation de vous assurer que Monsieur [en parlant du Guy Turcotte] ne représente pas une menace pour la société. Je fais partie de la société. Je crois qu’il représente une menace pour ma sécurité. »
Elle a également indiqué que « la bombe » qu’il représentait n’était pas complètement désamorcée. Elle a cependant été interrompue quand elle a commencé à parler de Guy Turcotte comme étant un manipulateur qui ne cherchait qu’à se venger. À ce moment, les commissaires lui ont dit qu’elle ne pouvait faire le procès de Guy Turcotte et qu’ils n’étaient là que pour évaluer sa dangerosité. Son frère Patrick et sa mère Rachelle ont également pris la parole. Ils ont aussi été interrompus par les commissaires.
Un geste inexplicable
Le docteur Rochette a souligné que Guy Turcotte, sur les conseils de ses avocats, a toujours refusé de subir une psychothérapie « réelle » et qu’il aurait de la difficulté à trouver de l’aide à l’extérieur.
Le médecin a aussi indiqué que Guy Turcotte avait posé un geste suicidaire, qu’il n’a pas précisé, lorsqu’il était emprisonné au centre de détention de Rivière-des-Prairies.
De plus, il a noté que les parents de l’ancien cardiologue, avec lesquels il devrait vivre après sa libération, ont refusé de rencontrer les psychiatres, ce qui complique l’évaluation de l’environnement dans lequel il évoluerait. Le docteur Rochette a finalement dévoilé que Guy Turcotte souhaitait, à sa sortie, reprendre ses activités de cardiologue, s’exiler dans une autre province, se refaire une vie affective et possiblement ravoir des enfants, ce qui pourrait représenter un autre risque de récidive.
Le psychologue Guy Desjardins, qui a aussi participé à l’évaluation de Turcotte, a pour sa part affirmé que comme il n’y a pas eu de psychothérapie, « rien n’explique le double passage à l’acte » de Guy Turcotte, en faisant référence au double meurtre. « Un nouveau passage à l’acte demeure possible parce qu’on a la même vulnérabilité qu’avant. La fragilité n’a non seulement pas été traitée, elle n’a pas été identifiée », a ajouté le psychologue. À son avis, si Guy Turcotte était remis en liberté, il passerait tout son temps à faire de l’évitement et de la fuite en avant.
L’avocat de l’ex-cardiologue, Pierre Poupart, a quant à lui indiqué qu’il avait l’intention de faire entendre devant la Commission le psychiatre Louis Morissette, le psychologue Michel Parisien, Turcotte lui-même et peut-être des membres de sa famille. Les audiences doivent reprendre au début du mois de décembre.
Le 5 juillet dernier, Guy Turcotte a été reconnu criminellement non responsable des meurtres de ses enfants. Trois options s’offrent à la Commission : le libérer sans condition, le libérer avec conditions, ou le maintenir en institution avec révision ponctuelle du dossier.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 4 novembre 2011